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L’avenir s’annonce sombre, ce qui pourrait être de bon augure pour l’agriculture durable

Les spécialistes de la recherche explorent le potentiel de l’électro-agriculture, c’est-à-dire la culture de plantes dans l’obscurité; les recherches initiales dans le domaine donnent des résultats prometteurs pour la laitue, le riz, le colza, le poivron et les tomates.

Par Emma Bryce (Si apre in una nuova finestra)

Sans lumière, nous aurions très peu à nous mettre sous la dent, la lumière étant à l’origine de presque tout ce que nous mangeons. Mais que se passerait-il si la situation était inversée? Si nous pouvions, dans l’avenir, cultiver dans des entrepôts très hauts des plantes dans l’obscurité la plus totale et rendre à la nature (Si apre in una nuova finestra) de vastes étendues de terres arables?

De l’avis d’un groupe de recherche, cette perspective n’est pas si farfelue : dans un récent article (Si apre in una nuova finestra), les membres de ce groupe expliquent que la culture de plantes dans le noir absolu existe déjà (Si apre in una nuova finestra) et qu’on en teste actuellement les limites.

D’ordinaire, les plantes poussent grâce à la photosynthèse, un phénomène par lequel la lumière du soleil déclenche une réaction chimique permettant à la plante de transformer le dioxyde de carbone et l’eau en glucose, soit la source d’énergie qui est à la base de la croissance végétale. Les plantes photosynthétiques produisent cette énergie en utilisant une voie métabolique particulière qui nécessite la lumière du soleil. 

Dans ce nouvel article, l’équipe de recherche se penche sur l’électro-agriculture, une solution pour remplacer le processus photosynthétique. Au lieu de feuilles, on utilise des panneaux solaires pour capter l’énergie du soleil. Celle-ci alimente ensuite un processus d’électrolyse pour provoquer une réaction chimique qui transforme le CO2 et l’eau en acétate, une autre molécule riche en énergie dont on se sert pour nourrir les plantes. Ce processus dépend d’une autre voie métabolique qui n’a pas besoin de la lumière du soleil comme déclencheur. C’est pourquoi la production d’acétate peut se faire dans l’obscurité.

Quelques organismes arrivent à pousser naturellement de manière « hétérotrophe », c’est-à-dire dans l’obscurité, en faisant de l’acétate leur principale source de nourriture, notamment certains champignons basidiomycètes, la levure et certains types d’algues vertes. Or, l’équipe de recherche voit un potentiel au-delà de ces organismes, en raison d’une bizarrerie intéressante chez les plantes : il s’avère qu’elles ont toutes la capacité de produire de l’acétate, ce qu’elles font avant de sortir du sol lorsque leurs semences germent dans l’obscurité.

Ce circuit métabolique est désactivé à l’âge adulte, période où les plantes troquent l’acétate contre du glucose produit grâce à la lumière du soleil. Cela dit, un fait crucial demeure : leur machinerie pour fabriquer de l’acétate ne se détériore pas pour autant.

C’est ce qui a incité l’équipe de recherche à explorer le potentiel de l’électro-agriculture : elle soutient qu’en effectuant quelques manipulations génétiques avec minutie, on pourrait réactiver la production d’acétate chez les plantes adultes. Sur le plan technique, c’est un défi de taille, mais l’équipe y travaille. D’ailleurs, selon Robert Jinkerson, professeur agrégé en génie chimique et environnemental de l’Université de la Californie à Riverside et chercheur principal de l’article, les résultats des premières recherches sont encourageants. C’est notamment vrai pour les cultures de laitue, de riz, de canola, de poivrons et de tomates qu’on a entraînées à consommer de l’acétate en remplacement du glucose.

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En admettant que cette capacité soit transférable à d’autres cultures, le groupe de recherche pense que l’électro-agriculture pourrait, dans une vaste mesure, mettre fin à l’agriculture classique pratiquée dans la terre. Les membres du groupe imaginent des entrepôts très hauts aux toits couverts de panneaux solaires servant à alimenter le processus d’électrolyse mené aux étages inférieurs. On pourrait ainsi produire un approvisionnement régulier en acétate et l’acheminer aux cultures qui poussent dans l’entrepôt au moyen d’une solution hydroponique.

