Finale du Grand Prix Grenoble : Voyage en coulisses…
Que vous soyez présent dans la patinoire, ou devant un écran, il existe un certain nombre de choses que vous ne voyez jamais. Patinage Magazine vous offre un voyage dans les coulisses des plus prestigieuses compétitions de la saison.
La première chose que vous ne voyez pas et qui, pourtant, est de première importance : l’énorme logistique nécessaire à l’organisation d’une compétition internationale. C’est un travail de titan. A commencer par celui qui consiste à entretenir la glace. Des dizaines de personnes y sont affectées, des conducteurs de resurfaceuses, aux “boucheurs de trous” armés de leur neige, sel, pelle, et seau. Le resurfaçage est obligatoire plusieurs fois par jour, entre les différentes épreuves, mais aussi entre les séances d’entraînements. A Grenoble, les patineurs se sont entraînés, lors de sessions officielles, sur la glace servant à la compétition. Pas la moindre trace de lame ne doit subsister. Particularité qui mérite d’être signalée : les spécialistes grenoblois de la glace, comme leurs homologues de Courchevel, sont reconnus dans le monde entier. Ils sont régulièrement appelés à travailler lors d’autres compétitions de renom à l’étranger, dont les Jeux Olympiques. La patinoire Pôlesud est le domicile attitré d’une fameuse équipe de hockey, les Brûleurs de Loups. (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)La glace n’est pas la même pour le hockey et pour le patinage artistique, question de dureté et d’élasticité. Il faut savoir préparer les deux. Les Brûleurs de Loup partagent les lieux avec le club du GIMP (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) (Grenoble Isère Métropole Patinage), dont le plus célèbre membre actuel est Kevin Aymoz. La patinoire de Grenoble est l’une des plus grandes de France avec 3500 places assises, une piste sportive de 1800 m² à l’entresol et une autre, dite ludique, de 1500 m² au rez-de-chaussée. Ce qui lui permet d’être homologuée par l’I.S.U. pour les plus grandes compétitions mondiales. Une telle capacité demande aussi la présence d’une importante équipe d’hôtes d’accueil et de personnel de sécurité. L’accueil est assuré par des bénévoles qui passent l’intégralité de la compétition debout ou derrière des portes. Il faut vraiment aimer le patinage pour ainsi se dévouer ! Cette année, nous avons eu la surprise de découvrir Loïcia Demougeot parmi eux, au contrôle des billets d’entrée. Certains de ses coéquipiers Elite étaient peut-être également présents, qu’ils m’excusent si je ne les ai pas vus. La sécurité est assurée par un prestataire de service. Des vigiles sont présents aux entrées du public, des patineurs, des officiels, et de la presse. Ils sont aussi présents dans les coursives et les “entrailles” de la patinoire, où ils surveillent les allées et venues de tout le monde. Les zones de travail des différents corps présents sont délimitées, personne ne peut pas aller partout. Je salue le professionnalisme de ces vigiles, mais aussi leur amabilité. Ils et elles (on compte beaucoup de femmes ce qui est un plus) sont courtois, et serviables. C’est très loin d’être le cas partout… Leur tâche est pourtant ingrate. J’ai vu un jeune monsieur en poste deux jours de suite de 9h du matin à 23h30 à l’entrée de la salle de presse, en plein courant d’air glacé, sans jamais se départir de son sourire. Bonjour, au revoir et merci adressés à ces travailleurs discrets sont des mots indispensables.
La télévision : c’est le “poids lourd” des media. Pas moins de trois camions régies stationnent sur le parking situé derrière Pôlesud. Celui d’AMP Visual TV, distributeur d’images, mesure 16,50 mètres de long, près de 4 mètres de haut et 5,10 mètres de large lorsque son haillon latéral est baissé. Un monstre, équipé de 40 caméras, 10 enregistreurs haute définition, 1 table de mixage audio, 1 table de mixage vidéo, 8 serveurs multimedia UHD, 1 système intercom super sophistiqué, soit un véritable laboratoire hi-tech. Merci à ses occupants pour la visite et les précisions. Je ne connais pas le nombre de techniciens engagés dans le processus, mais il doit être très important. Qu’ils soient enfermés devant un écran dans leur camion, en train de tirer des câbles ou de manoeuvrer des caméras dans la patinoire, ils représentent une armée de fourmis qui n’arrête jamais de travailler. Sans jamais gêner personne, ce qui est un exploit. La télévision ne serait rien sans les éclairagistes. Ils sont, le plus souvent, issus du milieu du spectacle, et doivent respecter un cahier des charges hyper exigeant.
