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Championnats d’Europe 2025 Tallinn, libre messieurs : 78 ans plus tard…

© Alice Alvarez
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Si personne n’imaginait Niina Petrokina en or chez les dames, personne n’aurait sans doute parié non plus sur Lukas Britschgi chez les messieurs. Même pas lui ! Il n’en revient pas ! “Je n’avais pas prévu… Je ne sais pas quoi dire !” Lorsqu’un membre de son équipe lui signale que la dernière médaille d’or suisse aux championnats d’Europe remonte à 1947 et Hans Gerschwiler, il ouvre des yeux ronds, puis éclate de rire. “J’étais détendu, je n’avais rien à perdre !” En effet. 8ème du court, il n’espérait pas une victoire. Sur “Lux”, “Aero” et “Deeply” de Ryan Taubert, Lukas déroule le programme de sa vie, quads, triples, combinaisons, tout passe comme dans un rêve… Seul le triple flip final est retourné et pénalisé. Il patine avec beaucoup de classe un programme… qui ne marquera pas l’histoire par ses transitions et sa chorégraphie. Tant pis, la performance est là ! Il gagne le libre haut la main (184,19) et de fait, ce championnat d’Europe (267.09).

© Alice Alvarez
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Lukas n’est pas la seule surprise de la soirée. On attendait éventuellement un Italien sur le podium, mais pas celui-ci ! Comment fait Nikolaj Memola pour propulser son mètre 95 dans quatre rotations ? On sait qu’une haute taille est un désavantage. Mais Nikolaj est doté d’un physique longiligne hyper tonique qui lui donne une détente explosive, et lui permet de sauter très haut tout en tournant très vite. A part une mauvaise carre sur le premier saut de quad Lutz/triple boucle piqué, et un triple flip atterri sur le quart, tout est propre dans son programme. Heureusement d’ailleurs, car, soyons francs, le reste sonne le creux. Il ne cache pas ses choix : “Travailler la présentation prend trop de temps, je préfère me concentrer sur la technique”. Dommage car le thème, “Modigliani” de Guy Farlane, suivi de “Le Di a la Casa Alcance” et “Memorial” de Michael Nyman (souvenir de Yagudin…), est propre à une vraie interprétation. Le voici étonnant second de ce programme libre, avec un Season Best en prime (177.69), et encore plus étonnant : médaillé d’argent (262.61). Tout comme Lukas Britschgi, le personnage est éminemment humble et sympathique. Et tout comme lui, il dit n’avoir rien eu à perdre et s’être donné à fond.

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Blessé, Adam Siao Him Fa a loupé le début de saison et reste encore fragile. Va t’il tenir un programme libre ? Oui ! Mais pas sans mal. Il est le dernier à passer sur la glace. Son “Dune” est l’une des plus jolies prestations de l’année, mais on a eu peu l’occasion de la voir et donc, lui, de la faire mûrir. Il tombe sur le quad boucle piqué d’entrée, qu’il ne peut combiner avec le triple prévu. Mais le quad Salchow passe dans la foulée. Le triple flip est bon, au contraire du triple Axel retourné. Un double en séquence devait suivre, les GOEs passent en négatif. Il retente un quad boucle piqué qu’il retourne lui aussi, avortant la combinaison qui allait avec, sanctionné par un “REP”. Triple Lutz/Euler/triple Salchow ? Oui ! On n’ose plus respirer… Triple Axel/double Axel en séquence replacé ? Aïe, nouveau retournement. Un petit backflip pour se détendre avant d’entamer séquence chorégraphique et pirouettes qui obtiennent de très bons grades d’exécution. Va t’il, oui ou non, décrocher une médaille ? Bien sûr que oui. Elle sera de bronze (164.87/257.99). “Je sais que je peux mieux faire, mais je sais aussi que je reviens de loin… Je ne m’entraîne normalement que depuis quatre semaines. Il faut du temps pour se remettre dans le bain, retrouver ses sensations. Mais la compétition m’avait manqué”. Et il avait manqué, lui aussi, à la compétition.

