Quatre Continents 2025 Seoul : programmes libres

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Le libre de Riku Miura et Ryuichi Kihara (Abre numa nova janela) n’est pas d’une netteté absolue mais ils conservent la tête de ce programme libre sur “Adios” de Benjamin Clementine. Les GOEs du triple twist s’étirent de 0 à +4, ceux du triple boucle piqué/Axel/double Axel en séquence de -2 à +3, et tout le monde s’accorde à noter le triple flip lancé négatif (réception “cassée”), après un triple boucle, lancé lui aussi, qui accroche avec une réception très basse, jambes pliées. Les pirouettes manquent de vitesse, on sent les patineurs sur la retenue. Avec un libre à 142.59 et un score total de 217.32, les Japonais remportent leur second Quatre Continents (victoire en 2023, 2èmes l’an dernier). Belle remontée pour Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps (Abre numa nova janela) qui raflent la 2ème place du libre (141.26). Le programme est joli, même si monté sur des musiques un peu trop sucrées. La construction est parfaite avec les éléments posés sur des notes en relief. Leur seul problème sera un triple Salchow désynchronisé. Le total technique est supérieur d’un peu plus d’un point à celui des Japonais qui gardent leur supériorité en composantes. Vainqueurs l’an dernier, les Canadiens repartent avec une médaille d’argent. Lia Pereira et Trennt Michaud (Abre numa nova janela) restent en 3ème position (128.61/198.40). Sur “Tango Jalousie” et “Parfum de Femme”, les natifs d’Ontario loupent leur combinaison en séquence en retournant le triple boucle piqué, ce qui leur vaut la rituelle ligne de -5. Tous les autres éléments sont OK, avec de beaux portés et une pirouette finale réalisée à vitesse grand V. Les voici médaillés de bronze. Ceci ne fait pas les affaires de Ellie Kam et Danny O’Shea (Abre numa nova janela)qui, après le court, avaient le podium, et même une médaille d’argent, à portée de patins. Deux chutes anéantissent leurs chances, la première à la réception du triple flip lancé, la seconde sur la combinaison en séquence. 126.62 les relèguent à la 4ème place du libre et de la compétition (196.94). Leur “Stand by Me” en version Florence and The Machine me plaît beaucoup par sa douceur et sa sensibilité. On devine un authentique ressenti, ce qui n’est forcément pas l’apanage des patineurs nord-américains. De sous rotations en chute, Alisa Efimova et Misha Mitrofanov (Abre numa nova janela) passent à travers “Je suis Malade”, interprété par le groupe coréen Forestella. 5èmes du libre (124.48), ils le sont aussi du classement général (192.07).

Madison Chock et Evan Bates (Abre numa nova janela) vont-ils battre Piper Gilles et Paul Poirier (Abre numa nova janela), qui les ont précédés la veille, pour récupérer le titre acquis en 2023 ? Non. Ils remportent pourtant le libre (131.72), mais l’écart de points, comme lors de la RD, est minime (131.24 pour les Canadiens) et il va le rester au score final : 218.46 vs 217.93. Une différence de 0,53 ! Honnêtement, les deux couples sont très difficiles à départager. La danse libre des Américains est techniquement plus pointue sur une musique au rythme inhabituel : “Take Five”. Mais celle de Piper et Paul est plus prenante, sur des partitions délicates avec des variations de rythme. Leurs composantes sont d’ailleurs plus élevées que celles de Chock/Bates. D’un cheveu : 6 centièmes ! Les deux couples sont vraiment dans un mouchoir, le message, à quelques semaines des Mondiaux de Boston, est clair : Madison et Evan ne sont plus imbattables. Marjorie Lajoie et Zachary Lagha (Abre numa nova janela) quittent Seoul avec une médaille de bronze (118.18/201.04). D’accord, “The Sound of Silence”, surtout porté par la formidable voix de David Draiman, n’évoque pas franchement la rigolade. Est-il cependant nécessaire que Zachary abuse ainsi des mimiques de martyr ? Marjorie est victime d’un retournement au milieu de ses twizzles et la ligne des grades d’exécution passe en valeurs négatives, après être tombée au niveau 2. La légère avance obtenue dans la RD et 0,4 points de mieux que Carreira/Ponomarenko (Abre numa nova janela) dans le libre (117.78) leur permet de rester 3èmes. La danse libre des Américains est toujours du Shpilband pur jus, sans compter le thème de Carmen totalement éculé. N’empêche… Je la trouve mieux exécutée que celle de Lajoie/Lagha, d’ailleurs le score technique est un poil supérieur. La séquence chorégraphique avec pirouette, qui ne remplit pas les critères demandés, est sanctionnée. Ils terminent 4èmes (197.08). Emilea Zingas et Vadym Kolesnik (Abre numa nova janela) ne bougent pas de la 5ème place (113.92/188.55), suivis de Hannah Lim et Ye Quan (Abre numa nova janela) (111.65/184.02). Les premiers évoluent sur deux jolis morceaux d’Olafur Arnalds et Son Lux. La construction, également signée Igor Shpilband, est moins lisse et moins convenue que celle de Christina et Anthony. Même problème que pour leurs camarades d’entraînement, la séquence chorégraphique personnalisée ne correspond pas à l’élément requis, mais cette fois sans perte de points. L’équipe de Novi va devoir revoir ses gammes avant l’échéance de Boston. Les Coréens, qui ne bougent pas de place non plus, patinent sur le thème du film “Cruella”. Hannah a évité la robe façon peau de dalmatien pour se contenter de mèches blanches dans les cheveux. Le programme est sympathique, léger, et exécuté avec entrain. Leur public apprécie !