La presse : nouveauté pour cette Finale, nous bénéficions d’une vraie tribune de presse dédiée, et d’une grande salle ! L’ancienne était située sur le parking Est, elle sert habituellement aux Brûleurs de Loups pour leur préparation physique. Elle est petite et nous obligeait à traverser le parking, ce qui n’est pas difficile en soi, mais très désagréable les jours de mauvais temps. Cette année c’est… la patinoire publique qui nous est réservée, entièrement recouverte de dalles de caoutchouc et chauffée agréablement. La zone est divisée en quatre parties : la salle de presse (en haut sur la photo), la salle d’échauffement des patineurs (en bas), la salle des conférences de presse, et le mess des officiels et patineurs.
Notre tribune se situe au deuxième étage, juste au-dessus du Kiss & Cry, avec une belle vue plongeante sur la glace, équipée des tables et prises qui nous manquaient auparavant, lorsque nous étions dans le virage nord, au milieu du public. Dans cette tribune sont mis à notre disposition des écrans d’ordinateur branchés sur le réseau interne I.S.U., qui nous permettent de voir la notation des juges en temps réel : l’équivalent du panneau dans le coin supérieur gauche de votre propre écran de télévision ou d’ordinateur, indiquant par des carrés verts ou rouges la qualité globale des éléments. Les écrans I.S.U. offrent un nombre de détails beaucoup plus important, ainsi que la possibilité de comparer les scores détaillés des patineurs entre eux. Le système est très bien fait, et précieux lorsque nous avons raté l’exécution d’un élément parce que nous étions en train de prendre des notes ! Bien que la Finale du Grand Prix soit un évènement important, nous sommes assez peu nombreux dans cette salle et cette tribune. La raison ? Il semble que nos homologues dédaignent Grenoble qu’ils et elles trouvent trop éloignée de la capitale, avec obligation de prendre le train. “On a peur de vos grèves !” m’a soufflé une collègue canadienne absente, alors qu’elle était présente… à Angers.
Les accréditations presse, comment ça marche ? C’est une question qui nous a été plusieurs fois posée, voici la réponse. Elles sont délivrées par l’I.S.U. pour les compétitions qu’elle gère. La fédération internationale dispose d’un site dédié, l’O.M.A.S. (Online Media Accreditation System) sur lequel sont enregistrés nos identitées, photo, numéro de passeport, adresse, N° de carte de presse. De nombreux autres documents sont à fournir ou à mettre à jour chaque année : nom et adresse du media que nous représentons avec lettre de référence de notre rédacteur/trice en chef ; liens vers nos réseaux sociaux professionnels ; trois exemplaires de nos reportages les plus récents par lien ou au format *pdf. L’enregistrement de ces informations donne accès à un calendrier des compétitions où nous devons cocher celles où nous souhaitons assister. Deux possibilités : l’accréditation “physique” lorsque nous nous déplaçons, ou le “remote access”, accréditation à distance par vidéo interposée. L’accréditation à distance nous donne accès aux patineurs via la Mixed Zone et les conférences de presse. Il est ainsi possible de réaliser des interviews tout en restant à la maison. Le système a été mis en place lors des restrictions sanitaires, lorsque certaines compétitions se déroulaient à huis clos et/ou qu’il était impossible de voyager. Les questions sont triées par un modérateur, et posées après celles des journalistes en présentiel s’il reste du temps. Ce n’est pas toujours le cas, les patineurs ayant une foule d’obligations à respecter. Mais c’est néanmoins un excellent moyen de travailler. Toutes les demandes d’accréditation en présentiel ne peuvent pas être honorées, les places en salle et tribune de presse étant toujours limitées. Les murs des patinoires ne sont pas élastiques, ils ne peuvent pas être repoussés pour faire de la place ! La surface consacrée à cette salle n’est pas toujours la même non plus en fonction des lieux. A Grenoble pour cette Finale par exemple, la salle était beaucoup plus grande que celle des championnats du Monde de Montréal où nous étions deux à trois fois plus nombreux ! Dans ce cas, travailler en tribune est de rigueur. Les accréditations à distance, qui demandent une logistique informatique particulière, ne sont pas toujours disponibles. Par exemple cette saison, aux championnats du Monde Juniors de Debrecen, elles ne seront pas possibles, le pays hôte ne pouvant fournir les accès Internet suffisants. Attention, les accréditations, quelles qu’elles soient, ne sont un dû pour personne ! Elles sont attribuées en fonction du volume et de la qualité de nos publications, qui sont régulièrement vérifiés en cours de saison par le service presse de l’ISU. Elles nous sont confirmées au plus tard quinze jours avant le début de la compétition. Nous sommes ainsi obligés d’engager des frais d’hébergements et de transport longtemps à l’avance, avec de solides assurances annulation, ce qui coûte toujours moins cher qu’une réservation de dernière minute ! Mais c’est le jeu. Chez Patinage Magazine et Passion Patinage nous payons absolument tout de notre poche, ayant choisi, afin de rester intégralement indépendants, de ne pas avoir de sponsors. Les anciens magazines papier, qui payaient autrefois à la prestation, ont tous disparu, à l’exception de l’Allemand Die Pirouette et de Skating, publication éditée quatre fois par an par la fédération américaine U.S.F.S.A. L’avènement d’Internet a donné l’habitude aux lecteurs d’obtenir l’information en temps réel, ou du moins dans un délai très court, ce que ne permettaient pas les éditions traditionnelles. Tout le monde a dû s’adapter.
