Piégeage du carbone ou nouveaux carburants : quelle est la voie la plus économique vers une aviation climatiquement neutre?
Une récente étude définit les conditions nécessaires pour que les carburants synthétiques, coûteux mais prometteurs sur le plan environnemental, offrent la meilleure trajectoire de vol.
Par Sarah DeWeerdt (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Le transport aérien est très difficile à décarboner : les améliorations du rendement peuvent en effet réduire les émissions de carbone par kilomètre parcouru, mais sont neutralisées par l’augmentation du nombre de personnes qui prennent l’avion, les biocarburants qui nécessitent d’énormes étendues de terres (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), et le fait que les avions fonctionnant à l’hydrogène et à l’électricité ne seront pas prêts à être utilisés à grande échelle avant un certain temps.
Dans une nouvelle étude, des spécialistes analysent ce qu’ils considèrent comme les seules solutions envisageables face à l’ampleur du problème : extraire le carbone de l’air et le stocker sous une forme permanente, ou extraire le carbone de l’air et l’utiliser pour fabriquer du carburéacteur synthétique.
« Jusqu’à présent, les carburants synthétiques véritablement “verts” étaient considérés comme trop chers et trop énergivores pour constituer une solution pratique en matière d’aviation », explique Nicoletta Brazzola (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), membre de l’équipe ayant réalisé l’étude et chercheuse postdoctorale à l’ETH Zurich, en Suisse. « En conséquence, les compagnies aériennes se sont de plus en plus tournées vers l’élimination du dioxyde de carbone pour compenser leurs émissions. »
Or, le carburant synthétique présente d’importants avantages environnementaux par rapport à l’élimination du dioxyde de carbone : il réduit les nuages de traînée de condensation qui réchauffent le climat et répond à l’objectif sociétal plus large consistant à limiter l’utilisation des combustibles fossiles dans l’économie.
Mme Brazzola et ses collaborateurs ont comparé les coûts et les avantages des deux stratégies au regard de l’économie et des politiques publiques, en recherchant les conditions qui rendraient le carburéacteur synthétique compétitif sur le plan des coûts.
Si l’objectif est d’atteindre la carboneutralité, c’est-à-dire d’éliminer les émissions de dioxyde de carbone associées à l’aviation, le stockage du carbone se révèle moins coûteux, rapporte l’équipe de recherche dans la revue Nature Communications. Le carburant synthétique est cher principalement parce que sa production nécessite beaucoup d’énergie et d’équipement.
Toutefois, si l’objectif est plus ambitieux, à savoir la neutralité climatique, la stratégie de conversion du dioxyde de carbone en carburéacteur l’emporte sur le plan des coûts. En effet, environ deux tiers de l’impact des vols sur le climat proviennent de sources autres que le dioxyde de carbone, notamment les traînées de condensation.
D’autres efforts sont en cours pour réduire l’impact de l’aviation sur le climat, et il pourrait exister des compromis entre ces approches (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). Selon l’équipe, l’ajout de stratégies telles que la baisse de la demande de transport aérien et la modification des trajectoires de vol (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour éviter la formation de traînées de condensation rend le carburant synthétique moins attrayant du point de vue des coûts.
En revanche, une électricité bon marché ou des combustibles fossiles coûteux font pencher l’analyse coûts-avantages en faveur du carburant synthétique.
En ce qui concerne le prix que paierait un passager individuel pour un vol carboneutre ou climatiquement neutre, le surcoût du carburant synthétique dépasse à peine celui du stockage du carbone. Les carburants synthétiques augmenteraient le prix des billets d’environ 50 % par rapport au kérosène fossile classique – une proportion étonnamment modeste, selon Nicoletta Brazzola, qui se situe « dans la fourchette des fluctuations saisonnières du prix des billets ».
Cela dit, ces résultats n’améliorent pas la situation générale du transport aérien et du changement climatique. « Voler moins reste l’un des moyens les plus efficaces de réduire l’impact de l’aviation sur le climat à court terme », affirme la chercheuse. À plus long terme, « les carburants synthétiques et l’élimination du carbone joueront probablement un rôle important » dans la décarbonation de l’industrie, « mais une baisse de la demande de transport aérien diminuerait considérablement l’ampleur des technologies nécessaires, ce qui rendrait le défi plus gérable ».
Source : Nicoletta Brazzola et coll., « The role of direct air capture in achieving climate-neutral aviation (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) », Nature Communications, 2025.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/what-is-the-cheapest-route-to-climate-neutral-aviation-carbon-capture-or-new-fuels/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).