Les prédateurs sont à court de proies. La répression du braconnage est une réponse efficace.
Selon des scientifiques, la lutte contre le braconnage de gibier en Zambie pourrait faire doubler le nombre de lions en dix ans.
Par Warren Cornwall (Abre numa nova janela)

Les plus grands prédateurs du monde font également partie des espèces les plus menacées. Des tigres en Inde aux lions en Afrique, les prédateurs ont été chassés par l’être humain, qui a empiété sur leur habitat. Dernièrement, une autre grave menace est apparue en Afrique : les animaux au sommet de la chaîne alimentaire sont à court de proies.
Les troupeaux d’impalas, de gnous, de koudous et d’autres grands herbivores sont en déclin dans toute l’Afrique subsaharienne, en partie à cause de l’augmentation du braconnage de gibier par des chasseurs qui l’utilisent comme moyen de subsistance et source de profit. Une étude récente (Abre numa nova janela) a révélé que les braconniers du delta de l’Okavango, au Botswana, tuaient l’équivalent d’environ 15 000 impalas chaque année.
En Zambie, les scientifiques ont démontré les conséquences de ce phénomène sur les prédateurs et ont relevé des éléments prometteurs indiquant qu’il est possible d’y remédier, du moins en partie, par la répression du braconnage.
« Même dans un vaste écosystème dépourvu de barrières et déjà fortement perturbé par la présence humaine, nous pouvons renverser la tendance en augmentant les investissements dans les efforts de protection. Il suffit d’en avoir la volonté », fait valoir Scott Creel (Abre numa nova janela), écologiste à l’Université d’État du Montana, qui a passé des années à étudier les prédateurs dans cette région du monde.
Les travaux du Pr Creel sur les lycaons montrent en détail comment le manque de proies peut entraîner l’extinction d’un prédateur très menacé (Abre numa nova janela). Pendant des années, on a pensé que la principale menace pour ces canidés aux grandes oreilles était leurs rivaux plus imposants, tels que les lions et les hyènes. Les hyènes, qui font deux fois la taille des lycaons, se nourrissent de leurs carcasses. Les lions, quant à eux, tuent les lycaons sans hésiter.
À la fin des années 90, le Pr Creel a écrit dans un article (Abre numa nova janela) que « les lycaons sont rarement limités par la disponibilité des proies ». Mais près de trente ans plus tard, en raison de l’évolution de ces écosystèmes et à la lumière de nouvelles études, le scientifique du Montana s’est ravisé.
Pour comprendre les répercussions du manque de proies sur les lycaons, l’équipe du Pr Creel a fait porter des colliers GPS à des animaux appartenant à plus d’une douzaine de meutes dans deux grands écosystèmes zambiens. Entre 2013 et 2021, l’équipe a observé leurs déplacements à la fois grâce aux colliers de localisation par satellite et en les suivant en personne, en notant la distance parcourue par les animaux et le moment où ils marchaient, couraient ou se lançaient dans des sprints effrénés pour attraper leurs proies.
L’étude a révélé que dans les zones où les proies étaient moins nombreuses, les canidés se déplaçaient plus loin et se concentraient sur des proies plus petites et moins nourrissantes, ont rapporté les scientifiques la semaine dernière (Abre numa nova janela) dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Ainsi, les animaux couraient un plus grand risque de déficit énergétique, une situation peu favorable à leur survie.
« Les lycaons ont toujours été limités par leurs concurrents au sommet de la chaîne alimentaire, a déclaré le Pr Creel. Le fait qu’ils soient passés d’une limitation imposée par leurs concurrents à une pénurie alimentaire est un phénomène nouveau et, malheureusement, très inquiétant. »
Si les lions de ces écosystèmes ne sont pas menacés par les attaques d’autres prédateurs (à l’exception de l’être humain), la diminution des proies leur a également causé du tort. De récentes études (Abre numa nova janela) ont conclu que les deux plus grandes menaces pour les lions sont les tueries menées en représailles aux déprédations causées au bétail et la diminution des proies. En Zambie, le Pr Creel et ses collègues ont établi un lien entre la raréfaction des proies et la diminution du nombre de léopards (Abre numa nova janela), de lycaons (Abre numa nova janela) et de lions (Abre numa nova janela).
En 2018, les scientifiques ont eu l’occasion de vérifier si la répression du braconnage pouvait être efficace. Après des années de surveillance limitée en raison d’un manque de moyens, le ministère zambien des Parcs nationaux et de la Faune sauvage a pu, cette année-là, renforcer les patrouilles anti-braconnage dans certaines régions, grâce à un apport de fonds provenant de groupes de défense de l’environnement. L’équipe de recherche avait déjà suivi les populations de lions dans des zones boisées et des prairies d’une superficie de 8 000 kilomètres carrés, à l’intérieur et autour du parc national de Kafue, dans l’ouest de la Zambie. L’intensification soudaine des mesures de lutte contre le braconnage a permis d’évaluer les effets de ces mesures sur les lions.
Selon le Pr Creel, il restait à savoir si de telles patrouilles pouvaient être efficaces en l’absence de clôtures autour des zones protégées.
Mais même sans ces clôtures, les scientifiques ont rapidement constaté des signes de reprise de la population de lions dans les zones fortement surveillées, sur une période de quatre ans, de 2018 à 2021. Le changement le plus évident concernait le nombre de lionceaux, qui a considérablement augmenté dans les zones bénéficiant d’un niveau de protection élevé. Le nombre de nouveaux lionceaux dans les troupeaux de ces zones était supérieur de 29 % à celui dans les zones moins protégées, a indiqué l’équipe de recherche à la fin du mois de décembre (Abre numa nova janela) dans la revue Conservation Science and Practice.
Si cette augmentation s’explique en partie par le fait que moins de lions sont capturés par les braconniers, elle est surtout attribuable aux proies plus abondantes, précise le Pr Creel. Dans l’ensemble, les populations de lions dans ces zones de patrouille ont connu une telle croissance qu’elles ont doublé en dix ans, alors qu’elles continuaient de décliner ailleurs.
« C’est une bonne nouvelle pour faire face à ces problèmes, indique le Pr Creel. C’est la preuve que même dans un vaste écosystème pouvant accueillir une population importante, l’augmentation des investissements porte ses fruits. »
Creel, et. coll., « Prey depletion, interspecific competition, and the energetics of hunting in endangered African wild dogs, Lycaon pictus », Proceedings of the National Academy of Sciences, 27 janvier 2025.
Creel, et coll., « Changes in African lion demography and population growth with increased protection in a large, prey-depleted ecosystem », Conservation Science and Practice, 24 décembre 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/02/predators-are-running-out-of-prey-cracking-down-on-poaching-is-an-effective-counteroffensive/ (Abre numa nova janela)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Abre numa nova janela). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Abre numa nova janela), la Durabilité à l’Ère Numérique (Abre numa nova janela) et le pôle canadien de Future Earth (Abre numa nova janela).