Le remplacement des élevages bovins par des forêts dans quelques pays riches pourrait avoir des effets bénéfiques considérables sur le climat
Une nouvelle étude montre que par une simple réduction de 13 % de la production mondiale de bétail et par un réensauvagement de certains pâturages, on pourrait emprisonner l’équivalent de trois années d’émissions de carbone à l’échelle mondiale.
Par Emma Bryce (Öffnet in neuem Fenster)
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L’une des approches les plus prometteuses pour limiter notre impact sur le climat consiste à réduire notre consommation de viande de bœuf (Öffnet in neuem Fenster). Mais des questions se posent quant aux lieux à privilégier et à la manière d’y parvenir, car le bétail est une source essentielle de protéines pour des millions de personnes dans de nombreuses régions du monde.
Aujourd’hui, un groupe de recherche indique une solution possible : dans une étude sur les pâturages mondiaux, il révèle que les pays riches et à revenu intermédiaire sont ceux qui ont le plus grand potentiel pour transformer d’anciens pâturages en habitats séquestrant le carbone. En fait, en réduisant la production mondiale de bétail de 13 % (soit moins d’un cinquième) et en rendant ces régions à la nature, on pourrait emprisonner 125 gigatonnes de CO₂.
Ces résultats vont dans le sens d’un consensus de plus en plus large selon lequel les pays les plus riches devraient assumer la charge de la réduction des émissions – un point que les équipes de recherche n’avaient pas l’intention de soulever, mais qui a émergé de manière spontanée de leurs données.
L’équipe dirigée par l’Université de New York a commencé par examiner minutieusement une carte des pâturages mondiaux et des écosystèmes régionaux qu’ils abritent. Cette vue d’ensemble des écosystèmes leur a donné une idée de la quantité de carbone que chaque pâturage pourrait capter si l’on rétablissait son état naturel, qu’il s’agisse de forêts, de garrigues ou de prairies naturelles.
Se fondant sur ces comparaisons géographiques, les scientifiques ont conçu un indicateur qu’ils ont nommé « intensité de l’opportunité carbonique » (IOC) – en anglais, carbon opportunity intensity, ou COI. Selon cette mesure, un pâturage susceptible d’être reboisé serait en mesure d’emprisonner davantage de carbone par hectare de terre dans des essences à grande longévité et des sols profonds, et aurait donc un indice d’IOC élevé. En revanche, un pâturage situé dans une région de prairie naturelle, un écosystème qui retient comparativement moins de CO₂, se classerait plus bas sur cette échelle.
Ensuite, le groupe de recherche a utilisé la technologie de télédétection pour mesurer la productivité des zones de pâturage du bétail à l’échelle mondiale et la quantité de viande bovine que chacune d’entre elles pourrait produire. Ces renseignements ont aidé le groupe à déterminer l’équilibre potentiel entre le réensauvagement et la production de bétail. Celui-ci est important, car il ne serait pas judicieux de réensauvager de vastes étendues pâturables intéressantes sur le plan carbonique si cela devait en même temps forcer le déplacement de nombreux cheptels destinés à une production de viande de grande valeur pour l’alimentation des populations à l’échelle régionale.
Or, l’analyse de l’équipe de recherche a révélé le contraire. En général, l’équipe a constaté que les pâturages à fort potentiel de stockage de carbone se trouvaient dans des pays où la productivité du bétail par acre de pâturage n’était pas extraordinairement élevée. Selon la tendance observée, ces pâturages sont présents davantage dans les pays à revenu élevé et intermédiaire, notamment aux États-Unis, en Chine et en Europe.
Cette dynamique pourrait s’expliquer par le fait que ces régions se situent à des latitudes relativement élevées, où des écosystèmes comme les forêts boréales sont plus courants. Et ces écosystèmes riches en carbone pourraient en absorber encore bien plus si l’on y favorisait le réensauvagement des pâturages. Par ailleurs, les pâturages ne sont pas les plus productifs dans ces régions du monde, de sorte que le réensauvagement de ces terres ne déplacerait pas une part trop importante de la production bovine mondiale.
Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a calculé que si nous concentrions le réensauvagement dans ces zones à hauts revenus, cela entraînerait une réduction de 13 % de la production bovine mondiale. Toutefois, cette diminution concernerait des populations sans enjeux majeurs en matière de nutrition. Cette mesure libérerait suffisamment de terres pour stocker 125 tonnes vertes de CO₂, soit l’équivalent de trois années d’émissions mondiales de carbone qui pourraient être séquestrées dans des terres restaurées, tout en laissant intacte la production de bétail ailleurs dans le monde, là où elle peut être essentielle.
Cette conclusion ne signifie pas que nous ne devrions pas chercher à réduire la consommation de viande bovine dans le monde, avertit l’équipe de recherche. Le potentiel de séquestration du carbone de la reforestation ne doit pas non plus légitimer la poursuite de la production de combustibles fossiles. Le monde a besoin d’une multitude d’approches dans la lutte contre les changements climatiques, a-t-elle pris soin de souligner.
Mais de plus en plus, les pays se tournent vers la reforestation comme une autre approche pour atténuer les effets des changements climatiques. L’équipe de recherche espère (Öffnet in neuem Fenster) que ces découvertes aideront à cerner des zones à réensauvager, parallèlement aux efforts visant à réduire la consommation excessive de viande (Öffnet in neuem Fenster).
« Au cours des deux prochaines décennies, les pays s’efforceront d’atteindre des objectifs cruciaux établis dans le cadre d’accords internationaux pour atténuer les changements climatiques, et la restauration des écosystèmes dans les pâturages reconvertis cadre merveilleusement bien avec cette démarche. »
Hayek et coll., « Opportunities for carbon sequestration from removing or intensifying pasture-based beef production (Öffnet in neuem Fenster) », PNAS, 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/11/trading-cows-for-forests-in-a-few-wealthy-countries-could-deliver-huge-climate-benefits/ (Öffnet in neuem Fenster)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Öffnet in neuem Fenster). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Öffnet in neuem Fenster), la Durabilité à l’Ère Numérique (Öffnet in neuem Fenster) et le pôle canadien de Future Earth (Öffnet in neuem Fenster).