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Juste sous les vagues se trouve un énorme écosystème d’une valeur de plusieurs milliards de dollars

Jusqu’à présent, il n’existait pas d’estimations rigoureuses de la valeur des forêts de varech. Lorsqu’une équipe de recherche a récemment fait le compte, elle est arrivée à un chiffre de 500 milliards de dollars par an.

Par Emma Bryce (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les luxuriantes forêts de varech (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) qui bordent les côtes du monde entier sur de longues distances fournissent des services écosystémiques considérables qui profitent à l’humanité à hauteur de 500 milliards de dollars par an. 

Ce chiffre frappant provient de la première évaluation économique mondiale de ces macroalgues, qui révèle que la valeur de ces écosystèmes est largement sous-estimée dans nos vies, notamment lorsque ceux-ci offrent un habitat propice à la pêche et qu’ils absorbent la pollution azotée.

Il existe plus de 100 espèces de varech, dont certaines atteignent la taille des plus grands arbres de la forêt tropicale, et qui habitent 25 % (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) des côtes de la planète. Depuis des millénaires, les humains utilisent le varech lui-même comme source de nourriture ou comptent sur lui pour préserver la biodiversité marine que ces écosystèmes ressemblant à des fourrés abritent. Le varech a également une importance culturelle (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et récréative. Pourtant, il n’existait à ce jour aucune estimation rigoureuse de sa valeur, ce qui pose problème, car nous n’avons aucune idée des coûts cachés qu’engendrerait la disparition de ces forêts sous-marines.

L’évaluation économique de ces écosystèmes « n’est qu’un outil de plus pour que les gens comprennent l’importance de ces écosystèmes et pour que nous puissions la communiquer », déclare Aaron Eger, spécialiste des sciences de la mer à l’Université de la Nouvelle-Galles du Sud, et auteur principal de la nouvelle étude de Nature Communications

M. Eger et son équipe sont parvenus à leurs estimations en commençant par cartographier la présence des six principaux genres de varech dans tout l’océan, du Pacifique Nord à l’Atlantique Sud. Ensuite, pour chaque type de varech et chaque région, ils ont pu estimer la contribution de ces forêts à trois services écosystémiques clés : la création d’un habitat propice à la pêche, l’absorption de la pollution azotée et la séquestration du carbone (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). (Le varech a bien d’autres fonctions, notamment celle de protéger les côtes lors de tempêtes, mais cette question dépasse la portée de l’étude.)

En se fondant sur les taux actuels du marché – c’est-à-dire le montant à payer en 2020 pour un crédit carbone et pour la réduction de la pollution, ainsi que le prix payé aux pêcheurs pour leurs prises – l’équipe de recherche a alors pu attribuer une valeur à ces services écosystémiques.

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À partir de cet ensemble de données, l’équipe a calculé que chacun des six genres de varech produisait des services d’une valeur potentielle comprise entre 64 400 et près de 150 000 dollars par hectare et par an, soit trois fois plus que la valeur par hectare estimée dans les études antérieures. Au total, la valeur des forêts de varech dans le monde se situe entre 465 et 562 milliards de dollars par an. En moyenne, cela représente un montant non négligeable de 500 milliards de dollars par an. 

Ce sont les poissons et la capture de l’azote (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) qui expliquent principalement ce chiffre. La pêche commerciale d’espèces de poissons qui n’existeraient pas sans l’habitat de varech s’élève à une valeur potentielle de près de 30 millions de dollars par hectare de forêt de varech, par an. Parallèlement, le plus grand avantage économique provient de la capacité des frondes de varech à absorber la pollution azotée, ce qui représenterait près de 74 millions de dollars par hectare et par an en coûts de dépollution potentiels. 

La quantité de carbone (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) que les forêts de varech emprisonnent s’est avérée plus délicate à évaluer, parce que les estimations scientifiques évoluent encore quant à la part du carbone que le varech séquestre dans ses frondes et qui est ensuite libérée lorsque les algues s’échouent sur le rivage et se décomposent, ou qui est contenue de manière permanente lorsque le varech sombre dans les profondeurs de la mer. 

Pour contourner ce problème, l’équipe de recherche a effectué un calcul très prudent, considérant ce qui se passerait si seulement 10 % du carbone absorbé par le varech y était définitivement enfermé. Elle a déterminé qu’au cours d’une période de 30 ans, les forêts de varech mondiales pourraient donc emprisonner entre 14 et 292 mégatonnes de carbone, ce qui place ces écosystèmes sur un pied d’égalité avec d’autres écosystèmes tels que les herbiers marins et les forêts terrestres. 

Ce potentiel en matière de séquestration de carbone ne représente que l’avantage économique le plus faible des trois services écosystémiques étudiés – seulement 163 dollars par hectare et par an – en partie à cause de la faible valeur marchande des crédits de carbone. L’équipe de recherche rappelle qu’il ne faut pas évaluer les écosystèmes uniquement en fonction de leur potentiel de compensation carbone, car cette approche limite notre appréciation de l’ensemble des avantages qu’ils procurent.  

Tout au long de l’étude, l’équipe de recherche présente l’énorme contribution économique du varech uniquement comme un avantage « potentiel ». La principale raison en est qu’on n’attribue actuellement aucune valeur économique réelle à la plupart des services écosystémiques que procure le varech. On n’accorde officiellement aucune place sur les marchés à son potentiel de dépollution, d’approvisionnement en poissons ou de stockage de carbone. À bien des égards, on considère actuellement ces services comme acquis. Pourtant, si le varech venait à disparaître, nous aurions sans aucun doute à payer des coûts immenses pour les pêches perdues, la dépollution et les conséquences climatiques résultant de l’augmentation des émissions de carbone. 

L’équipe de recherche espère que l’attribution d’une valeur financière à ces services – en plus de la valeur culturelle, récréative et sociale intrinsèque du varech – renforcera l’élan en faveur de la protection de ces forêts. « Alors que les gouvernements et les entreprises du monde entier cherchent à accroître l’“économie bleue (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)”, je pense qu’il existe aujourd’hui une belle occasion de valoriser la nature, affirme M. Eger. Quand on dispose de tels chiffres d’évaluation, on peut commencer à investir dans la nature et à la protéger – ces mesures s’appliquent, en l’occurrence, pour les forêts de varech. »

Eger et coll. « The value of ecosystem services in global marine kelp forests (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». Nature Communications. 2023.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2023/05/theres-a-massive-multi-billion-dollar-ecosystem-just-beneath-the-waves/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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