Championnats d’Europe 2025 Tallinn, court hommes : Adam Siao Him Fa, un terrien qui va bien…

Son état de forme était incertain. Victime d’une rupture de deux ligaments de la cheville sur trois, Adam Siao Him Fa a vécu un début de saison difficile. Tout va mieux et cette première place du programme court, sur “SOS d’un Terrien en Détresse”, en témoigne. Il n’est peut-être pas aussi assuré dans ses patins que d’habitude, mais l’essentiel est fait : il est en tête avec 93.12. Le triple boucle piqué combiné au quadruple est réceptionné sur le quart et le quad Salchow est tenu d’un cheveu. Un petit cheveu, très court ! Peu importe, pour un retour après une telle blessure, pas question de faire les difficiles. Ses meilleurs GOEs sont obtenus sur la séquence de pas, niveau 4 avec une majorité de +5. Sur les trois pirouettes, une est de niveau 3, les autres de niveau 4. Malgré les deux erreurs, sa prestation est de grande qualité. En Mixed Zone, Adam se dit très touché par le crash du vol AA 5342 de Washington D.C. car il connaissait certains des passagers disparus. Il est ému et très triste, lui qui est d’habitude économe de ses émotions hors glace. Mais il est resté nerveusement solide, bravo.

Nika Egadze et son “Enfer” de Stromae s’installent en seconde position (91.94). Le thème très sombre (le suicide) mériterait un peu de sentiment et de sensibilité, mais la réalisation est propre, à l’exception d’une petite erreur dans la pirouette avec changement de pied. Le Polonais Vladimir Samoilov n’est pas un inconnu puisqu’il était 8ème à ces mêmes Euros l’an dernier, et qu’il a gagné, à domicile, la Coupe de Varsovie (Challenger Serie) cette saison. Néanmoins, personne ne le voyait si haut placé aujourd’hui (3ème, 85.98), même pas lui. Son plus grand stress ? Devoir répondre à nos questions en conférence de presse ! Sur “Weapon of Choice” de Fatboy Slim, morceau ultra speed, son quad Salchow est parfait et son triple Axel très haut. La combinaison triple Lutz/triple boucle piqué est légèrement écorchée par une carre douteuse sur le premier saut. Vladimir patine avec une redoutable aisance un programme qui, cependant, manque de transitions et de “tripes”.

Matteo Rizzo commet exactement la même erreur. Il a conservé son programme court sur “Two Men in Love” de The Irrepressibles depuis deux (trois ?) saisons, mais à sa décharge, il n’a effectué que la moitié de 2024, victime d’une blessure qui lui a valu chirurgie. Il connaît donc son sujet par coeur et a fait de gros progrès de présentation. Ca ne l’empêche pas de retourner son triple Axel, erreur qui l’envoie à la 4ème place (85.68). Matteo est là pour un podium et ne perd pas ses chances. Son coéquipier Nikolaj Memola, toujours aussi grand (1m95, il n’y a pas de raison que ça change, mais c’est très rare pour un patineur individuel !), le suit à quelques points (84.92). Son “Mission Impossible” de Hans Zimmer a pris de l’ampleur et de l’authenticité en cours de saison, l’interprétation est réussie. Son quad Lutz a une carre douteuse, son triple en combinaison aussi. Sa Flying Sit Spin tourne au ralenti et lui fait perdre des points, mais son total technique est supérieur à celui de Matteo.

Les frères Selevko effectuent un tir groupé, respectivement en 6ème et 7ème positions, 84.85/84.65, soit dans un mouchoir. Mihhail et sont Dracula mènent le jeu dans un court très propre. Je préfère le thème d’Aleksander : “Why’d you Lie” de Colin James et je préfère également son style et son patinage. Le programme est tout aussi propre et la différence se fait sur le T.E.S., les composantes étant nettement et logiquement en faveur de l’aîné. Lukas Britschgi loupe sa combinaison d’entrée de programme en posant la main au sol sur le quad boucle piqué, mangeant au passage le bénéfice de sa combinaison. Il passe sans souci le triple Axel et replace une combinaison, cette fois triple Lutz/double boucle piqué. C’est un bon réflexe, mais qui ne suffit pas à sauver le score. Le programme, sur “Iron Sky” de Paolo Nutini, manque de ressenti même si Lukas est plus souple et fluide que par le passé. 3ème en 2023 et 5ème l’an dernier, il aimerait remonter sur le podium, mais cette 7ème place provisoire (82.90) ne va pas l’aider.

Le perdant du jour est Daniel Grassl, 10ème seulement avec 78.15. Venu chercher la victoire, il risque d’avoir du mal à la trouver. En étant l’auteur d’une telle collection d’erreurs… : quad Lutz en quarter sans la suite, quad boucle piqué en sous rotation/triple boucle piqué (bravo pour replacer la combinaison quand même !), triple Axel en quarter, chute venue de nulle part au début de la séquence de pas. Ce n’est clairement pas son jour. “Human” de Stefano Lentini est une très belle chanson, mais plus la saison avance, plus j’en ai assez de voir l’Italien jouer les victimes avec ce thème. J’ai déjà parlé du quad Salchow de Deniss Vassiljevs, le saut “Dupont de Ligonnès” du patinage, l’Arlésienne, celui qui n’arrive jamais et il n’est pas plus à Tallinn qu’ailleurs. Il est même tellement absent qu’il est en simple et invalidé. Mais la combinaison triple Lutz/triple boucle piqué est jolie et propre. Le triple Axel est rattrapé in extremis avec les oreilles et GOEs négatifs. Techniquement parlant, Deniss est aujourd’hui à la rue. Dommage car avec “Helix” de Justice, il renouvelle son registre musical, sans rien perdre de sa prestance et de son élégance, au contraire. 12ème avec 77.82, il est loin de ses résultats passés. Résultats en dents de scie : 4ème pour sa première apparition en 2018, 11ème en 2019, absent en 2021 pour blessure, médaillé de bronze en 2022, 5ème en 2023 et 6ème l’an dernier. Mais toujours présent, contre vents et marées.

Kevin Aymoz est 18ème (70.68). Aux Championnats de France, en riant, il nous avait dit s’attendre à soit être sur le podium, soit à ne pas passer le cut. tout ou rien, du Kevin tout craché. Il n’avait pas prévu cette situation, disons intermédiaire. Ce n’est pas une catastrophe en soi, puisqu’il est qualifié pour le libre et qu’on le sait capable d’effectuer une belle remontée. A condition que sa confiance ne soit pas entamée, ce qui est plus aléatoire. Il est, comme partout, l’un des grands favoris du public, très acclamé dès son entrée. “"Everybody” de Martin Solveig, allié à son talent inné d’interprète et de danseur, soulève les foules. Mais le bilan comptable est sévère avec un quad boucle piqué passé en double, non combiné et invalidé, une chute sur le triple Axel qui est son meilleur saut, et une pirouette qui dégringole au niveau 1. Le Grenoblois empoche quand même le meilleur score de composantes de la soirée après celui d’Adam Siao Him Fa, signe que tout n’est pas perdu. Samedi est un autre jour et son bijou de programme libre pourrait le ramener à une place qui convient mieux à son réel niveau.

Kate Royan

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