Des études récentes portant sur l’absorption de l’acétate par les plantes ont montré que l’électro-agriculture est quatre fois plus efficace que la photosynthèse ordinaire pour convertir l’énergie solaire en nourriture. La production d’un hamburger végétal par électro-agriculture demanderait 200 fois moins d’énergie que celle d’un hamburger de bœuf, tandis que la production d’un hamburger végétal par photosynthèse exigerait 50 fois moins d’énergie que celle d’un hamburger de bœuf.

Outre l’efficacité énergétique, l’aspect le plus attrayant de l’électro-agriculture est sans doute la quantité monumentale de terres qu’elle permettrait d’économiser, selon le Pr Jinkerson et son équipe. Aux États-Unis, si toute la nourriture était produite en suivant cette approche, l’utilisation totale des terres agricoles diminuerait de 88 %, passant de 1,2 milliard d’acres à seulement 0,14 milliard d’acres. On pourrait consacrer les terres ainsi libérées au réensauvagement, ce qui contribuerait, en principe, « à la restauration écologique des territoires concernés et à la séquestration naturelle de carbone à grande échelle », estiment-ils.

Les émissions industrielles pourraient également être utilisées temporairement : si tout le CO2 émis par les usines américaines était capturé pour alimenter les usines d’électro-agriculture, cela permettrait hypothétiquement de produire 56 % des denrées alimentaires actuellement consommées aux États-Unis. (L’équipe de recherche tient toutefois à préciser que les exploitations agricoles ne devraient pas aveuglément compter sur cette source compte tenu des efforts de décarbonation menés dans le secteur industriel.)

Parmi les autres grands avantages d’un système agricole fermé et contrôlé, on peut citer le fait que les engrais qui entrent dans l’approvisionnement hydroponique peuvent rester en rotation, ce qui en rehausse l’efficacité et limite les fuites dans le milieu environnant. Selon le groupe de recherche, cet avantage pourrait réduire l’eutrophisation par une marge de 70 % à 90 %. L’électro-agriculture est également un concept intéressant pour les exploitations agricoles intérieures actuelles, où la culture de plantes dans l’obscurité contribuerait à réduire l’intense consommation d’énergie (Si apre in una nuova finestra) nécessaire au maintien d’un espace suffisamment éclairé et frais pour les plantes.

En affranchissant la production alimentaire des éléments, l’électro-agriculture permettrait à plus long terme d’implanter des exploitations agricoles dans le désert, carrément, et dans d’autres endroits du monde normalement incultivables, mais où la nourriture fait le plus cruellement défaut, explique l’équipe de recherche.

Malgré toutes ces promesses, pour le moment, l’électro-agriculture tient avant tout de l’hypothèse (Si apre in una nuova finestra), et de grands progrès scientifiques sont encore nécessaires afin qu’elle fonctionne suffisamment bien à grande échelle pour faire baisser les coûts de production par rapport à ceux des exploitations agricoles conventionnelles. Il faudra probablement des décennies avant d’y parvenir. Ce serait pourtant une erreur de négliger son potentiel à ce stade précoce, tient à préciser l’équipe.

« Appelée à révolutionner le système alimentaire mondial, l’électro-agriculture permettrait aussi de faire un bond en avant prodigieux dans la recherche de solutions aux changements climatiques et au problème de la faim dans le monde, écrit l’équipe de recherche. Réinventer l’agriculture du tout au tout, voilà la promesse qu’offre cette technologie. »

Jiao et coll., « Electro-agriculture : Revolutionizing farming for a sustainable future (Si apre in una nuova finestra) », Joule, 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/11/the-future-looks-dim-for-agricultural-sustainability-that-could-actually-be-a-good-thing/ (Si apre in una nuova finestra)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Si apre in una nuova finestra). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Si apre in una nuova finestra), la Durabilité à l’Ère Numérique (Si apre in una nuova finestra) et le pôle canadien de Future Earth (Si apre in una nuova finestra).

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