Championnats d’Europe 2025 Tallinn, libre dames : une pluie d’étoiles !
On se doutait qu’elle ne se contenterait pas d’une deuxième place. Niina Petrokina est chez elle, devant son public, avec deux très bons programmes et une furieuse envie de médaille. D’or, la médaille. L’occasion ou jamais. Elle se jette dessus avec une détermination qui n’a d’égal que son élégance. Le patinage est solide, ample, précis. Le thème de Dune lui va bien, sa robe est superbe, sa technique est au top. Pas une seule erreur, sauf une chute à plat ventre complètement absurde entre le triple boucle et le triple flip. Ce n’est pas sur un élément, il n’y aura pas d’incidence sérieuse en dehors du point rituel de déduction. J’aime la sobriété de sa prestation, et aussi l’émotion qui s’en dégage. Avec six triples et trois doubles dont deux Axels, le contenu technique est ambitieux et le pari est gagné. Niina est la première Estonienne à remporter une médaille d’or dans l’histoire du patinage (139,24, Season Best) et la seule femme à dépasser les 200 points dans ce championnats (208.18). La patinoire explose littéralement ! La dernière fois que j’ai assisté à une telle ovation ? C’était pour la victoire, tout aussi inattendue et spectaculaire, de Sarah Meier à Berne en 2011. Des moments forts qui marquent… Au petit jeu des pronostics auquel nous nous livrons, sur le forum de discussion Passion Patinage, une seule personne, quasiment visionnaire, avait cité Niina Petrokina dans les six premières. Il faudra qu’elle nous donne les chiffres du loto !
Tout ceci ne fait évidemment pas les affaires d’une Anastasiia Gubanova qui affiche une tête de six pieds de long dans le Kiss & Cry. Niina est passée juste avant elle sur la glace… Les deux musiques de la néo-Géorgienne sont très belles - “Balder” et “Freya” de C. Reindl - mais elle les patine avec trop de puissance et pas assez d’émotion. La faute au lourd contenu technique qu’il faut assumer ? Sans doute, mais c’est le même que celui de ses principales concurrentes. Deux erreurs dans sa prestation : un quarter pour le triple boucle, une sous rotation pour le triple flip combiné à un triple boucle piqué. Et au final quasiment 10 points de moins (129.62) que l’Estonienne sur le seul T.E.S. Anastasiia peut s’en vouloir, l’or était à sa portée.
Mais qu’il est beau ce programme libre de Nina Pinzarrone ! Prenant, bouleversant, magnifiquement interprété. Grande fan de la série The Handmaid’s Tale, je vois June Osborne sur la glace, avec toute sa souffrance et ses espoirs. Pas de surjeu, de mimiques dramatiques, tout est parfaitement juste. Techniquement, on ne compte pas moins de quatre quarters, deux sous rotation et une carre douteuse. D’où un total de composantes supérieur au T.E.S. Mais la Belge ne vole pas sa médaille de bronze, au contraire. 3èmes du libre (124.64), elle monte fièrement sur la troisième marche du podium (191.44).
Kimmy Repond aurait pu décrocher cette médaille, mais, affaiblie par une récente pneumonie, elle passe à travers son libre sur le thème très prisé (trop…) de Gladiator. Deux lourdes chutes, sur triple Lutz, puis sur le premier saut (triple flip) de la troisième combinaison, forment un gros trou dans son budget points. Elle replace triple boucle/double boucle piqué à la place du boucle initial en fin de programme, mais ça ne suffit. Il y a un curieux blanc entre le triple Salchow et triple boucle/double Axel en séquence, avec de longues glissades à vide seulement occupées par des mouvements de bras. Kimmy, qui est grande et filiforme, ne saute pas haut mais elle saute loin, et la chorégraphie du programme pourrait être mieux élaborée. 5ème de ce libre (117.96), elle n’est que 4ème de la compétition avec un total de 186.64. Le 4ème rang du libre (123.46) est occupé Anna Pezzetta, auteure d’une excellente prestation sur la musique d’Avatar. Une seule erreur : un retournement sur le triple Lutz. La demoiselle est la grâce personnifiée et possède une solide technique. Elle termine 5ème (181.51). Sa compatriote Lara Naki Gutmann la suit au classement avec 117.72 et un libre en dessous de ses possibilités qui la classe 6ème au total (181.51).
Léa Serna, remontée comme une horloge, fait un magnifique bond de dix places par rapport au programme court ! Elle est 7ème de ce libre (113.37), avec un “Exogenesis” de Muse très bien réalisé. Elle est puissante, volontaire tout en restant gracieuse et sensible. Elle se bat du début à la fin, fidèle aux paroles de Matthew Bellamy sur “Uprising”, dernier morceau de sa musique: “they will not control us”. C’est à présent Léa qui contrôle ses nerfs et non plus l’inverse. Vraiment bravo. Les erreurs sur triple Lutz et triple flip resteront anecdotiques comparées à cette formidable remontée. Elle est 11ème (163.70), immédiatement précédée de Lorine Schild (168.21), ce qui conserve à la France ses deux quotas. Lorine, elle aussi, se bat comme une lionne. Plusieurs erreurs l’envoient néanmoins à la 13ème place du libre (105.74). Mais l’honneur est sauf. Le chemin est plus important que la destination, et celui pris par Lorine est courageux. Handicapée par une blessure en début de saison, sa préparation a souffert. Elle commence tout juste à retrouver son niveau.
Kate Royan
Classement final (Öffnet in neuem Fenster)