Le monde du patinage est petit, on le sait. Celui des media qui l’entourent l’est plus encore. Nous nous connaissons quasiment tous, surtout si nous sommes là depuis de nombreuses années. Beaucoup de journalistes et photographes présents travaillent pour des publications généralistes. Exemple : Céline Nony pour l’Equipe ou le/la représentant/e de l’A.F.P. Céline connaît le patinage par coeur, ce qui n’est pas toujours le cas d’autres reporters qui viennent nous poser des questions techniques. L’ambiance des salles de presse est généralement très conviviale. Nous n’avons pas beaucoup de temps pour discuter, mais les échanges de chocolats du monde entier et les éclats de rire sont fréquents. Il n’est pas non plus rare que journalistes et photographes travaillent pour plusieurs supports à la fois. L’O.M.A.S. laisse d’ailleurs la possibilité de lister plusieurs employeurs. Le ratio hommes/femmes est très équilibré, au contraire de beaucoup d’autres sports. Idem chez les photographes, où le nombre de femmes a considérablement augmenté ces quinze dernières années.
Dans ce petit cercle, les photographes, justement, forment un groupe à part, du fait de leur métier. Leur travail est beaucoup plus difficile que le nôtre. Il leur faut d’abord charrier un matériel lourd et encombrant, appareils, objectifs, trépieds. Eux sont debout pendant l’intégralité de la compétition. Entre la posture et le poids du matériel, le dos souffre, même chez les plus jeunes. Leur place dans la patinoire, différente chaque jour, est déterminée par un “draw” quotidien, un tirage au sort, qui a en général lieu tôt le matin. Les positions en bord de glace sont les plus prisées. Mais il y fait froid ! Et mieux vaut ne pas être une petite dame d’un mètre cinquante coincée entre deux messieurs d’un mètre quatre-vingt-cinq, sinon vous ne voyez rien ! Ceux que le tirage au sort envoie shooter depuis les coursives s’attirent régulièrement les remarques agacées des spectateurs des derniers rangs, gênés par le bruit saccadé et incessant de leurs appareils à moteur. Lesdits appareils permettent la photographie en rafales. Il faut ensuite trier des centaines, voir des milliers d’images. Il est fréquent qu’un/e photographe en enregistre plus de 5000 en une journée. Le tri, et la retouche quand elle est nécessaire, prennent beaucoup plus de temps qu’écrire un article. Le milieu des photographes est plus compétitif que celui des reporters. Trouver une agence ou une publication qui vous emploie est très aléatoire. Les photographes sportifs sont nombreux, les agences et publications rares, et extrêmement exigeantes. Le matériel photographique est terriblement onéreux, d’où la quasi obligation d’être salarié/e ou prestataire payé/e. En Mixed Zone, il leur faut parfois se bagarrer pour photographier les patineurs car il y a foule, surtout auprès des meilleurs mondiaux.
