Masters 2024 : compétition juniors
La discipline couples juniors compte quatre participants. Depuis quand n’est-ce pas arrivé ? Et est-ce seulement déjà arrivé ? Tous les couples présents ont récemment participé à des Grands Prix. A commencer par Clelia Liget-Latus et Allan Daniel Fisher, des Français Volants, 13èmes à Ankara. Elle est parisienne, il est californien, ils sont entraînés à Bercy par Claude Thévenard, et en Floride par Silvia Fontana et John Zimmermann, trois solides références. Leur programme court sur “Sarabande Suite” de Globus s’ouvre sur un double twist heurté en descente, mais le double Salchow lancé qui suit est impeccable. Un manque de synchronisme, de petits accrocs sur plusieurs éléments et un double Axel en “quarter” font baisser leurs GOEs. Ils obtiennent un score de 36.88, et la 3ème place provisoire. Ils se montrent plus crispés lors du libre. Le “Masque de Zorro” par Tina Arena et Marc Anthony n’est pas le thème le plus original qui soit, et une chute et un dépassement de temps leur font perdre 2 gros points, après des GOEs déjà bas. Ils restent cependant 3èmes (68.39) du libre et de la compétition (105.27). 13èmes au JGP d’Ankara, Lise Regnier et Luca Nandrot semblent crispés dès jeudi, avec un “Feeling Good” de Nina Simone dans lequel ils se sentent visiblement moins à l’aise qu’en Turquie. Beaucoup de 0 et de signes - dans leurs grades d’exécution et les composantes ne montent pas. Idem avec leur libre sur le très joli “I hear a Symphony” de Cody Fry assorti d’un double twist chahuté et d’une chute sur le double boucle lancé. Ils sont 4èmes (35.00), le restent vendredi dans le libre (58.50) et au final (93.50). La lutte est rude pour les deux premières places entre Champigny et Dammarie les Lys. Les deux clubs ont deux très bons couples, très prometteurs et d’un niveau équivalent. Jeudi, Louise Ehrard et Matthis Pellegris (2èmes du Bavarian Open, 5èmes au JGP de Riga et 4èmes à celui d’Ankara) prennent la tête (52.38) avec “Rise like a Phoenix” de Conchita Wurzt. Sans une chute sur le double Axel, ils se seraient offert une avance plus confortable. Ils sont dynamiques, volontaires, lui est un porteur très solide et Louise a de l’assurance. Ils reculent au second rang d’un libre (90.48) pourtant très abouti sur “My Body is a Cage” de Peter Gabriel. Le morceau n’est pas évident à patiner musicalement, mais ils s’en sortent avec talent et conviction. Avec 50.87, Romane Télémaque et Lucas Coulon prennent la seconde place du programme court, sur “Fever” et “Jailhouse Rock” d’Elvis Presley. Successivement 3èmes du Bavarian Open, puis 4èmes du JGP de Riga et deuxièmes de celui d’Ostrava, leurs programmes sont déjà bien rodés. Ils sont vifs, légers. Romane récupère d’un cheveu la réception incertaine du triple Salchow lancé, et le double Axel est en sous rotation. Mais le reste de la prestation est propre. Leur libre est de toute beauté : “Breathing under Water” de Ghostwriter et “Mephisto’s Lullaby” de Xtortion Audio. La musique est difficile, linéaire et répétitive, mais ils savent lui donner du relief à travers un patinage expressif. Une seule erreur sur le double flip et une violation de temps les éloignent du sans faute. Le sourire éclatant e Romane à la réception nette du triple Salchow lancé vaut le détour ! On oubliera rapidement l’erreur en entrée de pirouette. Ils gagnent le libre (92.63) et la compétition (143.50). Ils apprendront le lendemain qu’ils sont qualifiés pour la Finale du Grand Prix à Grenoble !
