Passa al contenuto principale

Interview Madison Hubbell (Français)

A l’occasion du Grand Prix d’Angers, nous avons pu échanger avec Madison Hubbell sur sa nouvelle vie, bientôt deux ans après la fin de sa carrière internationale.

Solène : Comment allez-vous ?

Madison : Je vais bien ! Ces dernières années ont été mouvementées entre la fin de ma carrière, la retraite, le début d'un nouveau travail et le déménagement dans une nouvelle ville. Adrià (Diaz) et moi nous sommes mariés en juin, et nous attendons notre premier enfant, une fille, pour fin février.

Solène : Comment se passe votre nouvelle carrière d'entraîneuse ?

Madison : C'est génial. Cela me semble encore nouveau, mais Adrià et moi commençons à prendre nos marques. Cela fait un an et demi que nous entraînons des danseurs et apprenons notre nouveau métier tous les jours. Ces compétences sont très nouvelles. Nous savions déjà enseigner le patinage, mais s’ajoute à cela la gestion des jeunes et leur développement psychologique. C'est nouveau pour nous, et nous essayons d’endosser ce rôle d’entraîneur même si nous nous sentons parfois encore une âme d’athlètes. J'ai la chance de travailler avec des collègues plus expérimentés. Je peux apprendre de Marie-France (Dubreuil), Patrice (Lauzon) et Romain (Haguenauer) et leur poser un million de questions, ils m’aident beaucoup.

Solène : Quand avez-vous mûri le projet de devenir entraîneuse ?

Madison : J'ai commencé à y penser lors de mes dernières années en compétition. Je n’y pensais pas quand j'étais plus jeune, probablement car je n’avais pas toujours eu une bonne relation avec mes entraîneurs. Nos échanges étaient parfois difficiles, notamment quand on traverse les années de rébellion de l'adolescence . Les entraîneurs étaient très stricts, et je n’ai commencé à les voir comme des mentors positifs qu'une fois arrivée à Montréal. C'est là que j'ai commencé à davantage aimer le patinage. La manière dont les entraîneurs de Montréal travaillent est très axée sur l'autonomie de leurs athlètes. Les patineurs comprennent ce qu'ils font au lieu de simplement exécuter les entraînements et les mouvements demandés. C'était un peu différent pour Adrià. Il s'est toujours imaginé devenir entraîneur. C'était son rêve. Il adore regarder toutes les compétitions juniors et seniors dans toutes les disciplines. Le voir aussi passionné m’a rapprochée du patinage. Quand Zach et moi avons commencé à travailler avec Scott Moir, j'ai commencé à mieux le connaître, en tant qu'entraîneur et mentor. Scott était assez clair dès le début et me disait : « Quand tu prendras ta retraite, la porte est grande ouverte pour qu’on travaille ensemble ! ». De mon côté, comme j’avais annoncé clairement que je mettrais un terme à ma carrière après les championnats du monde 2022, cela a facilité la transition.

Solène : Vous travaillez à London, en Ontario. Comment se compose votre équipe ?

Madison : Je travaille avec Scott, Adrià ainsi que les deux cousines de Scott, Kara Moir et Sherry Moir. Sa mère et sa tante nous aident également, ainsi que Justin Trojek. Nous avons déjà une grande équipe, et nous essayons progressivement de construire la même atmosphère d'équipe et de cohésion qu’à Montréal. Cela prend beaucoup de temps, mais c'est le modèle que nous visons.

Solène : Comment répartissez-vous les rôles au sein de l'équipe ?

Madison : Scott est le directeur de la structure. Adrià et moi travaillons à temps plein en tant qu’entraîneurs. Nous formons tous les trois le noyau de l'entreprise. Kara et Sherry sont là toutes les semaines, ainsi que Justin, mais ils ont aussi d'autres responsabilités et s'occupent d'une équipe de patinage synchronisé, et même une entreprise de rénovation en ce qui concerne Justin. Ils nous soutiennent également pour tous nos voyages. Nous devons nous assurer d'avoir des personnes sur place lorsque nous sommes absents.  C'était un peu stressant d'entrer dans cet univers en tant que nouvelle entraîneuse. La dynamique est très familiale à London. Tout le monde se connaissait déjà si bien. Adrià et moi ne connaissions que Scott, et il a fallu un peu de temps pour construire cette relation avec tout le monde, mais ils sont tous très gentils.

