NHK 2024 - Compétition danse : résultats logiques
Danse rythmique en replay (Si apre in una nuova finestra)
Danse libre en replay (Si apre in una nuova finestra)
Partout où passent Madison Chock et Evan Bates, personne ne s’attend pas à voir d’autre vainqueur. Tout le monde a raison. Qui pourrait les battre cette saison ? Les Canadiens Gilles/Poirier ? Leur technique n’est pas suffisamment aboutie. Guignard/Fabbri ? Oui, s’ils remanient leur programme libre qui semble ne pas avoir la faveur des juges. Mais pour l’instant, nous sommes au Japon et les Américains prennent l’avantage dès la danse rythmique (Si apre in una nuova finestra) (86.32). Nous ne reviendrons pas sur leur patchwork musical en onze morceaux qui frise l’indigestion auditive, car la qualité de la prestation du couple finit par le faire oublier. Fluidité, rapidité, précision, légèreté. Deux niveaux peuvent être améliorer : le Pattern Step coté 3 (mais il est rare qu’il soit plus haut), et la médiane d’Evan, un point en-dessous de celle de son épouse (4/3). Depuis le Skate America, leur danse libre sur “Take Five” (Si apre in una nuova finestra) a pris du corps et de l’ampleur. Là encore, les niveaux peuvent être plus élevés : 3 pour elle et 2 pour lui dans la séquence sur un pied ; 3 pour tous les deux dans la circulaire. Il y a fort à parier que cette FD sera totalement à maturité en mars, pour les championnats du Monde de Boston. Ils sont 1ers avec 129.63, soit plus de dix points d’avance sur leurs premiers poursuivants, et gagnent logiquement l’or (215.95).
Les poursuivants en question sont leurs compatriotes Christina Carreira et Anthony Ponomarenko (79.64). Quand je dis “compatriotes”, ce n’est pas tout à fait le cas sur le papier, Christina, Montréalaise, est toujours en attente de son passeport US. Les twizzles et Pattern Step de leur RD (Si apre in una nuova finestra) sont au même niveau que ceux de Madison et Evan (3 et 4). La médiane cote à 3 pour les deux patineurs mais l’ensemble des GOEs est plus bas que ceux de leurs rivaux directs, ce qui est logique. Les deux partitions musicales ne sont pas très assorties : “I Just Want to Make Love to You” d’Etta James pourrait être plus sensuel, “Long Tall Sally” de Little Richard pourrait être plus enlevé. Mais l’ensemble est enjoué et convaincant. Le “Carmen” de leur libre est, en revanche, trop sage. Quitte à prendre un morceau aussi classique et surutilisé, autant en faire quelque chose d’original. Le programme est bien construit et bien exécuté, avec de bons niveaux qui les rapprochent de Chock/Bates en TES. Mais il est aussi très appliqué, très lisse. Ils conservent leur 2ème place (119.33) et gagnent une médaille d’argent 198.97).
J’ai longtemps pensé Allison Reed perdue pour la cause technique et j’ai eu tort. Elle ne cesse de progresser, et l’écart de qualité avec Saulius Ambrulevicius se réduit jusqu’à ne presque plus se voir. Sachant qu’il est beaucoup plus difficile de s’améliorer à 30 ans qu’à 20 ou 25, l’effort est vraiment à saluer. Leur “Da Ya Think I’m Sexy” pète nettement plus le feu qu’à Angers (77.91). Leur libre sur trois chansons d’Apashe (Si apre in una nuova finestra) est aussi plus précis. Le thème est étrange et prenant, bien plus original que leurs prestations passées. Il me rappelle certains programmes des Finlandais Rahkamo/Kokko, celui des Jeux d’Albertville en particulier, et ce n’est pas un mince compliment. J’ai un vrai coup de foudre pour la partie finale, dont la rythmique m’évoque un coeur qui s’emballe. Eux aussi conservent leur 3ème place (117.61) agrémentée d’un Season Best, et montent sur la 3ème marche du podium (192.52) qu’ils n’avaient pu atteindre à Angers.
