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La culture d’arbres et de plantes en vue d’atténuer le changement climatique contribue-t-elle ou nuit-elle à la biodiversité?

Tout dépend de ce qu’on cultive et de l’endroit où on le fait, selon une nouvelle étude.

Par Warren Cornwall (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Le changement climatique et la diminution de la biodiversité sont deux des plus grands problèmes environnementaux auxquels le monde fait face. Or, en s’attaquant à l’un, on risque d’aggraver l’autre.

On tente actuellement d’extraire les gaz à effet de serre de l’air en augmentant la quantité de plantes consommatrices de carbone qui recouvrent la planète. Des arbres sont ainsi plantés sur les vestiges d’anciennes forêts ou dans des endroits aujourd’hui couverts d’herbe. Des cultures telles que le panic érigé (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) sont développées en vue de remplacer les combustibles fossiles comme source d’énergie.

Si les animaux dépendent souvent des espaces verts pour vivre, cela ne signifie pas que l’accroissement de la végétation profite toujours à la faune. Selon les espèces plantées et l’endroit où elles sont plantées, leurs effets sur la faune peuvent s’avérer radicalement différents, car elles peuvent soit nuire, soit profiter aux animaux qui vivent dans ces zones, d’après une nouvelle étude (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) parue dans la revue Science.

« En ce qui concerne leurs effets sur la biodiversité, ces stratégies ne sont pas toutes équivalentes. Il est essentiel que, dans nos efforts pour lutter contre le changement climatique, nous n’aggravions pas par inadvertance la crise de la biodiversité », estime Jeffrey Smith (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), chercheur postdoctoral au High Meadows Environmental Institute (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) de l’Université de Princeton.

Ces réflexions surviennent à un moment où l’on s’efforce de plus en plus de trouver des moyens d’endiguer le flot de dioxyde de carbone que nous déversons chaque jour dans l’atmosphère. Malgré l’essor des énergies renouvelables, l’appétit continu du monde pour les combustibles fossiles motive les efforts pour emmagasiner la pollution dans toutes sortes d’endroits, notamment les océans, les marais (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), le sous-sol et les plantes (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

Afin de comprendre ce que cela pourrait signifier pour la biodiversité, Jeffrey Smith et ses collègues ont examiné de plus près les incidences que pourraient avoir sur les animaux certaines des principales stratégies de culture végétale. Ils ont établi une liste de plus de 14 000 vertébrés du monde entier, accompagnée de renseignements sur leur type d’habitat et de cartes indiquant les lieux où se trouvent ces habitats. L’équipe de recherche a ensuite superposé à ces données des estimations de tous les endroits où l’on pourrait planter des arbres ou cultiver des plantes bioénergétiques d’ici 2050, à l’exclusion des lieux où se trouvent déjà des forêts ou qui font l’objet d’une agriculture intensive. Il restait donc divers espaces ouverts tels que les prairies, les pâturages et d’autres terres légèrement cultivées qui étaient autrefois des forêts ou des prés.

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Les scientifiques ont également intégré de l’information sur la manière dont le changement climatique pourrait entraîner l’expansion ou le rétrécissement de l’habitat, et dont chacune des stratégies de réduction de la pollution modifierait la taille de l’habitat disponible d’ici le milieu du siècle.

D’une manière générale, la plantation d’arbres surpassait les cultures bioénergétiques en ce qui concerne les avantages pour la faune et la flore dans les endroits où l’une ou l’autre de ces stratégies pouvait être mise à l’essai. L’équipe a constaté que sur 96 % de ces terres, les arbres offraient plus d’habitats que les cultures telles que le panic érigé pour les espèces qui vivaient là. Sur 78 % des terres où des cultures bioénergétiques pourraient pousser, le meilleur scénario d’habitat pour les animaux consistait à laisser la terre en l’état.

Si la plantation de nouveaux arbres est généralement plus avantageuse, elle n’est pas toujours homogène. Dans l’ensemble, la stratégie gagnante était le reboisement, c’est-à-dire la replantation d’arbres sur des terres précédemment recouvertes de forêts. Comme de nombreux animaux de la région vivaient déjà dans la forêt, la renaissance des forêts s’est avérée bénéfique, selon l’analyse. La majorité des animaux sauvages ont vu leur habitat croître grâce à la plantation directe et à la réduction du réchauffement climatique.

En revanche, la plantation d’arbres dans les savanes et d’autres endroits qui n’étaient pas des forêts à l’origine était plus susceptible d’avoir un effet global négatif. Plus de 70 % des régions du monde où de nouvelles forêts seraient généralement néfastes pour l’habitat faunique correspondaient à cet habitat naturellement ouvert. Tout avantage supplémentaire pour le climat était annulé par les dommages causés par les nouvelles plantations.

Ces résultats sont intuitifs – en effet, il est plus probable que les espèces réagissent bien à la création d’un habitat qu’elles connaissent déjà et auquel elles sont adaptées qu’elles ne le fassent à la création d’un paysage qui ne leur est pas familier.

L’étude met aussi en évidence une leçon de la nature que les humains ne cessent d’apprendre, même s’ils ne la retiennent pas toujours : il faut être très prudent lorsque l’on modifie la nature pour résoudre un problème, car on risque du même coup de créer un autre problème.

« Peu d’écologistes doutent que la lutte contre le changement climatique soit bénéfique pour la biodiversité », affirme Jonathan Levine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), un chercheur de l’Université de Princeton qui a également collaboré à la nouvelle étude. « Cependant, notre étude montre qu’il ne suffit pas d’atteindre le niveau zéro. La manière dont nous y parvenons est aussi importante. »

Source : Jeffrey Smith et coll., « Variable impacts of land-based climate mitigation on habitat area for vertebrate diversity », Science, 23 janvier 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/does-growing-more-trees-and-plants-to-mitigate-climate-help-or-hurt-the-biodiversity-crisis/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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