Solène : Quels danseurs entraînez-vous actuellement ?

Madison : Nous avons près de dix équipes. Au niveau international, nous avons Christina Carreira et Anthony Ponomarenko. Nous entraînons aussi Samantha Ritter et Daniel Brykalov d'Azerbaïdjan, Leia Dozzi et Pietro Papetti d'Italie, quatre équipes seniors canadiennes, ainsi qu'une équipe junior et une équipe novice canadiennes. India Netté et Eron Westwood d'Australie viennent de nous rejoindre. Nous construisons progressivement l'école et un bel environnement. Il y a toujours des hauts et des bas et des gens qui viennent et qui partent. C’est toujours mieux quand il y a beaucoup d'énergie dans la patinoire et beaucoup de patineurs. Nous espérons attirer plus de patineurs novices et juniors et développer de jeunes talents.

Solène : Comment les équipes de Montréal et de London travaillent-elles ensemble ?

Madison : Chaque été, nous essayons de nous réunir pendant quelques semaines, pour bénéficier de l'expertise des entraîneurs seniors de Montréal au début de la saison sur le concept et le développement des programmes. Le reste du temps, nous sommes constamment en communication, et nous essayons d'avoir une visite annuelle de chacun des entraîneurs seniors pendant quelques jours. Marie-France et Romain sont venus cette année, et nous attendons la visite de Patrice prochainement. C'est un excellent technicien, c'est précieux de l'avoir à nos côtés pour travailler sur les retournements et les niveaux, et avoir son regard sur les éléments techniques. De temps en temps, l’équipe de Montréal nous appelle en renfort parce qu'ils doivent voyager vers plusieurs compétitions en même temps. C'était amusant de revenir dans mon ancien environnement d'entraînement et de travailler avec des danseurs qui étaient mes anciens adversaires. Par exemple nous avons travaillé avec Nikolaj et Laurence pendant une semaine. Ils m'ont accueillie dans leur équipe et m’ont demandé mon avis sur leurs programmes.

Solène : En parlant de vos anciens adversaires, étiez-vous surprise que Madison Chock et Evan Bates décident de continuer la compétition après avoir remporté les Championnats du monde ?

Madison : Pas vraiment. Leur situation était différente de la nôtre. Ils avaient déménagé plus récemment que nous à Montréal et commençaient à se sentir vraiment à l'aise et satisfait de leur entraînement. Il faut quelques années pour s'adapter à une nouvelle équipe d'entraîneurs et se débarrasser des vieux démons du passé. Ils commençaient à apprécier le processus d'entraînement, ce que Zach et moi avons également ressenti après quelques années à Montréal. De plus, c'est très différent pour eux, qui sont en couple dans la vie. Ils voyagent ensemble, ils font des tournées de galas ensemble, ils sont ensemble tout le temps. C’est plus facile de continuer la compétition dans ces conditions, avec son conjoint. Adrià et moi avions d’autres partenaires et nous étions impatients et enthousiastes à l’idée de passer à autre chose, de nous marier et d'avoir des enfants.

Solène : Que pensez-vous du thème des années 80 pour la danse rythmique ? Auriez-vous aimé patiner sur ces musiques ?

Madison : Il y a beaucoup de musiques des années 80 sur lesquelles j'aurais adoré patiner. Je me demande d’ailleurs si une autre décennie aurait fonctionné aussi bien. Probablement pas. C’est bien pour les spectateurs, c’est très varié. Cela a été une recherche difficile et intensive pour les patineurs et les entraîneurs car nous venons de différentes générations. Beaucoup de chorégraphes sont d'une génération plus jeune que les juges, donc leurs souvenirs des années 80 ne sont pas les mêmes. Pour ma part, je n'étais pas née. Je peux seulement écouter mes parents me raconter ce qui s'est passé dans les années 80. Même avec beaucoup de recherches, il est difficile de saisir ce que l'ISU considère comme l'essence des années 80. Comprendre ce qui sera ensuite bien noté par les juges a été un défi pour moi car ma connaissance des années 80 n’est pas très précise. Elle vient surtout des gens qui se déguisent avec des costumes des années 80 pour Halloween (rires).