Je préfère Caroline Green et Michael Parsons à Carreira/Ponomarenko, mais c’est un choix exclusivement personnel, au feeling, car ils sont techniquement moins calés que leurs coéquipiers. En optant pour “These Boots are Made for Walking” pour RD, pourquoi ne pas avoir choisi l’original de Nancy Sinatra plutôt que ce remix âcre à l’oreille ? Puissant, mais manquant de fluidité, le duo a néanmoins de très belles lignes. Le porté en courbe manque encore de finesse mais il est très physique et s’améliorera au fil de la saison. 4èmes (74.38), ils ne bougeront pas lors du libre (114.38) ni au final (188.76). Cette FD me paraît beaucoup plus cohérente et sophistiquée que leur RD. Douceur et mélancolie, on devine une vrai ressenti, sur une chorégraphie de Jean-Luc Baker. “Spiegel im Spiegel” de Arvot Pärt et “Dance Me to the End of Love” de Leonard Cohen par Douglas Dare, sont deux morceaux au parfum mystique et sombre, bien interprété.
Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier sont 5èmes du début à la fin de cette compétition (69.24/109.06/178.30). Leurs deux programmes sont originaux et très travaillés, comme tous ceux concoctés par Karine Arribert. Ils ont changé leur danse rythmique (Si apre in una nuova finestra) à la mi-octobre pour patiner sur deux morceaux des Jackson 5. Toniques et en parfaite unisson, ils perdent cependant des points avec la séquence chorégraphique et rythmique qui ne correspond pas aux éléments requis. Leur danse libre a un côté sauvage en même temps que romantique : “Giselle” vu par Akram Khan, suivi de “Desh : Bleeding Soles” et d’un morceau extrait de la série télévisée “Flesh and Bone” : “Dakini : Movement IV”. Loïcia est parfaite en ballerine à la fois ardente et tourmentée, aux côtés d’un Théo plus réservé mais tout aussi intense. Amour, trahison, rédemption, tout y est. La moyenne des GOEs est à +2, avec quelques +3 et un +4. Et aussi quelques +1 très sévères. Les composantes ne sont pas généreuses non plus. Il y a, dans ce programme et ce patinage, des éléments largement supérieurs à ceux de Carreira/Ponomarenko par exemple, dans l’interprétation en particulier. Là où les Américains atteignent 9.25, les Français culminent à 8.50.
Les changements apportés à la RD de Marie Dupayage et Thomas Nabais commencent à porter leurs fruits. Dès vendredi, les Villardiens paraissent plus à l’aise qu’à Angers, plus libérés. Passés sur la glace après deux couples japonais très classiques, ils font figure d’ovnis ! Le classement de cette compétition étant plutôt figé, eux non plus ne vont pas bouger de place. 8èmes des deux segments de l’épreuve (64.52/101.28), ils sont 8èmes au général (165.80). Leur libre au son de Benjamin Clementine a pris de la vie et de l’élan. Les niveaux sont bons mais une erreur dans les twizzles leur fait perdre quelques points. Leurs composantes restent aussi figées que le classement, au maximum à 7.75. Quelques petits 8.00 n’auraient pas fait de mal. Ceci ne les empêche pas de décrocher leur Season Best.
Orihara/Pirinen et Janse Van Rensburg/Steffan s’intercalent entre les deux couples villardiens, après avoir interverti leurs places entre danse rythmique et danse libre, seul mouvement notoire du classement. Les premiers cités proposent une RD sur Donna Summer et Village People, les seconds sur “Boogie Shoes” et “Land of a Thousand Dances”. On ne s’ennuie pas. On n’exulte pas non plus. Même chose avec leurs danses libres. Anecdote récurrente : des grades d’exécution qui s’étalent de 0 à +4 montrent que les juges ne voient décidément pas tous la même chose. C’est bien pour cela qu’ils sont neuf ! Le “Chorus Line” des Finlandais est très enlevé, bien interprété mais s’essouffle vite. Le “Fantôme de l’Opéra” des Allemands est plus poussif avec une serpentine niveau 1 et un abus de moulinets de bras façon chasse aux papillons.
Les deux couples japonais engagés, Yoshida/Morita et Tanaka/Nishiyama, ferment la marche. Les deux écopent d’un point de déduction dans la RD pour porté trop long. Yoshida/Morita commettent la même erreur dans la FD. Romain Haguenauer et Cathy Reed (soeur d’Allison), leurs entraîneurs respectifs, vont devoir s’offrir un chronomètre comme celui qui ne quitte jamais Barbara Fusar-Poli !
Kate Royan