Comment réduire les mauvaises herbes et accroître le rendement de culture en employant moins d’herbicides? Des bactéries du sol uniques pourraient fournir une réponse.
Nous savons depuis longtemps que les bactéries peuvent aider à fixer l’azote et à lutter contre les agents pathogènes. Mais cette étude est la première à montrer comment elles peuvent également réduire l’utilisation d’herbicides.
Par Emma Bryce (Abre numa nova janela)
Les herbicides sont devenus un ingrédient agricole essentiel dans nos systèmes alimentaires mondialisés, mais leur utilisation crée également un cercle vicieux. En effet, s’ils s’attaquent aux mauvaises herbes, ils affaiblissent parallèlement la qualité du sol et la matière organique dont les cultures ont besoin pour se développer. Ironiquement, tout comme les mauvaises herbes elles-mêmes, cet affaiblissement menace le rendement des cultures. Aujourd’hui, un groupe de recherche pense avoir trouvé une solution qui permet non seulement de lutter contre les mauvaises herbes et d’augmenter le rendement des cultures, mais aussi de réduire la quantité d’herbicides chimiques que les agriculteurs doivent appliquer en premier lieu.
Ce triple avantage repose sur des organismes microscopiques : de minuscules « rhizobactéries » qui survivent dans les écosystèmes racinaires des plantes. Des dizaines d’études ont exploré les avantages (Abre numa nova janela) uniques de ces bactéries, qui peuvent aider à fixer l’azote (Abre numa nova janela) du sol ou à lutter contre les agents pathogènes. Les rhizobactéries soutiennent les plantes principalement en créant un microbiome sain à l’intérieur et autour de leurs racines.
Mais la nouvelle étude publiée dans la revue Soil Ecology Letters (Abre numa nova janela) est la première à examiner comment, en augmentant les rendements, les rhizobactéries pourraient également réduire la nécessité d’utiliser des herbicides en quantité excessive.
L’équipe de recherche a commencé ses expériences avec une sélection de bactéries racinaires du genre Pseudomonas, un groupe connu pour sa capacité à inhiber la croissance des mauvaises herbes agricoles. Après avoir cultivé un certain nombre d’espèces bactériennes en laboratoire, l’équipe a sélectionné les plus prometteuses et en a retenu quatre, qu’elle a ensuite testées sur des plants de blé.
L’équipe a d’abord testé les bactéries dans une série d’expériences en serre. Celles-ci ont révélé que, combinées à une faible dose d’herbicide, ces quatre espèces parvenaient toutes à inhiber la croissance d’une mauvaise herbe appelée Phalaris minor, qui envahit régulièrement les champs de blé au Pakistan, où se sont déroulées les recherches. Les expériences en serre ont également montré que les bactéries amélioraient la production de blé, par rapport aux cultures témoins où seul l’herbicide avait été appliqué.
Après cette réussite, le groupe de recherche a poursuivi son expérience sur le terrain en testant des combinaisons de bactéries et de différentes doses d’herbicide – 25 %, 50 % puis 75 % – sur des cultures de blé. L’équipe a comparé les résultats de cette combinaison bactéries-herbicide avec ceux d’un champ de blé ne recevant que de l’herbicide, sans aucun apport de bactéries.
Leurs observations sont surprenantes : les parcelles de blé traitées avec la combinaison bactéries-herbicide ont obtenu moins de mauvaises herbes que les parcelles traitées avec l’herbicide seul. Les choses sont devenues encore plus intéressantes lorsque les chercheurs se sont à nouveau penchés sur le rendement, montrant que lorsqu’elles étaient combinées à des doses de 50 % et 75 % d’herbicide seulement, les bactéries parvenaient toujours à inhiber les mauvaises herbes, tout en augmentant les productions de blé, par rapport aux parcelles témoins.
Autrement dit, lorsqu’il était également inoculé avec la bactérie, le blé poussait mieux avec moins d’herbicides dans le mélange. Ce résultat donne à penser que, dans ces rapports précis, les bactéries et les produits chimiques agricoles agissent en synergie. En fait, l’équipe de recherche a calculé que les parcelles traitées avec une faible dose d’herbicide associée à des bactéries présentaient des productions de grains jusqu’à 22 % supérieures à celles de la parcelle traitée uniquement avec de l’herbicide.
Ainsi, selon l’équipe de recherche, la capacité des bactéries racinaires à stimuler la croissance pourrait aider à compenser toute perte potentielle des avantages fournis par l’herbicide. Ce phénomène pourrait également accroître les rendements à long terme, permettant aux agriculteurs de diminuer la quantité d’herbicides qu’ils appliquent, ce qui réduirait la pression chimique sur le sol et permettrait la régénération progressive des qualités nutritives qui stimulent les cultures.
Par ailleurs, limiter l’application de produits chimiques contribuerait également à lutter contre le problème de la résistance aux herbicides, qui touche de plus en plus l’agriculture mondiale : en effet, plus de 160 produits herbicides (Abre numa nova janela) dans le monde ont été rendus inefficaces pour cette raison. L’abandon des herbicides dans les exploitations agricoles aurait aussi des bienfaits indirects pour l’écosystème dans son ensemble, car l’utilisation excessive de ces produits constitue une véritable menace pour les habitats d’eau douce et la biodiversité.
« Dans un monde idéal, les agriculteurs seraient en mesure d’obtenir des rendements élevés à grande échelle sans utiliser d’additifs chimiques. Mais cette étude semble indiquer qu’en attendant, il est possible d’améliorer beaucoup les choses en réduisant les quantités de pesticides épandues sur les terres grâce à cette approche intégrée herbicides-bactéries.
Gao et coll. « Integrated application of synthetic community reduces consumption of herbicide in field Phalaris minor control (Abre numa nova janela) », Soil Ecology Letters, 2023.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/02/how-does-less-herbicide-fewer-weeds-higher-yields/ (Abre numa nova janela)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Abre numa nova janela). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Abre numa nova janela), la Durabilité à l’Ère Numérique (Abre numa nova janela) et le pôle canadien de Future Earth (Abre numa nova janela).