Skip to main content

Une équipe de recherche modifie des cultures pour qu’elles absorbent plus de CO2 de l’air et améliorent la photosynthèse

En manipulant l’enzyme RuBISCO, l’équipe a créé des plantes qui réagissent à l’augmentation des concentrations de CO2 atmosphérique en optimisant la photosynthèse – permettant ainsi d’obtenir des rendements plus élevés.

Par Emma Bryce (Opens in a new window)

Une équipe de recherche a modifié les mécanismes de plantes pour créer des cultures capables de réagir à l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère, d’accroître la photosynthèse et de produire des rendements plus élevés. Des expériences menées sur le terrain ont permis de développer des cultures de canne à sucre et de sorgho qui génèrent entre 15 % et 81 % plus de biomasse.

L’étude s’inscrit dans le cadre d’un champ de travail en plein essor qui consiste à pirater la photosynthèse (Opens in a new window) pour tenter de rendre les cultures plus productives. Une grande partie de ces travaux se concentre sur la carboxydismutase (ou RuBISCO), une enzyme abondante qui aide les plantes à fixer le carbone sous forme d’hydrates de carbone et qui agit donc comme moteur de la photosynthèse.

La plupart des plantes utilisent une version de la photosynthèse appelée C3, qui est limitée par le fait que la RuBISCO, dans ce scénario, a tendance à fixer des molécules d’oxygène en plus du carbone. Résultat : une grande partie de l’énergie que la plante aurait pu utiliser pour la photosynthèse est gaspillée, un processus que tout un corpus (Opens in a new window) de recherches vise aujourd’hui à rationaliser.

Cela dit, d’autres plantes ont évolué pour développer une nouvelle forme de photosynthèse appelée C4 (Opens in a new window), dans laquelle des structures foliaires spéciales facilitent le regroupement du carbone autour de la RuBISCO, limitant ainsi son exposition à l’oxygène. Ces plantes ont contourné le problème de l’oxygène, mais selon certains chercheurs, le défi consiste maintenant à augmenter leur production de RuBISCO pour fixer une plus grande quantité du carbone abondant de l’air, le seul obstacle qui limite encore ce type de photosynthèse. 

En fait, avec l’augmentation des émissions de CO2 à l’échelle mondiale, on estime que ces cultures C4 pourraient fournir beaucoup plus de nourriture si elles disposaient d’une plus grande quantité de RuBISCO essentielle, ce qui permettrait de « confirmer leur valeur dans le contexte des changements atmosphériques mondiaux », explique Coralie Salesse-Smith, chercheuse postdoctorale à l’Université de l’Illinois, dont les travaux font partie du projet RIPE (Realizing Increased Photosynthetic Efficiency, ou « réalisation d’une efficacité photosynthétique accrue »).

Soutenez-nous

Pour tester cette possibilité, Coralie Salesse-Smith et son équipe se sont concentrés sur deux cultures C4 : la canne à sucre, qui produit la biomasse la plus récoltée au monde, et le sorgho, la quatrième céréale en importance dans la production mondiale. Dans ces deux cultures, l’équipe a croisé deux gènes modifiés qui, d’après d’autres études, augmentent l’assemblage de la RuBISCO dans les plantes. À partir de cette cohorte, elle a cultivé des dizaines de nouvelles plantes, qu’elle a plantées en plein champ (sorgho) et en serre (canne à sucre), et qu’elle a cultivées en même temps que les versions ordinaires de chaque culture.

Tout d’abord, des études sur les plantes elles-mêmes ont montré que, par rapport aux cultures classiques, celles dotées de mécanismes améliorés présentaient une teneur accrue en RuBISCO de 13 % à 25 % pour le sorgho, et de 90 % pour la canne à sucre. « Grâce à l’augmentation de cette enzyme, les plantes ont pu absorber plus de CO2, ce qui a entraîné une hausse de la photosynthèse et de la productivité », indique Coralie Salesse-Smith. De fait, cette expérience s’est traduite par une augmentation de 15,5 % de la biomasse du sorgho en plein champ et par une augmentation étonnante de 37 % à 81 % de la production de canne à sucre en serre. 

L’équipe de recherche craignait que les tissus végétaux ne disposent pas d’assez d’espace pour stocker le nouveau flux de RuBISCO. Or, une étude microscopique distincte sur une plante apparentée à la canne à sucre et au sorgho, le miscanthus, avait déjà révélé qu’il était possible de doubler la teneur en RuBISCO dans les tissus de cette plante. Selon l’équipe, cela concorde avec l’augmentation de la quantité de RuBISCO détectée dans les cultures étudiées, ce qui laisse à penser que cette tribu végétale pourrait avoir une plus grande capacité naturelle de stockage. 

Il y a tout de même lieu d’émettre certaines réserves. Dans le cas de la canne à sucre, les plantes enrichies en RuBISCO ont présenté une importante augmentation de leur hauteur, de leur nombre de feuilles et de l’épaisseur de leurs tiges. En revanche, il est intéressant de noter que dans le cas du sorgho, malgré une augmentation similaire de la biomasse, les plantes n’ont pas montré d’augmentation particulière des graines, c’est-à-dire de la partie récoltée pour l’alimentation.

En fait, une analyse des graines de sorgho a révélé une hausse de la teneur en protéines, mais une diminution de la teneur en amidon. On ne sait pas encore exactement pourquoi une plus grande quantité de RuBISCO n’a pas entraîné une plus grande quantité de graines, mais cela pourrait être lié à la manière dont la plante utilise et répartit les glucides qu’elle produit, souligne Coralie Salesse-Smith. Cette question fera l’objet de recherches approfondies, ajoute-t-elle.  

Ces résultats pourraient avoir des retombées intéressantes pour la sécurité alimentaire dans le contexte des changements climatiques. Par rapport aux cultures C3, les plantes C4 sont minoritaires, mais de nombreuses espèces appartenant à cette catégorie représentent chaque année une grande partie de la production agricole. Dans le même temps, les rendements de la canne à sucre et du sorgho sont restés inchangés depuis au moins 20 ans dans les principaux pays agricoles comme les États-Unis.

Les scientifiques pensent que cette situation peut changer. Lors de recherches antérieures (Opens in a new window) utilisant cette méthode, on avait déjà constaté des augmentations de rendement similaires pour le maïs cultivé en laboratoire, une autre culture C4. Les nouvelles recherches confirment ce potentiel. Le prochain objectif est de tester la stratégie d’augmentation de la RuBISCO au moyen d’autres études pluriannuelles portant sur différentes cultures et sur de nouveaux sites, précise Coralie Salesse-Smith. 

« Dans une perspective plus large, j’aimerais mieux comprendre comment les plantes à teneur accrue en RuBISCO réagissent aux conditions de stress abiotique telles que la chaleur, le froid et la sécheresse, afin de mieux préparer ces cultures pour l’avenir. »

Salesse-Smith et coll. « Adapting C4 photosynthesis to atmospheric change and increasing productivity by elevating RuBISCO content in sorghum and sugarcane (Opens in a new window) » PNAS, 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/02/researchers-engineer-crops-to-pluck-more-co2-from-the-air-and-amp-up-photosynthesis/ (Opens in a new window)

Suivez-nous sur :
🖤 Twitter (Opens in a new window) 💙 LinkedIn (Opens in a new window) 💜 Instagram (Opens in a new window)

Logo d'Anthropocène (Opens in a new window)

Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).

0 comments

Would you like to be the first to write a comment?
Become a member of Anthropocène and start the conversation.
Become a member