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L’emploi de fonds de secours pour restaurer les récifs doit être justifié financièrement, et c’est à ce travail mathématique que s’est attelée une équipe de recherche.

Une nouvelle étude révèle que la restauration des récifs coralliens, plutôt que la construction de digues et de brise-lames artificiels, pourrait réduire les dommages causés par les inondations de plusieurs centaines de millions de dollars.

Par Warren Cornwall (Opens in a new window)

Les inondations peuvent faire couler autant d’argent que d’eau. Des milliards de dollars affluent vers les régions touchées par les tempêtes provoquées par les ouragans et les pluies diluviennes.

Une partie de ces fonds pourrait être consacrée à des infrastructures naturelles qui réduisent les menaces futures tout en soutenant les écosystèmes. Mais pour que ces solutions « vertes » s’imposent face aux murs de béton et de pierre, qui demeurent la réponse par défaut, il ne suffit pas d’en vanter les avantages. Les adeptes de ce type d’approche doivent également démontrer qu’il est financièrement viable pour que des organismes tels que le Corps du génie de l’armée américaine ouvrent leur portefeuille.

C’est ce que viennent de faire des scientifiques travaillant en Floride et à Porto Rico. Une nouvelle étude (Opens in a new window) parue dans Science Advances montre que la restauration des récifs pourrait réduire les dommages futurs de centaines de millions de dollars, et que les avantages économiques dépassent les coûts à partir de 200 kilomètres de récifs.

« La plupart des fonds destinés à l’atténuation des risques et à la reprise après sinistre sont consacrés à des infrastructures artificielles telles que les ouvrages de protection qui dégradent la nature. En faisant valoir les avantages des infrastructures naturelles, nous rééquilibrons les forces en présence et ouvrons de nouvelles voies de financement pour la restauration des récifs », estime Michael Beck, directeur du Center for Coastal Climate Resilience (Opens in a new window) de l’Université de la Californie à Santa Cruz, qui a mené cette nouvelle étude en collaboration avec des scientifiques de l’U.S. Geological Survey et de la National Oceanic and Atmospheric Administration.

Dans les Caraïbes, les destructions causées par les deux ouragans successifs Irma (Opens in a new window) et Maria (Opens in a new window), en 2017, ont suscité un intérêt pour la recherche de moyens plus naturels de renforcer la protection des côtes. Ces catastrophes ont donné lieu à des projets de prévention des inondations côtières d’une valeur approximative de 10 milliards de dollars. Mais pour pouvoir bénéficier d’un financement fédéral visant à réduire les dommages causés par les tempêtes à venir, les projets doivent inclure une analyse démontrant qu’ils permettront de réaliser des économies supérieures aux coûts. L’équipe de scientifiques indique que cela n’a jamais été fait pour les solutions de rechange naturelles aux digues et aux brise-lames artificiels.

C’est précisément l’objectif que l’équipe s’est fixé pour les récifs qu’elle qualifie d’« hybrides », à savoir des fondations artificielles (Opens in a new window) surmontées de coraux vivants. À l’aide de cartes détaillées de plus de 1 000 kilomètres de côtes en Floride et à Porto Rico, ainsi que de modèles montrant comment les eaux de crue se déplaceraient dans le paysage avec et sans ces récifs, elle a créé une représentation, maison par maison, des dommages causés par les inondations selon différents scénarios.

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Les récifs sont depuis longtemps reconnus comme des barrières naturelles contre les tempêtes et les vagues. Il suffit de regarder les vagues déferler sur les récifs, tandis que les eaux intérieures restent calmes, pour s’en rendre compte. La nouvelle analyse a montré que la reconstruction des récifs le long de toute cette côte pourrait réduire de près de 20 kilomètres carrés la superficie des terres inondées par un ouragan majeur, une inondation qui se produirait environ une fois par siècle. En cas de tempêtes d’intensité variable, les récifs protègent en moyenne plus de 3 000 personnes contre les inondations et réduisent les dommages causés aux structures de 180 millions de dollars ainsi que les pertes économiques de 210 millions de dollars.

Dans de nombreux endroits, les avantages économiques n’ont pas suffi à compenser le coût de construction des récifs, estimé à 3 millions de dollars par kilomètre. Mais ce fut un gain net sur plus de 200 kilomètres de côtes, où sont concentrées les populations et les infrastructures. Certains des plus grands bénéficiaires vivent dans des zones de développement très dynamiques du sud de la Floride, dans les comtés de Palm Beach, Broward et Miami-Dade.

Ce modèle permet de « mesurer quand et comment il est rentable de s’adapter » à ces récifs, explique Borja Reguero, un scientifique de l’Université de la Californie à Santa Cruz qui participe à l’étude.

Et les avantages ne profitent pas seulement aux millionnaires de Palm Beach qui possèdent des villas sur le bord de la mer. Les scientifiques ont découvert que les maisons situées le long des plages sont souvent inondées. En revanche, les personnes vivant à une courte distance de la plage sont hors de portée des vagues. Comme la valeur des propriétés et la richesse des habitants sont souvent proportionnelles à leur proximité de la plage, les scientifiques ont constaté que, dans l’ensemble de la population d’une région, les récifs profitaient davantage aux personnes pauvres (256 %), aux aînés (261 %) et aux personnes de couleur (239 %).

Mais une telle approche n’est pas sans inconvénient. Dans la foulée des changements climatiques, les vagues de chaleur sous-marines ont dévasté les coraux des Caraïbes (Opens in a new window), ce qui soulève des questions quant à la survie des coraux sur ces nouveaux récifs.

Selon les scientifiques, cette étude pourrait néanmoins servir de modèle pour mobiliser des fonds destinés à la protection des infrastructures naturelles, non seulement sur les côtes floridiennes, mais également dans d’autres régions du monde. Elle pourrait aussi être utile aux personnes souhaitant construire des dunes, des marais, des forêts de mangroves ou des récifs d’huîtres pour retenir l’eau autrement qu’avec du béton.

Storlazzi, et coll., « Hybrid coral reef restoration can be a cost-effective nature-based solution to provide protection to vulnerable coastal populations », Science Advances, 15 janvier 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/to-unlock-disaster-funding-for-reef-restoration-it-has-to-make-financial-sense-researchers-just-did-the-math/ (Opens in a new window)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (Opens in a new window). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (Opens in a new window), la Durabilité à l’Ère Numérique (Opens in a new window) et le pôle canadien de Future Earth (Opens in a new window).

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