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Première étude mondiale sur le rôle extraordinaire des animaux en tant qu’architectes de la Terre

Une équipe de recherche a calculé que les créatures, petites et grandes, rivalisent avec le pouvoir de remodelage du paysage d’un demi-million d’inondations majeures chaque année.

Par Warren Cornwall (Opens in a new window)

Le petit termite rouge et brun Syntermes dirus mesure peut-être moins de trois centimètres, mais il peut littéralement déplacer des montagnes.

Cet insecte brésilien est le principal architecte des monticules de terre de quatre mètres de haut qui recouvrent une partie de l’est du Brésil aussi vaste que la Virginie. Dans cette région, 90 millions de monticules représentent un mouvement de terre équivalent à 900 fois la Grande Pyramide d’Égypte. Cette découverte a incité les scientifiques à déclarer en 2015 (Opens in a new window) qu’il s’agissait du « plus grand exemple d’ingénierie de l’écosystème par un insecte à l’échelle du paysage ».

Le termite (Opens in a new window) est une illustration spectaculaire de la manière dont des organismes autres que l’humain peuvent façonner la surface de la Terre, à l’instar de forces telles que le vent et l’eau. Mais ce n’est pas le seul. Et la capacité collective de ces créatures à faire littéralement bouger la planète est plus importante que ce que l’on pouvait imaginer jusqu’à présent.

« Le rôle des animaux dans le modelage des paysages est beaucoup plus important qu’on ne le croyait », indique Gemma Harvey (Opens in a new window), scientifique à l’Université Queen Mary de Londres, qui étudie l’interaction des organismes avec la surface de la Terre.

Cette dernière a dirigé des travaux de recherche qui ont récemment dévoilé une estimation impressionnante de l’incidence des animaux sauvages sur les sols et les roches de la planète. D’après les calculs, cet effet équivaut au moins, chaque année, à l’action de centaines de milliers d’inondations majeures qui emportent des roches et des sédiments en aval. Et il s’agit là d’un chiffre prudent. « Ces conclusions sont stupéfiantes », commente l’équipe.

Mais les termites ne sont pas les seuls à s’adonner à ce genre d’activité. Parmi les exemples les plus connus et les plus emblématiques, citons les castors qui endiguent des vallées entières (Opens in a new window), les saumons qui draguent le fond des rivières (Opens in a new window) pour y installer leur nid et les grizzlis qui creusent les flancs des collines (Opens in a new window) à la recherche de racines.

Or, il ne s’agit là que d’une infime partie de toutes les créatures qui s’affairent à remuer les sols dans tous les sens. Gemma Harvey et ses collègues ont recensé près de 500 espèces sauvages et cinq animaux domestiqués dont les scientifiques ont démontré la capacité à agir sur la forme du paysage, de la simple fourmi à l’éléphant d’Afrique. Dans de nombreux cas, leur action amplifie l’érosion. Les sillons tracés par les hippopotames (Opens in a new window), par exemple, peuvent devenir le point de départ de réseaux de ruisseaux. Les termites, pour leur part, peuvent collecter de la terre pour construire des structures. Dans bien des cas, il suffit qu’une créature telle qu’une tortue creuse un terrier souterrain (Opens in a new window) pour que les souris et les grillons ajoutent leurs propres petites contributions au labyrinthe. Et n’oublions pas les quelque 20 quadrillions de fourmis (Opens in a new window), qui déplacent souvent un grain de terre à la fois. Si on additionne tous ces mouvements, on obtient un tremblement de terre aussi subtil que permanent à l’échelle de la planète.

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C’est précisément à cet exercice d’addition que se sont livrées Gemma Harvey et son équipe. Les scientifiques ont rassemblé toutes les études portant sur les organismes terrestres et d’eau douce dont le pouvoir de modelage des sols a été mesuré. Ils ont ensuite utilisé des estimations de la biomasse globale des différents types d’animaux et tenu compte de facteurs tels que l’abondance des espèces capables de remuer les sols au sein de ces groupes pour calculer la biomasse totale des « façonneurs de la Terre » (mon terme, pas le leur). Puis, ils ont converti cette biomasse en calories pour obtenir une valeur énergétique totale. Cela leur a permis d’estimer, de manière prudente, que 1 % de l’énergie totale des organismes était dépensée d’une manière ou d’une autre pour agir sur le mouvement des sols. Les scientifiques ont tiré les conclusions suivantes de ce tourbillon mathématique : ces animaux sauvages dépensent environ 76 000 gigajoules par an pour façonner la Terre, soit l’équivalent de plus d’un demi-million d’inondations fluviales majeures, une force beaucoup plus largement reconnue pour sa capacité à sculpter le paysage.

« Depuis les castors qui créent des zones humides jusqu’aux fourmis qui construisent des monticules de terre, ces divers processus naturels sont cruciaux et, pourtant, nous risquons de les perdre à cause du déclin de la biodiversité », souligne Gemma Harvey.

Et ce n’est qu’une fraction de la situation globale. Selon les estimations de Gemma Harvey, l’effet du bétail – vaches, chèvres, moutons et autres créatures à sabots – éclipse celui des animaux sauvages. Leur puissance de déplacement est environ 450 fois supérieure, soit 34,5 millions de gigajoules.

Puis, il y a l’impact des êtres humains… qui n’entre pas dans le calcul de l’étude. Cela dit, quand on ajoute notre propre biomasse, plus toute l’énergie que nous tirons de la planète pour alimenter nos bouteurs et autres machines de terrassement, à combien pensez-vous que le bilan grimpe?

Harvey, et coll. « Global diversity and energy of animals shaping the Earth’s surface » Proceedings of the National Academy of Sciences, 18 février 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/02/first-global-study-of-the-extraordinary-role-of-animals-as-architects-of-earth/ (Opens in a new window)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).

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