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L’être humain pourrait aider les papillons à déjouer le réchauffement climatique, indique une audacieuse nouvelle expérience

Des scientifiques veulent cultiver de nouvelles forêts en altitude pour les papillons. Mais l’exercice prendra un demi-siècle, ce qui complique légèrement les choses.

Par Warren Cornwall (Opens in a new window)

Tous les ans, des centaines de millions de monarques, répartis sur plusieurs générations, se rendent dans les hautes montagnes du centre du Mexique. Là-bas, ils hivernent en s’accrochant aux branches du sapin Abies religiosa, formant d’immenses rideaux de papillons orange et noir.

Or, le réchauffement climatique menace ce miracle migratoire. Au cours des prochaines décennies, on s’attend en effet à ce que les températures grimpent trop pour que les forêts de ce sapin vénéré puissent survivre, et ce, même au sommet des montagnes où il pousse à l’heure actuelle. Néanmoins, une expérience récente donne à penser que cet habitat rare pourrait échapper à son sort si les humains aidaient les arbres à effectuer leur propre migration.

« À l’ère de l’anthropocène, il est possible d’établir des peuplements d’Abies religiosa en haute altitude, créant par le fait même des lieux d’hivernage pour les monarques migrateurs dans le contexte du réchauffement climatique », a expliqué une équipe de recherche le 18 octobre (Opens in a new window) dans Frontiers in Forests and Global Change.

L’expérience visant à tester la capacité à faire pousser des plantations d’arbres pouvant accueillir des papillons illustre les mesures désespérées à l’étude pour s’attaquer à deux problèmes interdépendants découlant des changements climatiques. Le premier est la nécessité pour les plantes (Opens in a new window) et les animaux (Opens in a new window) de se déplacer lorsque leur habitat actuel devient inhospitalier. Le second est le sort réservé aux organismes de haute altitude qui sont en fait piégés dans des îlots de plus en plus petits et incapables d’échapper à la chaleur qui gagne les sommets montagneux où ils ont élu domicile.

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Pour les monarques, les forêts d’Abies religiosa atteignent actuellement leur maximum à environ 3 500 mètres d’altitude sur les sommets des pics se trouvant dans la réserve de biosphère du papillon monarque, soit une zone de 56 000 hectares protégée de l’exploitation forestière et d’autres menaces. Or, d’ici la fin du siècle, on prévoit que la quasi-totalité de cette zone sera trop chaude et trop sèche pour abriter des forêts. Les monarques dépendent des peuplements denses d’arbres qui les protègent de la pluie et du froid lorsqu’ils se blottissent les uns contre les autres pour survivre pendant l’hiver.

À environ 75 kilomètres au sud-est, le volcan éteint Nevado de Toluca offre une possibilité alléchante. Il culmine à plus de 4 600 mètres, soit une altitude supérieure à celle dont les arbres ont besoin pour vivre, même à la fin de ce siècle.

Mais une forêt ne pousse pas du jour au lendemain. Si les conservationnistes veulent créer une forêt en altitude pour accueillir les monarques, il leur faudra près d’un demi-siècle. Il s’agit donc d’un exercice délicat. Est-il possible de faire pousser cet arbre dès maintenant à des altitudes plus élevées que celles qui sont optimales à sa croissance en prévision des températures des prochaines décennies?

Pour le déterminer, une équipe de recherche du Mexique a récolté des semences dans la forêt existante. En 2021, elle a planté des centaines de semis à différentes altitudes sur le flanc nord-est du Nevado de Toluca. Elle a ensuite observé la croissance des arbres. Même sur le site le plus élevé, à 4 000 mètres, près de la moitié des arbres ont survécu, bien qu’ils aient à peine poussé et qu’ils aient été endommagés par le gel. Un peu plus bas, à 3 800 mètres, les résultats semblaient plus prometteurs : deux tiers des semis ont survécu et ils présentaient une hauteur et une masse respectivement inférieures de 54 % et de 27 % à celles des arbres plantés à 3 400 mètres, c’est-à-dire à peu près à la même hauteur que celle de leur lieu de provenance dans la réserve de monarques.

Les résultats sont suffisamment encourageants pour envisager la plantation d’une forêt d’Abies religiosa à une altitude comprise entre 3 600 et 3 800 mètres sur cette nouvelle montagne, a affirmé l’équipe de recherche.

« Ces nouveaux peuplements d’arbres pourraient à terme servir de lieux d’hivernage pour le monarque dans des conditions climatiques plus chaudes », a déclaré Cuauhtémoc Sáenz-Romero (Opens in a new window), auteur principal de l’étude et chercheur à l’Universidad Michoacana de San Nicolás de Hidalgo, au Mexique.

Les sites expérimentaux sont toutefois très éloignés des forêts denses qui servent actuellement de havre aux papillons. Les groupes de protection de la nature et les gestionnaires des terres doivent adopter cette stratégie en se lançant dans un programme de plantation massive. Et, bien sûr, il faudra persuader les papillons de voler un peu plus loin et de changer de destination migratoire.

Certains signes indiquent que ce phénomène est déjà en cours.

« Ces dernières années, les monarques ont établi d’importantes nouvelles colonies dans des zones plus froides du Nevado de Toluca, ce qui semble indiquer qu’ils sont déjà à la recherche de nouveaux endroits pour passer l’hiver, observe M. Sáenz-Romero. Nous espérons que les monarques découvriront notre site de plantation une fois que les semis auront atteint leur pleine hauteur. »

Sáenz-Romero et coll., « Establishing monarch butterfly overwintering sites for future climates: Abies religiosa upper altitudinal limit expansion by assisted migration », Frontiers in Forests and Global Change, 18 octobre 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/10/a-bold-new-experiment-suggests-humans-could-help-butterflies-outrun-global-warming/ (Opens in a new window)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).

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