Mikhail Shaïdorov (Abre numa nova janela) a deux spécialités… Il est le seul patineur à tenter, et réussir, une combinaison de la mort qui tue : triple Axel/Euler/Quad Salchow, base value 18.20 ! Il a aussi le montage musical le plus “WTF” (*) jamais entendu dans une patinoire : “Sonate au Clair de Lune” et “Take on Me”, les deux en version épique. A quand un mash-up du Requiem de Mozart avec “Tata Yoyo” ? En début de saison, ma première réaction a été : “je ne sais pas ce qu’il fume, mais c’est du lourd”. Que les puristes et Beethoven me pardonnent, au fil du temps, je me suis habituée pour finir par trouver le mélange écoutable, voire même sympathique. Techniquement parlant, le programme est de toute beauté. Mikhail n’a visiblement jamais entendu parler de transitions, on ne s’y attardera pas. Après sa combinaison hyper lucrative proposée en entrée, le plat de résistance est constitué de quad Lutz, quad boucle piqué, triple boucle, quad boucle piqué/triple boucle piqué, triple Lutz/double Axel en séquence, triple Lutz. Le tout sans la moindre erreur ni le plus petit GOE négatif. Les pirouettes sont de niveau 2 et 3, la séquence de pas de niveau 3. Il consolide l’avance prise dans le libre avec 190.37, et un seul score technique de 13,75 points supérieur à celui de son principal concurrent. Il lui rend, par contre, pas moins de 9 points en composantes. Mais, 6ème l’an dernier et dix ans après son regretté compatriote Denis Ten, il remporte haut la main ces Quatre Continents, 20 points au total (285.10) devant Junhwan Cha (Abre numa nova janela). Sur la “Ballade pour un Fou” de Piazzolla chantée par Milva, le Coréen, 4ème du court, grignote deux belles places pour terminer 2ème du libre (185.78) et empocher la médaille d’argent (265.02). Il réussit quad Salchow, mais éclate le quad boucle piqué en double, avant de passer sa combinaison “signature” : triple Lutz/triple boucle. Il n’est pas très rapide à l’entame, ce qui fait craindre une sous rotation, un quarter voire une chute. Mais non, tout est tenu. Le triple Axel est haut, léger et long. Les Axels en séquence sont bons, le triple flip aussi, et les pirouettes sont de niveau 4, tandis que les composantes montent jusqu’à 9.25 (maximum 8.50 pour Shaïdorov). Passant sur la glace après Junhwan, Jimmy Ma (Abre numa nova janela) sait qu’il doit se battre pour garder les cartes en main. Tout va bien avec quad boucle piqué/triple boucle piqué, puis quad boucle piqué. Moins bien avec une chute étonnante sur le triple boucle. Le triple Lutz est bon, le triple Axel solo aussi, mais le triple Axel en séquence est reçu sur le quart. Mauvaise carre pour le triple flip en combinaison avec triple Salchow. Je ne suis pas fan de la seconde partition musicale qui jure avec le “Clair de Lune” de Debussy, mais elle a le mérite de monter en puissance sur un rythme soutenu. L’Américain obtient des composantes assez basses et un score de 162.49, pour un total de 245.01 et une médaille de bronze. A quarante points de Mikhail Shaïdorov quand même… Les deux places gagnées par Junhwan Cha éjectent Kazuki Tomono (Abre numa nova janela) du