Solène : Vous aviez pour projet avec Gabriella Papadakis de patiner ensemble, et vous avez d’ailleurs partagé une vidéo de vous deux. Aimeriez-vous le reprendre un jour ?

Madison : J'aimerais beaucoup reprendre le patinage et patiner en galas, avec Zachary ou Gabriella. Gabriella et moi sommes de très bonnes amies, et nous avions toujours rêvé de patiner en galas ensemble. Cependant, c'est logistiquement très compliqué car nous vivons dans des villes différentes. Elle est venue me rendre visite. Nous avons patiné ensemble deux fois, dont une fois en collaboration avec Jordan Cowan et Talia Barrington d’On Ice Perspectives, pour nous filmer. Avant que je sois enceinte, nous avions évoqué de patiner en gala, par exemple aux Championnats du Monde. Nous trouvons toutes les deux que l'idée de patiner avec quelqu’un du même sexe est vraiment intéressante. Personne ne sait ce que cela pourrait donner. Nous ne savons pas si ce serait plus ou moins difficile pour les hommes ou les femmes, mais beaucoup de gens ont des opinions à ce sujet. Pour nous, c'était une expérience. Beaucoup des opinions que nous avons entendues, notamment du côté des juges, étaient que les hommes auraient un avantage clair. Je ne suis pas sûre que ce soit vrai. Cela dépendra des tailles des partenaires et de ce qui nous est demandé. Nous ne connaissons pas encore les règles, mais je ne pense pas que cette supposition soit correcte. Nous avons aussi essayé d'inciter de jeunes patineuses à aller dans cette direction, surtout lorsqu'elles attendent des partenaires. Il y a beaucoup de jeunes danseuses pour peu de danseurs disponibles. Mais c'est difficile, il faut être audacieux pour franchir cette première étape et devenir la première équipe. Nous avons besoin de femmes très audacieuses !

Solène : Stéphane Lambiel et Guillaume Cizeron ont patiné ensemble, qu’en avez-vous pensé ?

Madison : Ce sont deux magnifiques patineurs. Le programme était fantastique. J’étais curieuse de les voir car on nous disait qu'il serait plus intéressant de voir deux hommes patiner ensemble plutôt que deux femmes, car un homme peut soulever l'autre. Contrairement aux femmes, ils seraient en mesure de faire des portés. Ils ont la musculature et l’expérience. Cependant, il est intéressant de constater que Stéphane et Guillaume n'ont fait aucun porté. Je voudrais voir si Guillaume peut soulever Stéphane. Les retours que nous avons eus sur notre vidéo avec Gabriella étaient très mitigés. Beaucoup de gens disaient que deux femmes ne pouvaient pas patiner ensemble et que ce n’était pas élégant. Quand Guillaume et Stéphane ont patiné ensemble, tous les commentaires parlaient de la beauté de leur programme et combien c'était incroyable de voir deux hommes patiner ensemble.

Solène : C'est frustrant d'entendre que vous avez reçu des retours négatifs.

Madison : Certaines cultures ne sont pas très ouvertes. Certaines personnes ne voulaient pas voir notre proposition. Pour eux, une femme capable de soulever une autre femme perd toute féminité. Je ne suis, bien sûr, pas d’accord. Nous avons toujours eu ces conflits culturels dans le patinage : est-ce que le patinage est un dérivé du ballet classique et ne doit pas s'éloigner de ces idéaux ou est-ce un lieu pour étendre l'art, le transformer et montrer d'autres idées ? Vous savez ce que j’en pense.

Solène MATHIEU pour Patinage Magazine

Argomento Interviews