L’esprit de compétition a longtemps sévi aussi parmi les reporters, en particulier lors de l’avènement des sites Internet. Il s’agissait de se construire une véritable légitimité et ça n’a pas été facile. Certains ont disparu aussi vite qu’ils avaient émergé. D’autres ont connu des ascensions fulgurantes. D’autres encore, ont été mis en sommeil fautes de combattants à l’âme bénévole. L’ambiance a parfois été très stressante, les nouveaux arrivants étant snobés, voire décriés, par les mieux établis, et par la presse écrite sur papier. L’I.S.U. elle-même a eu quelque mal à négocier le virage de modernité du online et du digital. Ces temps sont aujourd’hui révolus. Le stress perdure car il faut travailler beaucoup, vite et de préférence bien ! Mais personne ne s’en plaint, conscient que vivre une compétition de l’intérieur est un vrai privilège.
La Mixed Zone, au fait, c’est quoi ? Il s’agit de l’endroit où les patineurs s’arrêtent pour parler aux media juste après leurs programmes. Située tout de suite à la sortie de la glace, elle est décorée par de grands panneaux où apparaissent le nom des nombreux sponsors de l’I.S.U. et de la compétition. En fonction de leur prestation, tous les patineurs ne s’y arrêtent pas, bien qu’ils soient censés systématiquement le faire. Les absents sont tout de même fort rares, sauf énorme catastrophe dans un programme. Aller poser des questions “à chaud” en Mixed Zone comporte un gros inconvénient : pendant que nous attendons notre tour ou que nous parlons avec les patineurs, d’autres sont déjà sur la glace en train d’exécuter leur programme. Même si un écran de télévision est à disposition, on ne peut pas tout faire à la fois. La plupart des media n’ayant qu’un/e seul/e représentant/e sur place (quota défini par l’I.S.U.), il faut faire des choix. Quelques un/es de nos homologues font celui de rester en permanence en Mixed Zone afin de pouvoir recueillir les impressions de tous les patineurs. Ils et elles s’évitent de monter et descendre sans arrêt des volées d’escalier, mais ne voient pas grand chose de la compétition. Pour contourner l’expédition en Mixed Zone (parfois située à l’autre extrémité de la patinoire) l’I.S.U. offre un système de “Quick Notes” auquel nous pouvons nous référer. Vous pouvez, vous aussi, les consulter sur leur site. A la sortie du Kiss & Cry, les patineurs s’arrêtent d’abord devant les caméras de TV, puis devant le personnel I.S.U. chargé de collecter ces Quick Notes, avant de nous rejoindre dans la Mixed Zone proprement dite. Un/e membre I.S.U. supervise le bon déroulement des opérations en jouant les modérateurs. Nous sommes assez grands pour nous partager équitablement le temps de parole (à l’exception d’un/e ou deux resquilleurs habituels qu’il faut parfois pousser de côté…) mais le modérateur est là pour veiller à une circulation fluide, afin que les patineurs ne s’entassent pas dans les couloirs. Leur temps et leur moral sont précieux, ils sont l’objet de toutes les attentions. La Mixed Zone est souvent divisée en deux aires : une pour la langue du pays hébergeur, l’autre pour l’anglais. Lorsque les patineurs ne parlent pas anglais, une interprète vient à leur secours. Il s’agit la plupart du temps de Tatjana Flade, membre de l’I.S.U. qui est une polyglotte consommée ! De mémoire, elle maîtrise anglais, allemand (sa langue maternelle), suisse allemand, français, russe, chinois, italien, espagnol, et j’en oublie sûrement.