Toutes derrière et elle devant : Stefania Gladki est un phénomène. 18 points d’avance dans le court, 42 dans le libre ! A 14 ans, elle a, de sa Russie natale, la gracilité et le culot phénoménal. Elle n’a peur de rien, n’a jamais l’air stressée. L’an dernier, dans cette même patinoire, elle demandait timidement à Maé-Bérénice Meité l’autorisation de faire un selfie. Cette année, la star, c’est elle, auréolée d’une seconde place au JGP d’Ostrava et d’une 3ème à celui d’Ankara. Ce qui devrait, on croise les doigts, à elle aussi valoir une sélection en Finale. Elle multiplie les sauts “Tano” (un bras en l’air) et “Rippon” (les deux) comme si c’était l’exercice le plus naturel du monde. Du haut de son petit mètre cinquante, elle déploie une couverture de glace incroyable. Les thèmes de ses programmes sont usés - Dracula pour le court, Moulin Rouge pour le libre - mais ses capacités techniques et sa grâce le font vite oublier. Jeudi le triple Lutz et le triple boucle piqué de sa combinaison sont en “quarter” et ce sera sa seule erreur : 63.73 et une première place facile. Même erreur vendredi, toujours la seule. Elle culmine à 124.89, et remporte une victoire lumineuse à 188.62. Derrière elle, Eve Dubecq et Mila Bertsch jouent au jeu des sept erreurs. Il faut dire que leurs programmes sont denses, et que Stefania leur met une sacrée pression ! “Your Heart is as Black as Night” de Beth Hart & Joe Bonamassa, est une chanson sensuelle ,et Eve, sur la glace, semble plutôt timide et réservée. Mais son patinage est ample, bien glissé. Départ difficile avec un simple Lutz/simple boucle piqué invalidés, et un triple flip aux GOEs négatifs. Mais elle se reprend bien avec un bon double Axel, et des pirouettes de niveau 4. Score : 45.29 pour la 3ème place. Elle a choisi Kerry Muzzey pour son libre : “Heroes are Made”, Pulling a Thread”, “A Secret History”. Seul son triple Salchow et sa combinaison triple boucle/double Axel en séquence vont passer. Chute sur le Lutz qu’elle retente (REP !) et… rechute, chute sur le triple boucle, erreur sur la combinaison double Axel/double boucle piqué. Les résultats étant aussi fonction des autres, elle est seconde du libre (82.86) et de la compétition (128.15) avec des scores très supérieurs à ses records internationaux. Eve a tout ce qu’il faut pour devenir une excellente senior : la technique, le sens artistique. Reste à gagner en stabilité et régularité. On sait que ce n’est pas le plus facile ! Pour moi, Mila Bertsch est LA découverte de ces Masters. Quel talent alors qu’elle n’aura 14 ans qu’en décembre ! Elle est expressive, fluide, gracieuse, convaincue et convaincante. Son court sur “Santa Maria” de Gotan Project et “Libertango” joué par Bond est une vraie pépite. Mila chute sur le triple flip mais tous les autres éléments sont validés. Elle est provisoirement 2ème avec 45.57. Son libre sur le thème de “Funny Girl” est tout aussi réussi. Energique, élégante, gestes amples, carres profondes, Mila est incroyable de maturité pour son très jeune âge. Techniquement parlant : baisse de régime. Chute sur le triple boucle piqué avec “quarter”, “quarter” sur le double Axel en combinaison, nouvelle chute sur un triple boucle piqué répété et donc invalide. En début de prestation, Mila a pourtant passé sans souci triple Salchow/double Axel en séquence, double Lutz et double boucle. 77.09 la placent au 3ème rang pour un total de 122.66. La voici médaillée de bronze.
Qui, de Gianni Motilla, 8ème au JGP de Bangkok, et d’Ilia Gogitidze, 14ème à Ostrava et 7ème à Ankara, va remporter la mise ? Et quid de Jean Médard 13ème à Riga ? Nos juniors français s’exportent bien et la compétition est très ouverte. Gianni prend la tête dès jeudi (60.05) avec “Blood Moon” de Rok Nardin et un programme tout propre, si ce n’est une carre douteuse sur le triple flip. Il est suivi d’un Jean toujours aussi élégant sur “Unconscious” de Charlie Winston, mais moins en réussite : chute sur le triple Axel, chute sur le triple flip en “edge”. Les deux lignes de -5 et les 2 points de déduction font mal au score (52.03). Ilia est 3ème avec 48.39. Son “Nemesis” de Benjamin Clementine connaît quelques soucis : chute sur le triple flip, chute sur le triple boucle piqué. Il se bat comme un diable le lendemain et gagne le libre : 112.04. Je ne suis pas fan du thème d’Alladin pour un garçon de son âge, mais le morceau choisi, “Arabian Night” de Will Smith, est heureusement plus générique qu’enfantin. Pas d’erreur dans le déroulement du programme, à part un “quarter” sur le triple boucle de la combinaison en séquence, mais Ilia s’arrête après la musique : déduction pour dépassement de temps. Son programme a été légèrement modifié depuis les Grand Prix, il faut s’adapter. 160.43 au total l’amènent sur la deuxième marche du podium. Depuis Riga, Jean ne s’est pas réconcilié avec la carre de son triple flip. C’est toujours la mauvaise, trois fois de suite en deux programmes. Le faux pli est difficile à repasser une fois qu’il est pris. En plus des “edges”, Jean rencontre des difficultés sur triple Salchow et double Axel. Dommage, car “Creep” de Radiohead et “Human” de Rex Banner sont deux musiques bien adaptées à son patinage puissant et harmonieux. 3ème du libre (107.79), il est aussi 3ème de la compétition (159.82). Gianni est 2ème vendredi (109.88) et quelque chose me dit qu’il est grand fan de Kevin Aymoz, à qui il emprunte quelques figures de style. Sur “Redemption” de Hurts, très jolie musique, il enchaîne double Axel, une chute sur un Lutz qui devait être combiné à un triple boucle piqué (= une guirlande de -5), triple boucle, double Salchow, triple Lutz/double Axel en séquence, triple flip, et un second triple flip en REP qui ne sera pas invalidé. Le programme est dense, bien patiné, Gianni ne s’est pas laissé troubler par sa chute. Mention très bien à ses pirouettes façon Josef Sabovcik. Que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître ! Avec un total général de 169.93, Gianni gagne ses premiers Masters.
Kate Royan
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