La vie urbaine offre des possibilités surprenantes pour certaines espèces en voie de disparition
Deux nouvelles études menées dans des environnements très différents – le sud de l’Angleterre et le sud de la Californie – montrent que les zones urbaines peuvent être considérées comme des lieux propices à la biodiversité.
Par Sarah DeWeerdt (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Selon deux nouvelles études, les villes peuvent contre toute attente offrir des refuges à des animaux que l’on considère habituellement comme intolérants aux milieux urbains, et même à des espèces en voie de disparition. Ces analyses viennent s’ajouter à un nombre croissant de preuves de l’importance des villes pour la protection et le maintien de la biodiversité indigène (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).
Plus de la moitié de la population mondiale vit dans des zones urbaines, et la superficie des zones construites dans le monde devrait tripler entre 2000 et 2050. L’urbanisation fragmente l’habitat, modifie la végétation, introduit des perturbations causées par les humains et les animaux de compagnie, augmente la pollution sonore, lumineuse et atmosphérique, et expose les animaux à des risques de mortalité par collision avec des véhicules.
Il n’est donc pas surprenant que l’urbanisation soit considérée comme une menace majeure pour la biodiversité dans le monde entier (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). Pourtant, des études récentes ont également montré que des espèces indigènes sensibles peuvent survivre en ville dans certaines conditions.
« Alors que les zones urbaines sont en pleine croissance partout dans le monde, il est nécessaire d’intégrer la gestion de la conservation dans les politiques urbaines afin que les espèces puissent se développer dans ces nouveaux environnements », avance Emilie Hardouin (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), généticienne de la conservation à l’Université de Bournemouth, au Royaume-Uni, et membre de l’une des équipes chargées de l’étude. « La conservation ne devrait pas se limiter aux milieux “vierges” et “intacts”, mais s’étendre aux endroits où la faune et la flore se sont adaptées aux changements d’habitats engendrés par l’activité humaine. »
La Pre Hardouin et ses collègues ont analysé près de 11 000 observations de 27 espèces de mammifères, recueillies en grande partie par des citoyennes et citoyens scientifiques entre 2000 et 2018 dans la région de Bournemouth, Christchurch et Poole, dans le sud de l’Angleterre [1].
L’équipe de recherche a comparé la présence de groupes de mammifères dans les zones urbaines à la présence de ces groupes sur les terres agricoles et dans les prairies, les forêts et les landes avoisinantes. Chaque milieu abrite différentes espèces de mammifères, les mammifères urbains se distinguant particulièrement de ceux des autres milieux, rapporte l’équipe dans la revue Urban Ecosystems.
Néanmoins, quatre des cinq espèces de mammifères vulnérables et en voie de disparition recensées dans l’étude ont été observées dans des zones urbaines : le lapin de garenne, le muscardin, le hérisson d’Europe et le rat d’eau. Seul l’écureuil roux d’Eurasie était absent des villes.
Le hérisson d’Europe était présent dans tous les milieux, mais c’est dans les zones urbaines qu’on l’a observé le plus souvent, un constat qui concorde avec d’autres études montrant que les hérissons peuvent vivre et se multiplier dans les villes. Les zones urbaines pourraient offrir un habitat encore plus favorable à des créatures comme le hérisson si on améliorait la connectivité entre les cours et les autres espaces verts, souligne l’équipe de recherche.
« Nous étudions actuellement la perception du grand public (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) à l’égard de la biodiversité dans les villes, car son soutien sera indispensable à la mise en œuvre réussie de toute politique » visant à protéger les espèces sauvages indigènes et à préserver les espèces en voie de disparition, explique Mme Hardouin. « De plus, nous devons étudier plus en profondeur la biodiversité des zones urbaines. Pour cette étude, nous avons utilisé une collecte de données ciblée de science citoyenne, qui présente un biais favorable aux espèces charismatiques. À l’avenir, nous comptons adopter une approche plus systématique pour étudier la biodiversité dans les zones urbaines, en utilisant par exemple le métacodage à barres de l’ADN environnemental, afin de nous pencher non seulement sur les mammifères, mais sur l’ensemble des vertébrés. »
Une deuxième étude sur la faune urbaine a également utilisé les données recueillies par des citoyennes et citoyens scientifiques – dans ce cas, plus de 500 000 observations de 967 espèces indigènes enregistrées dans l’application iNaturalist par 71 000 personnes différentes dans un rayon de 149 km autour de Los Angeles, en Californie [2]. L’équipe de recherche s’est servie de ces observations pour mesurer la réaction à l’urbanisation de 12 groupes taxonomiques différents, tels que les escargots, les guêpes, les oiseaux et les mammifères, ainsi que la tolérance à l’urbanisation de l’ensemble de la population animale à différents endroits de la ville.
Les gestionnaires municipaux pourraient utiliser ces nouvelles mesures pour planifier et évaluer les initiatives de conservation urbaine à l’avenir, selon l’équipe de recherche.
Dans l’ensemble, les espèces indigènes sont plus susceptibles d’être observées dans les espaces naturels que dans les zones urbaines de la ville, rapporte l’équipe dans la revue PLoS ONE. Toutefois, certaines espèces semblent profiter du développement urbain.
Les limaces et les escargots constituent le groupe le plus tolérant à l’urbanisation et ont été observés plus souvent dans les zones construites de Los Angeles que dans les espaces naturels autour de la ville. Ces animaux qui aiment l’humidité pourraient tirer parti de la tendance des gens à arroser leurs cours et leurs jardins tout au long de l’année dans le climat aride du sud de la Californie.
En revanche, les papillons et les papillons de nuit sont les moins tolérants à l’urbanisation. L’équipe de recherche estime que ce phénomène peut s’expliquer par le manque de plantes hôtes pour ces espèces dans les zones les plus construites, mais qu’il est possible d’y remédier par une planification et une restauration minutieuses.
À la surprise générale, l’équipe a constaté que « certaines parties des zones urbanisées de Los Angeles étaient composées d’espèces indigènes considérées comme plus intolérantes à la ville ou associées aux zones sauvages », indique Joseph Curti (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), membre de l’équipe de l’étude et étudiant de cycle supérieur à l’Université de la Californie à Los Angeles. « Ces foyers d’espèces indigènes montrent qu’il existe encore des endroits dans la ville où l’on peut observer des espèces indigènes intéressantes et diversifiées. »
Source : [1] Boakes Z. et coll. « The importance of urban areas in supporting vulnerable and endangered mammals (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». Urban Ecosystems 2024.
[2] Curti J.N. et coll. « Using unstructured crowd-sourced data to evaluate urban tolerance of terrestrial native animal species within a California Mega-City (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». PLoS ONE 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/06/city-life-offers-surprising-opportunities-for-some-endangered-species/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Suivez-nous sur :
🖤 Twitter (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) 💙 LinkedIn (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) 💜 Instagram (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).