podium. Les deux erreurs qu’il commet, sur "un “Butterfly” qu’il mime abondamment avec les bras, l’en auraient sans doute fait descendre tout seul. Second quad boucle piqué éclaté en double, quad Salchow retourné, idem pour un maigre double boucle. La suite est meilleure mais c’est trop tard, le mal est fait. Avec 162.24, Kazuki est 4ème du libre et 242.08 l’amènent à la même place du classement général. Tatsua Tsuboi (Abre numa nova janela) est fermement installé au 5ème rang depuis la veille et n’en bougera pas (156.86/234.93). On ne peut pas dire que son interprétation de “Il Pagliacci” (le Clown) de Ruggero Leoncavallo, opéra dramatique, soit convaincante. Il nous bricole une sorte d’Euler entre les deux sauts de sa combinaison d’entrée, quad Salchow/triple boucle piqué, ce qui lui vaut une ligne de GOEs négatifs. Le quad Salchow suivant est sur le quart et retourné. Le triple Axel est réceptionné sur l’avant, à la limite de la rupture d’équilibre. La suite de pas manque peut-être de vitesse et d’ampleur, mais elle est propre. Arrivent triple Axel/Euler/triple Salchow chahutés mais tenus, et une carre douteuse pour le triple Lutz de la combinaison en séquence. Triple flip et triple boucle sont corrects. Camden Pulkinen (Abre numa nova janela) fait un joli bon de huit places, pour terminer 8ème (151.46/217.25). Tout de noir vêtu, il emprunte à Kevin Aymoz la musique de M83 “Solitude” et “Outro”. Son quadruple boucle piqué d’entrée de programme monte très haut, et sa combinaison triple Lutz/triple boucle piqué est d’une grande netteté. Il éclate le triple Axel en simple, mais se reprend avec un bon triple boucle. Une pirouette sort un peu du cercle, mais sa suite de pas est très glissée, élégante, parfaitement en musique. Les Axels en séquence sont de bonne facture, hélas il chute sur le second triple Axel solo et le triple flip est réceptionné sur la mauvaise carre. Mais ce libre est cent fois meilleur que son court, qui fut un brin calamiteux. Camden donne la mesure de son talent avec une excellente couverture de glace et une belle sensibilité artistique. Le surprenant Matthew Newnham (Abre numa nova janela) est moins en verve que la veille (7ème). “Buenos Aires Hora Cero”, “Oblivion” et “Concerto Para Quinteto” sont des partitions ambitieuses et le Canadien se perd un peu en route. Il éclate dès le départ un triple Axel en simple, mais parvient tout de même à le combiner à un triple Salchow avec Euler. Le triple flip de sa combinaison avec triple boucle piqué est à la fois atterri sur le quart et la mauvaise carre. Triple Lutz et triple boucle /double Axel en séquence sont propres avec une belle extension de la jambe libre, mais les GOEs stagnent autour de +1 et +2. Le triple flip est très nettement retourné, et le triple boucle finit avec une main sur la glace. Ces erreurs sont coûteuses. Regrettable car Matthew est un patineur très élégant, rapide et apte à l’engagement physique. Il perd sept places pour finir ce libre 14ème (131.53). Il est 12ème au total (205.34).
(*) WTF = acronyme anglophone, pour“what the f*ck”, grosso modo en français “c’est quoi ce m*rdier?!”)