Les surprises du jour ne s’arrêtent pas au podium. L’aventurier du quad perdu, alias Deniss Vasiljevs, en retrouve, non pas un, mais deux ! D’accord, ils ne sont pas complets… Vous prendrez bien un peu de quarter et de sous rotation en apéritif ? Mais on ne va pas faire la fine bouche. D’abord parce que le premier, un boucle piqué, est combiné à un triple. Je n’ai pas souvenir d’avoir déjà vu le Letton tenter un quad en combinaison (je me trompe peut-être). Ensuite parce que ce programme est… comment dire ? Soit un hommage déguisé au patinage des années 80, soit un ratage complet. “La Bayadère” de Minkus n’est pas un thème festif, mais on tombe ici dans une caricature kitsch qui prête presque à sourire. J’ai beau étriller régulièrement le Letton, je lui ai toujours trouvé un immense talent et sa sensibilité, même si elle est prise de tête pour artiste torturé, est une évidence majeure. Mais Deniss écume les compétitions internationales depuis douze ans (début junior en 2013), et à quelques exceptions près, dont son SP de cette année, propose trop de programmes qui se ressemblent Avec un tel talent, il y aurait tellement d’autres pistes à exploiter. Cependant, il est particulièrement en forme aujourd’hui, concentré, incisif, et cela paie : il termine 4ème du libre (161.88) et 6ème au total (239.70), soit un bond de six places par rapport au programme court.

10ème l’avant-veille, Daniel Grassl souhaite se racheter. Lui aussi remonte à la surface après avoir plus ou moins coulé : 5ème du libre (159.59). Avec “Billy Elliott”, l’Italien cherche une caution artistique. Depuis le début de saison, il répète à qui veut l’entendre qu’il a pris des cours de ballet, et qu’il se sent transformé. Du calme. Des progrès oui - parti de 0, il ne pouvait pas régresser -, transformé non. Daniel a t’il seulement regardé le film “Billy Elliott” et si oui, a t’il compris quelque chose ? Car ce qui se veut une louable interprétation tourne vite à la parodie. Par contre, on ne peut pas lui reprocher de manquer de conviction ni de courage. Entre carres douteuses, “carottes” (sous rotations), quarters et chute, il se plante sur tous les sauts, sauf triple boucle/triple boucle piqué, mais se bat comme un diable. Finir 8ème à Tallinn (237.74) n’était sûrement pas ce que visait le quintuple champion national transalpin, mais au vu de ses deux prestations, ce n’est finalement pas si mal.

Si deux Italiens sont remontés au classement, le troisième descend. Sur le papier, c’est pourtant le meilleur d’entre eux. “Miserere”, interprété par Zucchero et Pavarotti, ne porte pas chance à Matteo Rizzo. Une grosse chute, à la réception de son quad boucle piqué au tout début du programme, entame son capital mental. Son patinage n’a plus sa fluidité naturelle. Lui, si élégant d’habitude, semble porter un lourd fardeau. Ce libre ne lui va pas. Matteo a un patinage tonique, voire pétillant, et ce chant religieux prend aujourd’hui des accents sinistres. Il sait aussi très bien s’exprimer dans le registre de l’émotion et voici que, curieusement, il n’en dégage aucune. Il est dans un jour “sans”. 155.53 ne lui donnent que la 6ème place, mais avec 241.21, il est tout de même 5ème au général.

Mihhail Selevko commet moins d’erreurs que pas mal de ses concurrents, mais ses grades d’exécution sont moyens, assortis d’un bon nombre de 0. Dans un costume enfanté par une girafe croisée avec un squelette de laboratoire pour étudiants en médecine, il patine sur le générique de la série “Westworld” par Ramin Djawadi (célèbre pour avoir composé la musique de Games of Thrones). Il y a une vraie recherche dans son programme, moins ambitieux sur le plan technique que les concurrents qui vont le suivre, mais beaucoup plus propre. Sa seule erreur est un triple boucle piqué en combinaison réceptionné en quarter. Mihhail n’a pas la finesse de glisse de son frère Aleksander, mais il le surpasse en technique pure. Devant son public qui l’acclame, il récolte aujourd’hui 154.15, et termine à la 7ème place, comme au final avec un beau 239.00 tout rond. Son aîné est deux rangs plus loin (9ème avec 230.91), car il échoue au 11ème rang du libre (146.26). Un libre qui lui convient apparemment beaucoup moins que le court. Pour un patineur de son tempérament, “Ad Martem” de Havasi manque de rythme et de panache. Sa première combinaison prévue en quad/double boucle piqué se solde par deux triples. Il manque un tour à un supposé triple boucle qu’il retourne. Son triple Axel est, par contre, l’un des plus beaux du circuit, haut et long. Une hypothétique combinaison contenant un autre triple Axel, en quarter et sur lequel il chute, se termine sans saut annexe et lui vaut un “REP” avec sa cruelle, mais logique, ligne de -5. Le triple flip est atterri sur la mauvaise carre. Aleksander, vice champion d’Europe l’an dernier, peut faire beaucoup mieux, il le sait et il est très déçu. A noter que les deux frères, hors entraînements officiels et compétitions, auront passé tout leur temps à jouer les figures de proue dans le stand de leur fournisseur de matériel. Conseils aux pratiquants, photos avec les fans. Héros locaux, ils drainent une foule compacte et admirative. On oublie souvent que, au beau milieu du stress de la compétition, règnent aussi certaines obligations contractuelles qui peuvent finir par être pesantes. Or, jamais, Mihhail et Aleksander ne se seront départis de leur plus sincère et charmant sourire.

