Championnats du Monde Boston 2025 - programme libre dames : le grand feu d’artifice !

Médaillée de bronze à Montpellier en 2022, Alysa Liu avait pris tout le monde de court en annonçant sa retraite au tendre âge de seize ans. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a bien fait de changer d’avis en revenant à la compétition ! Pour la première fois depuis dix-neuf longues années, le titre mondial est décerné à une Américaine. La dernière à l’avoir emporté était Kimmie Meissner à Calgary en 2006. “Mac Arthur Park Suite” de Donna Summer est un morceau de choix, la célèbre chanteuse étant née à Boston. D’abord romantique, puis très rythmé, il va à la personnalité pétillante et à la vivacité d’Alysa comme un gant. Son TES n’a pas l’ombre d’un grade d’exécution négatif. Tous ses triples sauts passent comme dans un rêve. Le public du TD Garden retient son souffle. Et explose littéralement à la fin d’une prestation en tous points remarquable. En tête dès le programme court, Alysa ne s’est mis aucune pression. Elle n’avait rien à perdre. Elle a du mal à réaliser ce qui lui arrive : “Je n’en reviens pas encore d’avoir gagné le court, alors la suite…” C’est pourtant bien elle qui occupe la première marche du podium (148,39/222.97) avec une robe dorée de circonstance et sans contestation possible.

Kaori Sakamoto, seulement 5ème avant-hier, obtient des composantes plus élevées que celles de l’Américaine, mais commet deux petites erreurs : sous rotation de son triple Salchow combiné au double Axel, et quarter pour le triple boucle piqué combiné au triple flip. Le programme est cependant étourdissant. Kaori a la puissance d’une bombe à neutrons, mais aussi la fluidité du courant électrique. “All That Jazz” chorégraphié par Marie-France Dubreuil lui rapporte un score de 146.95, la seconde place du libre, et une médaille d’argent (217.98). Après trois titres mondiaux consécutifs, elle descend d’une marche et n’égalera pas le record de Katarina Witt présente dans les tribunes. Mais l’attachante Japonaise prend les choses avec un sourire éclatant et une sportivité exemplaire. A l’issue du programme de la vainqueur, Kaori et Alysa tombent dans les bras l’une de l’autre, en larmes. Une magnifique image !

Mone Chiba descend d’un étage, 3ème du libre (141.80), et médaillée de bronze (215.24). Son programme est techniquement très solide malgré deux sous rotations, mais manque un peu de sentiment et d’interprétation sur “Ariana Concerto N°1”. La Japonaise se bat néanmoins jusqu’au bout avec beaucoup de conviction. “Je n’étais pas à 100%. Mon niveau de nervosité était aussi haut que l’an dernier. Ma coach m’a répété d’avoir confiance en moi et de patiner comme à l’entraînement. Je suis fière de m’être bien battue mais triste pour mon triple Salchow” [incomplet].

Isabeau Levito n’est pas sur le podium, 5ème du libre (136.51), et 4ème au classement général (209.84). “Rêve d’Amour” de Franz Liszt est un morceau qui va bien à son patinage appliqué et classique, et d’où toute originalité est donc absente. La chute d’entrée de programme invalide sa combinaison, son score ne s’en relèvera pas, d’autant moins que ses Lutz sont, comme souvent, atterris sur une carre douteuse. “Tomber n’est pas le plus difficile, le plus difficile est de se reprendre après. Mais j’ai réussi et j’en suis fière. Mon but en venant à Boston était de maîtriser mon stress et de me rappeler que tout va bien. Comme dit Amber [Glenn], nous ne sommes pas à la chasse à l’ours dans les bois ! (rires)”. Après une saison difficile, Isabeau peut se féliciter de cette 4ème place, même si la 3ème du court lui avait laissé des espoirs de podium.

Une remontée d’Amber Glenn, échouée en 9ème position avant-hier, était attendue avec impatience par le public bostonien. Beaucoup plus soutenue par le public qu’Isabeau dont la sélection au détriment de Bradie Tennell a déplu, elle se bagarre comme un vaillant soldat. “I Will Find You the Return” d’Audio machine donne le frisson et la blonde Américaine aux yeux de biche sait en tirer partie avec grande sensibilité. Son fameux triple Axel passe avec panache. Mais des GOEs négatifs s’affichent après un triple Lutz en combinaison atterri sur le quart et un double flip en carre incertaine. Amber ne lâche rien, et gagne cinq précieuses places pour finir 4ème du libre (138.00). Elle est 5ème au final (205.65).
Wakaba Higuchi est 6ème aujourd’hui (132.48) et au classement général (204.58), soit deux rangs plus loin que dans le court, handicapée par une sous rotation sur le triple boucle piqué, et surtout par un gros REP de son triple boucle. La “Servante Ecarlate” Nina Pinzarrone est toujours aussi belle à regarder patiner et son programme est toujours aussi émouvant. Un quarter et deux sous rotations empêchent son score de monter. Elle termine cependant à une bonne 7ème place, ratant les 200 points de très peu (199.43). Elle est suivie d’une Niina Petrokina qui assume parfaitement son statut de leader européenne avec un programme techniquement dense et une grande fluidité de mouvements (131.09/196.67).
Un immense bravo à Lorine Schild pour cette 15ème place mondiale (177.90), après la 14ème du libre (117.31). Deux places de mieux que l’an dernier et dix de gagnées depuis 2023 ! La dernière Française à avoir fait mieux, et de très peu (14ème), était Laurine Lecavelier il y a déjà sept ans. Le programme de Lorine avec un “o” est beau, sur des musiques délicates arrangées par Cédric Tour, et les fautes sont minimes. Une très belle performance. Elle qualifie au passage le patinage féminin français pour les Jeux Olympiques de l’an prochain !
Petite aparté : l’I.S.U. fait, en particulier cette saison, de gros efforts pour dépoussiérer l’ambiance des compétitions : jeux de lumières, présentation interactive des patineurs, animations, participation du public. Mais le “fauteuil blanc” inauguré à Boston, dans lequel les patineurs doivent attendre aux yeux de tous tant qu’ils ne sont pas dépassés au score par un concurrent, est-il une bonne idée ? Impossible de quitter des bottines qui font mal aux pieds, exposition un peu voyeuse alors que vous n’êtes pas forcément au top de votre forme morale avec l’envie de sourire, pas de snack ni de boisson pour récupérer, du moins pas tout de suite. Cependant, le public est heureux d’en voir un peu plus, d’assister aux réactions des patineurs en direct live, au lieu de se contenter des images sporadiques de la “green room” dans laquelle les patineurs attendaient auparavant (et dans laquelle ils attendent toujours, après le fauteuil blanc). De qui le bien-être est-il le plus important ? Rester assis de longues heures dans des gradins généralement inconfortables, dans le bruit et la tension inévitable de la compétition qui gagne tout le monde, le tout pour un prix très élevé, n’est pas chose facile. Toute distraction et une plus grande proximité, même virtuelle, avec les concurrents, est la bienvenue. Les patineurs sont de grandes filles et de grands garçons. Si cette innovation leur a déplu, ils le diront. Maintenant que l’I.S.U. se soucie enfin des fans, eux ne vont pas se plaindre !
Kate Royan
Scores détaillés programme libre (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)