La lumineuse Chaeyeon Kim (Abre numa nova janela) paraît crispée sur son podium, mais elle vient de patiner malade, victime d’un norovirus qui a frappé nombre de concurrents. Rien n’en a transparu dans sa prestation. La Coréenne remporte ces Quatre Continents avec brio. Son libre sur “Whisperers from the Heart” de Karl Hugo et “Love Dance” du Cirque du Soleil est aussi beau et réussi que son court. Il n’y a pas une once de poussière d’erreur dans l’exécution. Ses sauts sont d’une aisance déconcertante, tout semble si facile… Chacun de ses mouvements est d’une très grande délicatesse, elle patine avec la légèreté d’une plume. En allant chercher la petite bête, on remarque quelques grades à 0 pour sa pirouette finale, dus à une brève rupture d’équilibre lors du changement de pied. Mais réaliser une telle prestation tout en étant souffrante ? Il y a de quoi, en effet, avoir un peu le vertige. Impeccable du début à la fin, Chaeyeon égrène double Axel, triple boucle, triple flip/double boucle piqué/double boucle, triple Salchow, triple Lutz/triple boucle piqué, triple Lutz/double Axel en séquence, triple flip. Un programme à trente tours en quatre minutes, soit 7.5 rotations/minute. Je trouve ses composantes assez basses. Mais les juges font leur job de manière objective, et moi le mien de manière partisane assumée, en fonction de mes goûts et de mes émotions. J’admire ainsi la remontée de Bradie Tennell (Abre numa nova janela), 5ème du court, qui rafle la seconde place du libre (137.80) et la médaille d’argent (204.38). Mais son programme ne m’emballe pas. D’abord la musique : “Nessun Dorma”, Turandot et Puccini m’évoquent Alexeï Urmanov, que j’adorais, mais c’était il y a… vingt-neuf ans. Le morceau est d’un classique désuet et a beaucoup trop servi dans les patinoires. Bradie ne commet pourtant que deux erreurs dans un contenu technique soutenu : quarter pour le triple boucle piqué qui suit un triple Lutz en combinaison, et un petit accroc avec neige sous la carre de réception du triple boucle. L’Américaine a la grâce et la technicité d’une Carolina Kostner. J’aimerais la voir évoluer sur des thèmes moins sages, plus fun, un rock endiablé, les cheveux en bataille, dans des tenues aux couleurs vives, maquillée comme la reine de Saba. Mais ce n’est pas son style. Peu importe. Elle sait marier puissance et élégance, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Sarah Everhardt (Abre numa nova janela), sur l’“Oiseau de Feu” de Stravinsky, reste 3ème et complète le podium (132.67/200.03). Le libre de la camarade d’entraînement d’Ilia Malinin a considérablement mûri en cours de saison. La patineuse paraît concentrée et déterminée. Son triple Lutz est parfait, mais le triple boucle piqué de la combinaison avec double Axel est réceptionné sur le quart, de même que le triple flip qui suit. Il n’y a aucune autre erreur dans le programme. Sa compatriote Alysa Liu (Abre numa nova janela) la suit à moins d’un point (131.46), mais avec quelques déchets : carre incertaine pour le triple flip, quarter pour le triple boucle piqué combiné au triple Lutz, nouveau quarter pour triple Lutz et Axels en séquence, nouvelle carre douteuse pour triple flip/double boucle piqué. “MacArthur Park Suite” de Donna Summer est un thème assez générique, mais elle sait l’exploiter avec grâce et fluidité. Elle est 4ème au classement final (198.55). Wakaba Higuchi (Abre numa nova janela)remonte de deux places pour s’installer au 5ème rang du libre et de la compétition (130.06/195.16). J’adore sa musique, “Running Up That Hill” en version série “Stranger Things”. La vice-championne du monde 2018 se distingue comme toujours par sa vitesse et sa puissance, mais s’offre deux quarters, une carre douteuse et surtout une belle chute sur le triple Lutz. Tous ses éléments hors sauts sont de niveau 4, la prestation est techniquement dense. Présente sur le circuit international depuis 2014 (junior à l’époque), vainqueur du Skate America cette saison, 3ème à son récent championnat national, la Japonaise a les capacités pour truster les podiums mondiaux, mais un grain de sable dérègle sa belle mécanique quasiment à chaque prestation. Sur “l’Ariana Concerto” de Yves Lévèque et César Franck, Mone Chiba (Abre numa nova janela)dégringole de la seconde place du court à la 7ème du libre (123.88). Aïe. La tenante du titre n’aura pas de médaille. Elle paraît crispée dès le début du programme. Trop de pression ? Victime du norovirus elle aussi ? La carre de réception du triple flip combiné au triple boucle piqué est incertaine. Elle tombe sur le triple Salchow. Le double Axel est atterri de biais avec un déséquilibre. Elle chute de nouveau sur un triple flip en sous rotation. Le reste du programme est très bon, mais ce n’est pas suffisant. Elle termine la compétition 6ème (195.08). La néo-Kazakhe Sofia Samodelkina la suit au classement général (193.37). Sur la voix phénoménale de son compatriote Dimash Quderbeigen (sept octaves et un perçage de tympans assuré quand il force sur les aïgus), Sofia, récente 3ème des Jeux Universitaires de Turin, passe l’intégralité de ses sauts en “Rippon” (deux bras au-dessus de la tête). Pas sûr que la valeur ajoutée en vaille la peine, la répétition de cette figure peut finir par lasser. Mais la patineuse est un symbole de grâce et patine tout en délicatesse. Le programme regorge de transitions élaborées amenées en douceur. Une réussite. Deux carres douteuses et une réception sur le quart lui ôtent quelques points, les GOEs sont moyens, comme le sont les composantes. 8ème du court, Sofia monte néanmoins de deux rangs pour finir 6ème (129.39).
Kate Royan