Nika Egadze voulait une médaille, et avec la seconde place du court, était bien parti pour l’obtenir. Mais son libre tourne au jeu de massacre. Déjà, le programme est très mal ficelé, vide de substance, avec tous les sauts entassés comme sept premiers éléments. Le choix musical de la B.O. d’Oppenheimer est bon, Nika a progressé niveau expression, mais il succombe à la pression. Pas de chute, mais trop d’erreurs et un tableau de T.E.S. qui contient trop de notes basses ou négatives. Il échoue au 8ème rang (151.93) et prend ce qu’on appelle souvent la pire place de la compétition : la 4ème (243.87). A la fin de sa prestation, il reste seul dans le Kiss & Cry pour assister au programme d’Adam, abandonné comme une chaussette sale par une Eteri Tutberidze qui a horreur de la défaite, et qui ne lui a pas accordé un regard lors de l’attente et de l’annonce des notes. Une bien curieuse façon de soutenir ses athlètes…

Le Suédois Andreas Nordeback est une petite révélation dans ce libre. Le court était moyen, ce “How it Ends” d’Atli Örvarsson, est très intéressant. Le jeune homme est à l’aise, sa glisse est excellente, c’est un très fort pirouetteur, sa technique de saut est assurée, même s’il ne propose pas encore de quadruple et s’il pose les deux patins à la réception du triple Axel. 9ème ce soir (148.09), 11ème de la compétition (227.11), il fera certainement parler de lui à l’avenir. Cette soirée voit Vladimir Samoilov se perdre en route. Dommage, lui qui était tout sourire timide et incrédulité, deux jours plus tôt en conférence de presse post programme court, assis sur l’estrade en futur médaillé de bonze. La pression est parfois une arme de destruction massive. Sur deux chansons de Rag’n Bone Man, ““Lay My Body Down” et le hit radio “Human”, il manque tomber sur un quad Lutz retourné, chute pour de bon sur un triple flip qui aurait dû être un quad Salchow, et secoue sa combinaison triple flip/Euler/double Salchow (au lieu de triple) dans tous les sens. Les GOEs dégringolent, les composantes sont basses, il n’y aura ni miracle ni médaille. Seulement 13ème (143.69), soit dix places de perdues, il est relégué au 10ème rang de ces championnats (229.67) et en est quitte pour une grosse déconvenue.

Kevin Aymoz n’aura pas pu sauver les meubles. Pas un saut de réussi, quatre chutes, le Grenoblois vit de nouveau un calvaire. Son libre, comme les précédents, est pourtant un bijou de créativité et d’émotion. Partout où il passe, il est acclamé comme une rockstar, le public du monde entier ne cesse de l’encourager. Ce soutien inconditionnel finit il par lui coller trop de pression ? Le voici 22ème du libre et de ces championnats, derrière des patineurs qui n’ont pas l’once du quart du dixième de ses possibilités et de son talent. C’est mieux que l’an dernier (31ème), mais à mille lieux de ses résultats de 2019 et 2023 (4ème). Son style inégalé a marqué pour toujours l’histoire du patinage. Deux fois 2ème en Grand Prix cette saison, qualifié pour la Finale, que lui faut-il pour retrouver son élan ? Lui-même ne le sait pas. Il n’est toujours pas question de l’enterrer, il ne le mérite pas, il reste un patineur d’exception. Mais à l’heure des sélections pour les Mondiaux de Boston, il pourrait bien passer à la trappe. A moins qu’il choisisse lui-même de ne pas s’y rendre. Le sentir aussi démuni, alors qu’il a tout pour “casser la baraque” est un vrai crève-coeur.

Kate Royan

Classement final (Abre numa nova janela)

Scores détaillés (Abre numa nova janela)

Replay France TV (Abre numa nova janela)

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