Une trouvaille étonnante : les déchets de soja pourraient être l’avenir de l’alimentation des poissons
Une équipe de recherche a découvert que les eaux usées issues de la transformation du soja pouvaient être transformées en un aliment nourrissant et riche en protéines pour le bar asiatique d’élevage
Par Emma Bryce (Abre numa nova janela)
De nouvelles recherches ont permis de trouver une ressource à un endroit des plus inattendus et, du coup, une solution au problème croissant de l’alimentation insoutenable des poissons. Une équipe de scientifiques a découvert que les eaux usées issues de la transformation du soja pouvaient être transformées en un aliment nourrissant et riche en protéines pour le bar asiatique d’élevage.
La transformation du soja en lait, en substituts de viande et en d’autres aliments, produit des tonnes et des tonnes (Abre numa nova janela) d’eaux usées chaque année. Or, cette eau recèle un précieux secret : une population naturellement riche de bactéries unicellulaires pouvant convertir les nutriments en de grandes quantités de protéines dans leur corps, un talent inexploité lorsqu’elles sont simplement jetées dans les égouts.
Les chercheurs de l’Université de Singapour à l’origine de cette nouvelle étude avaient des projets de les détourner vers une autre fin. En collaboration avec une entreprise locale de transformation alimentaire, ils ont récupéré des centaines de litres d’eaux usées de soja, qui, selon leurs travaux, étaient particulièrement riches en deux types de microbes accumulateurs de protéines (Abre numa nova janela), du nom d’Acidipropionibacterium et de Propioniciclava. Ils ont ensuite placé les eaux usées dans de petits bioréacteurs et les ont incubées pendant plusieurs jours à 30 °C pour favoriser la croissance des microbes, les eaux usées constituant un milieu nutritif idéal. L’étape finale consistait à récolter les bactéries enrichies en protéines dans les boues, puis à sécher le mélange, à le combiner avec de l’eau et à le transformer en un genre de purée qui pouvait être donnée aux poissons.
Ils ont alors entamé la deuxième phase de leur expérience : donner à un groupe de jeunes bars asiatiques un régime composé à parts égales de protéines bactériennes et de farine de poisson normale, et donner à un autre groupe uniquement un régime traditionnel à base de farine de poisson. Après 24 jours, les chercheurs ont examiné les deux populations de poissons et ont mesuré le taux de gain de poids, l’indice de conversion alimentaire et les taux de mortalité.
Ce qu’ils ont remarqué dans cette comparaison est frappant : quel que soit le régime, le bar a bien grandi, et les deux régimes ont comblé les besoins en protéines, en graisses et en acides aminés des alevins (à l’exception d’un acide aminé appelé lysine qui, dans les deux régimes, est présent à des taux inférieurs aux besoins, mais qui peut, selon les chercheurs, être ajouté aux enclos à poissons en même temps que l’alimentation). Les bars nourris avec le régime à base de protéines de microbes avaient un poids nettement inférieur au départ, mais ce poids s’est stabilisé au fur et à mesure de leur développement. Il convient d’ailleurs de noter que le groupe ayant reçu le régime alimentaire traditionnel présentait une plus grande variabilité dans sa prise de poids au cours de son développement, tandis que ceux ayant reçu le régime à base de protéines de microbes présentaient une accumulation de poids plus régulière tout au long de l’expérience.
Cela donne à penser que l’alimentation à base de protéines de microbes pourrait favoriser une croissance plus fiable et plus prévisible du bar asiatique, ce qui serait une aubaine pour l’industrie. Mais ce n’est pas tout : en remplaçant 50 % de l’alimentation habituelle des poissons par cette option, on pourrait avoir d’importantes répercussions sur l’environnement.
Le poisson constitue la plus grande source de protéines pour l’être humain dans le monde entier, et les élevages sont aujourd’hui la plus grande source de poisson, et celle qui connaît la croissance la plus rapide. Ces élevages exercent une pression (Abre numa nova janela) sur les stocks de poissons sauvages, qui sont généralement utilisés pour fabriquer la farine qui nourrit les poissons d’élevage, une industrie en plein essor. En outre, lorsque la farine de soja est utilisée pour remplacer les aliments pour poissons, elle s’accompagne tout de même de coûts importants sur le plan de l’utilisation des terres et de l’eau.
Pendant ce temps, les eaux usées provenant d’autres utilisations du soja ne trouvent pas preneur, mais selon les résultats récents, il serait possible de faire d’une pierre deux coups pour l’environnement. En outre, les chercheurs précisent que le processus ne se limite pas aux eaux usées du soja : plusieurs procédés agricoles créent des flux secondaires d’eaux usées riches en carbone, en azote et en phosphore, nécessaires à la survie d’une population croissante de bactéries affamées et capables d’accumuler des protéines.
L’étude illustre bien l’adage selon lequel les déchets des uns sont les trésors des autres, un principe qui pourrait également être crucial pour atteindre la durabilité et une « transition vers une bioéconomie circulaire », affirment les chercheurs (Abre numa nova janela).
Wuertz et coll. « Microbial community‐based protein from soybean‐processing wastewater as a sustainable alternative fish feed ingredient (Abre numa nova janela) », Scientific Reports, 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/05/a-surprise-find-soybean-waste-could-be-the-future-of-fish-feed/ (Abre numa nova janela)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Abre numa nova janela). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Abre numa nova janela), la Durabilité à l’Ère Numérique (Abre numa nova janela) et le pôle canadien de Future Earth (Abre numa nova janela).