Interview Javier Fernandez (Français)
Entraîné par Florent Amodio, Luc Economides réalise une belle saison 2023/2024 avec deux participations en Grand Prix, une 15e place aux Championnats d'Europe et une qualification récemment annoncée par la FFSG pour les Championnats du Monde. Aux Championnats d'Europe, les spectateurs ont pu observer la présence de Javier Fernandez, double champion du monde et septuple champion d’Europe, aux côtés de Luc et Florent.
Solène : Comment a débuté votre collaboration ?
Javier : Florent et moi sommes bons amis. Nous travaillons ensemble comme entraîneurs lors de stages d’été depuis plusieurs années. Cela m'a permis de commencer à travailler avec Luc. Nous passons généralement un mois et demi ensemble pendant l'été, parfois en Espagne ou au Mexique. Je suis aussi venu en France pour travailler avec eux à Vaujany.
Solène : Quelle est, selon vous, la plus grande force de Luc ?
Javier : C'est un grand travailleur. C'est le genre de patineur à qui vous n'avez besoin de dire quelque chose qu'une seule fois ; il l'intègre et travaille dessus. C'est l'une des choses qui fait de lui le patineur qu'il est aujourd'hui.
Solène : Travaillez-vous avec lui uniquement sur la chorégraphie ou aussi sur la technique ?
Javier : Sur tout. Cela dépend des axes de travail que souhaite Florent. Nous avons travaillé ensemble sur les sauts, le patinage et la chorégraphie. Un peu de tout.
Solène : Vous aviez patiné un programme libre sur la musique de Charlie Chaplin il y a quelques années et vous avez chorégraphié le programme libre de Luc sur ce même thème. Voyez-vous un lien entre les deux programmes ?
Javier : Pas vraiment, je souhaite que Luc crée sa propre personnalité sur la glace. C'est quelqu'un qui sait bien faire ce type de programmes. Tout le monde n’en est pas capable. Cette chorégraphie met en avant son talent. Mais même s'il s'en sort très bien, il peut encore s'améliorer. C’est très bien comme cela, parce que cela signifie qu'il n'a pas encore atteint le sommet de ses capacités. Il s'exprime bien, mais il doit continuer à s'améliorer, ce que nous, en tant qu'entraîneurs, apprécions. Nous ne voulons pas voir notre patineur bloqué, comme s'il avait atteint ses limites. Luc a encore un long chemin à parcourir.
Solène : Patinez-vous encore ? Est-ce que vos galas Revolution on Ice ont toujours lieu ?
Javier : Je patine encore occasionnellement, à quatre ou cinq galas par an. Je suis également occupé par d'autres projets. Nous envisageons de créer une version réduite de Revolution on Ice, dans des salles plus petites. L'approche a changé après le COVID, et nous préférons maintenant minimiser les risques.
Solène : Vous aviez le projet d'ouvrir un centre d’entraînement à Madrid. Pouvez-vous m'en parler ?
Javier : Je n'ai pas pu poursuivre ce projet. J'aurais eu besoin de plus de soutien. Il est difficile de lancer ce type de projet alors que les patinoires ont déjà des emplois du temps chargés avec des clubs de patinage, des écoles et du hockey. L'accès est difficile et il y a très peu d’horaires disponibles, principalement tôt le matin, vers 5h ou 6h. Les alternatives seraient de trouver un autre emplacement ou d’attendre la construction d'une nouvelle patinoire. Je pourrais être intéressé si quelqu'un décide de construire une nouvelle patinoire. Mais actuellement, ce n'est pas réalisable. À Madrid, il y a cinq patinoires, ce qui est correct. Cependant, à Barcelone, par exemple, il n'y en a aucune.
Solène : Vous vous concentrez donc davantage sur les stages d'été ?
