Les projections ne sont pas des prédictions. Mais les médias traitant du climat ne font pas toujours la distinction.
Le GIEC et les climatologues en général doivent redoubler d’efforts pour expliquer le concept de « scénarios ».
Par Sarah DeWeerdt (Öffnet in neuem Fenster)
Selon une nouvelle analyse, la couverture médiatique des changements climatiques ne tient pas suffisamment compte de l’éventail des futurs climatiques qui s’offrent encore à l’humanité. Les résultats donnent à penser que les climatologues et les journalistes doivent faire davantage connaître l’incidence sur les futures émissions de carbone des interactions entre tendances démographiques, progrès technologiques, croissance économique et politique climatique.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) utilise actuellement un ensemble de cinq scénarios appelés profils socioéconomiques partagés (PSP) pour présenter diverses combinaisons de tendances sociétales et de choix politiques susceptibles d’influer sur les changements climatiques.
Les scénarios « sont complexes et difficiles à communiquer », reconnaît l’équipe de recherche dans un article publié dans la revue Climatic Change. Mais comme le public et les responsables des politiques tirent une grande partie de leur information sur les changements climatiques des médias grand public, la façon dont ceux-ci traitent des PSP a son importance.
C’est pourquoi l’équipe de recherche a analysé 252 articles de presse portant sur les rapports du groupe de travail du GIEC publiés en 2021 et 2022. Les articles provenaient des cinq sites d’information en ligne les plus lus au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Inde, respectivement, ainsi que de médias anglophones de divers pays africains et de l’agence de presse Reuters.
La couverture médiatique relative aux rapports du groupe de travail utilise régulièrement le mot « scénario » et le concept de scénarios, observe l’équipe de recherche. Mais les articles emploient rarement le terme « profil socioéconomique partagé » et ne décrivent généralement pas les cinq scénarios ni la manière dont ils ont été élaborés. Cette information figure parfois dans des graphiques accompagnant les articles, ou dans des textes plus fouillés.
« Les PSP sont des récits de mondes futurs possibles qui tiennent compte de la démographie, du développement humain, de l’économie et du mode de vie, des politiques et des institutions, de la technologie ainsi que de l’environnement et des ressources naturelles », écrit l’équipe de recherche.
Point essentiel, ces scénarios sont des projections de ce qui pourrait se produire dans différentes conditions, et non des prédictions de ce qui se produira quoi qu’il arrive. Cependant, la couverture médiatique ne tient pas toujours compte de cette distinction. Les articles utilisent souvent des mots tels que « projections », « futurs » et « trajectoires » pour parler des scénarios, mais parfois des termes comme « prédictions » ou « prévisions ».
« Le GIEC et les climatologues en général doivent faire un gros travail de sensibilisation pour expliquer le concept des scénarios et la différence entre les prévisions et les projections », déclare James Painter, membre de l’équipe de recherche et attaché de recherche à l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni).
L’étude met également en évidence des tendances encourageantes. Une publication du GIEC datant de 2018, connue sous le nom de rapport 1.5, a fait l’objet d’une large couverture médiatique. Elle faisait référence à une date butoir pour l’action climatique (Öffnet in neuem Fenster), estimant qu’une absence de réduction des émissions d’ici à 2030 condamnait le monde à un désastre certain. (En fait, s’il est préférable de réduire les émissions plus tôt et plus fortement pour limiter le réchauffement et garantir la stabilité du climat, toute action climatique, à quelque moment que ce soit, est importante.) Mais dans la couverture portant sur les rapports du groupe de travail 2021-2022, moins de 10 pour cent des articles ont fait mention de cette échéance rigide.
« Il a été surprenant de constater que le discours catastrophiste, très répandu dans le rapport 1.5 du GIEC (rappelez-vous les « douze ans avant la fin du monde »), était largement absent », affirme M. Painter.
Des recherches antérieures ont montré que les journalistes suivent souvent de près les documents de presse du GIEC et les déclarations de ses porte-parole dans leurs reportages. Les rapports du groupe de travail 2021-2022 accordent une place importante aux SSP, mais les documents médiatiques qui les accompagnent ne mettent pas l’accent sur les scénarios, les projections ou les PSP, souligne l’équipe de recherche. Celle-ci estime donc qu’il y a une opportunité de concevoir les futurs documents médiatiques pour mettre davantage en lumière ces concepts.
Une analyse plus globale de la couverture médiatique serait également utile, juge M. Painter. « Nous avons examiné un nombre relativement limité de pays et uniquement des articles en anglais; il serait donc utile d’élargir l’étude à d’autres régions (Öffnet in neuem Fenster) et d’y inclure les médias sociaux, ajoute-t-il. Le principal défi consiste à vérifier comment ces scénarios sont compris et appliqués par les différents types de responsables des politiques, et c’est ce que nous comptons faire ».
Source : Painter J. et coll. « Communicating climate futures: a multi-country study of how the media portray the IPCC scenarios in the 2021/2 Working Group reports (Öffnet in neuem Fenster). » Climatic Change 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/06/projections-arent-predictions-but-climate-media-doesnt-always-capture-the-difference/ (Öffnet in neuem Fenster)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Öffnet in neuem Fenster). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Öffnet in neuem Fenster), la Durabilité à l’Ère Numérique (Öffnet in neuem Fenster) et le pôle canadien de Future Earth (Öffnet in neuem Fenster).