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MARZAC - Le Satanisme (sur une conférence de Jules Bois)

Bonjour, 

Petit partage d'un court article trouvé à l'instant : 

"Public nombreux et tout à fait spécial, hier à la salle des Capucines, où notre confrère M. Jules Bois faisait une conférence sur un sujet d'actualité particulièrement brûlant, le Satanisme et la Magie.

On a tant parlé du diable ces temps derniers, le luxurieux sacrilège de la messe noire a hanté l'imagination de tant de dépravés des deux sexes, soulevé tant d'indignations - qui, du reste, cachaient peut-être des fureurs de curiosité, - que le conférencier pouvait s'attendre à avoir des auditeurs très bizarres, des démoniaques, de bons naïfs et les amateurs forcenés de révélations monstrueuses. Cette attente a été trompée, et à part quelques exceptions, la salle était exclusivement faite de poètes décadents qui, tous, ont plus ou moins fréquenté Satan, et de jolies femmes en toilettes claires qui semblaient griller de faire connaissance avec le Prince des ténèbres.

Ah ! c'est que les Satans que nous présente M. Jules Bois sont si poétiques, si séduisants et si pervertis, naturellement.

Ils sont, de trois sortes - ou mieux dire, il n'y a qu'un seul Satan en trois personnes, - une trinité diabolique sans cesse en guerre contre la trinité divine. Il y a le Satan des pauvres, le Satan des dépravés, le Satan de l'ambitieux et du dilettante.

Le Satan des pauvres s'est formé au moyen âge : l'âme du peuple refoulée alors par les gens de robes s'est donnée au Diable, naïvement. C'est la femme qui a conclu le marché. Rêveuse au coin de l'âtre, elle écoutait le crépitement des meubles, le glissement des salamandres dans la Hamme. Lentement ces rumeurs indistinctes, se sont rythmées selon un sens de mystère. Le bruit s'est fait voix, a pris un corps. D'abord , il est humble, le nouveau venu : on dirait un grillon, une petite bête discrète qui sort de la cendre pour dormir aux plis d'une jupe. Le mari rentré, la femme dort auprès de lui et rêve au petit être si gentil qui l'amuse et la console dans sa solitude.

Elle sent déjà son contact léger, une pression sur sa chair qui mollit, lui souffle aux petits cheveux de la nuque, un chuchotement à son oreille: "Donne-toi, je suis puissant, je t'aiderai". Et un beau jour elle se donne, et c'est le premier sabbat qui commence.

Le baiser de Satan l'a rendue belle, on la jalouse, l'église se ferme devant elle, elle s'éloigne dans la brande, devient la sorcière qui connaît les philtres d'amour, fait avorter, choisit des plantes, et est elle-même une solanée pleine d'ivresse et d'oubli.

Le Satan des dépravés, le Satan des messes noires est plus moderne : il se pare de vices, fait le beau dans le sacrilège - le sacrilège selon Baudelaire - et montre un goût particulier pour tous les vices antinaturels.

C'est sa facon à lui de se consoler des douleurs des autres.

Quant au dernier, le Satan des ambitieux, malgré tout le talent de M. Jules Bois, on le reconnaît pour l'avoir déjà entr'aperçu quelque part, peut-être avec plus de désolation et de grandeur dans le Paradis perdu, de Milton.

Au demeurant, gros succès pour le conférencier, en dépit du désappointement de quelques vieux a la tête de bouc, qui eussent préféré quelque chose de plus corsé, des vérités plus nues, moins contournées et plus retournées.

Marzac

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