Javier : Oui. Nous avons organisé des camps en France, en Espagne, en Italie et au Mexique. Nous allons commencer à travailler avec la Chine. Nous avons beaucoup de personnes intéressées. Nous allons également tenter l'expérience aux États-Unis. Les stages en Amérique du Nord sont généralement différents de ceux en Europe. Les stages européens privilégient souvent des leçons de groupe, tandis qu'en Amérique du Nord, il est plus habituel d’avoir des leçons privées. Je pense que les leçons de groupe lors des stages sont beaucoup mieux pour les enfants et leur plaisir de patiner. Cela offre quelque chose de différent des leçons privées avec un entraîneur auxquelles ils sont habitués toute l'année en Amérique du Nord. C'est une approche totalement différente.
Solène : Travaillez-vous avec Brian Orser et Tracy Wilson lors de ces stages ? J'ai également vu que Nathan Chen vous avait rejoint.
Javier : J'ai invité Brian et Tracy à nous rejoindre lorsque j'ai commencé à organiser des stages de plus en plus importants à Madrid. Ensuite, nous recherchions un entraîneur supplémentaire et Nathan est venu nous aider. Il est très bon techniquement et excellent avec les enfants, notamment sur la pédagogie. Accueillir des patineurs comme lui est une expérience fantastique pour tous les participants. Bien sûr, il ne s'agit pas seulement de faire venir un grand nom mais aussi de fournir un enseignement adapté.
Solène : Vous avez également travaillé avec Matteo Rizzo, n'est-ce pas ?
Javier : Oui, je travaille parfois avec Matteo pendant l'été lorsque je vais en Italie. Je le connais depuis qu'il est très jeune. C'est un patineur très travailleur et puissant. Je savais qu'il se débrouillerait bien sur le programme libre des championnats d’Europe. Il aime faire de belles remontées sur ses programmes libres.
Solène : Pouvez-vous me parler du documentaire sur votre retraite et la santé mentale, qui a été diffusé en Espagne ?
Javier : Ce documentaire a montré ma vie quotidienne, les endroits où j'ai vécu, où je me suis entraîné et les personnes avec lesquelles j’ai travaillé. Le but était de donner aux téléspectateurs un aperçu de ma vie quotidienne. Mais il a également abordé ma retraite, et mon ressenti, que ce soient les aspects positifs ou négatifs. L'un des aspects les plus difficiles de ma retraite était de trouver une nouvelle routine. Sans la nécessité de me réveiller et de m'entraîner à des heures précises, je me demandais quoi faire. Mon emploi du temps est devenu imprévisible. Trouver un équilibre dans mes journées a été la partie la plus délicate pour moi.
Solène : Est-ce que cela va mieux maintenant ?
Javier : Oui ! Je suis très occupé, donc je dois planifier et organiser soigneusement toute mon année. J'ai déjà planifié l'été prochain !
Solène : J'ai vu que vous aviez participé à l'édition espagnole de Big Brother (“Gran Hermano”). Je dois dire que je ne m'y attendais pas…
Javier : Moi non plus (rires). Je ne suis généralement pas le genre de personne à faire quelque chose comme ça. Je n'avais même jamais regardé ce type d’émission auparavant, mais les organisateurs m’ont proposé de venir. Après y avoir réfléchi, j'ai pensé que cela pourrait être une bonne expérience. J'ai décidé de tenter ma chance, en me disant que je ne resterais pas longtemps de toute façon. Je suis finalement resté dans la maison presque sept semaines. Être confiné sans aucun contact avec le monde extérieur, sans même savoir quelle heure il était, n'est pas facile. Parfois, nous n'avions pas assez de nourriture, et je ne dormais pas bien. C'était incroyablement difficile avec toutes ces personnes dans la maison, des conflits constants et des gens qui se criaient dessus. À un moment donné, j'ai réalisé que cela pourrait me rendre fou. Ce n’était pas ma meilleure expérience. Je ne le referai pas mais je ne regrette pas d’avoir participé.
Solène MATHIEU pour Patinage Magazine