Les conférences de presse : à Grenoble, il n’y en a pas eu après les programmes courts et c’était une première. Il est vrai que lors des Grand Prix et de leur Finale, avec des épreuves concentrées sur trois petites demi-journées, le planning est serré. De plus, ce n’est pas le moment où les patineurs ont le plus de choses à dire, puisqu’il leur reste un programme à réaliser. Seuls les trois premiers/premières sont conviés à ces conférences. Ils nous font face, assis sur une estrade, à une table pourvue de micros. Certains patineurs sont très à l’aise face à la presse, en particulier ceux qui sont rodés depuis longtemps à l’exercice. D’autres sont beaucoup plus timorés. Nous vivons parfois des moments très drôles, grâce à des patineurs dotés d’un solide sens de l’humour et jamais avares de nous en faire profiter. Asseoir Gabriella Papadakis et Maddison Hubbell sur une même estrade, et c’était l’hilarité générale assurée. Florent Amodio a été un excellent “client” lui aussi. L’an dernier aux championnats d’Europe, Matteo Guarise s’est montré particulièrement détendu et hilarant, pour notre plus grand bonheur. Une conférence de presse est un moment sérieux, mais rarement exempt de plaisanteries et de bonne humeur. Il est aussi très intéressant de découvrir les liens d’amitié, complicité et de respect mutuel entre des patineurs pourtant farouches rivaux sur la glace. Adam Siao Him Fa et Ilia Malinin en sont de très bons exemples. C’est aussi le moment de découvrir le talent qu’ont certains pour les langues étrangères. Marco Fabbri parle un anglais et un français excellents, sans accent. Pour ceux qui ne peuvent s’exprimer que dans leur langue natale, Tatjana Flade est de nouveau appelée à la rescousse. Une exception : les Russes (absents pour l’instant). Même totalement bilingues comme, entre autres, Nikita Katsalapov, ils s’expriment généralement dans leur langue, consigne apparemment donnée par leurs officiels. Une exception dans l’exception : Boïkova/Kozlovskii, qui, si on ne sait pas qu’ils sont Russes, peuvent aisément passer pour des Américains avec leurs magnifiques intonations ! Lors de ces conférences de presse, après quelques questions générales posées par l’animateur, nous sommes invités à poser les nôtres. La retraite médiatique de Jean-Christophe Berlot (qui officie toujours comme juge de ballet international), a rendu les conférences moins animées ! Jean-Christophe avait toujours beaucoup de questions pour tout le monde et aucun de nous n’a encore égalé sa verve. Nous avons le choix entre poser une question générale aux trois ou six patineurs présents, ou à un patineur ou couple en particulier. Certains journalistes ne sont pas gênés par le micro, d’autres préfèrent simplement prendre des notes. Lors de la présente Finale, et du Grand Prix de France à Angers, comme aux Championnats du Monde de Montpellier, c’est Paul Peret, rédacteur en chef adjoint chez France Télévision, qui a officié comme animateur. Le rôle est parfois tenu par un membre de l’ISU, ou par un/e représentant/e de la fédération hôte, comme à Kaunas l’an dernier où nous avons fait connaissance avec son Président. Les entraîneurs, officiels d’équipes et même les juges, assistent souvent aux conférences de presse. Certaines fédérations offrent à leurs patineurs une formation en communication. L’avantage est qu’ils savent répondre sans avoir à chercher leurs mots. L’inconvénient est qu’ils tombent parfois dans la langue de bois, spécialité des Nord-Américains pour qui tout va toujours très bien dans le meilleur des mondes ! D’autres sont très directs, comme Marco Fabbri à Angers après la danse rythmique et une mauvaise prestation, très en colère contre lui-même, qui nous a demandé de ne pas lui poser de question. Quelles que soient les circonstances, répondre aux media n’est, de toute façon, pas un exercice facile. Toutes les questions ne sont pas d’une absolue pertinence, certaines ont été déjà été posées cent fois dans la saison, les patineurs doivent souvent faire preuve de patience. Ces conférences de presse sont, de temps en temps, retransmises en direct sur la chaîne Youtube Skating I.S.U., avec l’opportunité pour vous d’y assister par ordinateur ou smartphone interposé. Après nos questions, vient le tour des journalistes accrédités à distance. Un modérateur gère le flux depuis un terminal installé en face de l’estrade des patineurs. Ces “remote access” donnent parfois lieu à des anecdotes amusantes, comme la découverte du bureau d’un reporter américain dont les murs sont intégralement tapissés par ses accréditations ! Il y a quelques années, pendant que j’interviewais la patineuse de couple canadienne Kerstin Moore-Towers en Mixed Zone depuis le confort de mon salon, elle a aperçu, par la fenêtre derrière moi, une chaîne de montagnes enneigées. Grande amoureuse de la France qu’elle visite chaque année, elle m’a interrogée sur la région dans laquelle je me trouvais : les Alpes, au pied du toit de l’Europe. Elle m’a alors demandé si je pouvais les lui montrer de plus près ! J’ai approché mon ordinateur, ouvert la fenêtre, et lui ai offert un panorama à 180° sur la chaîne du Mont Blanc ! L’an dernier, lors d’une conférence de presse des Quatre Continents, j’ai oublié de désactiver ma webcam après avoir posé ma question, offrant ainsi à toute la salle, une vue imprenable sur… mes spaghetti carbonara. Jusqu’à ce que la modératrice me signale que je prenais mon dîner en direct live ! Je me suis sentie un peu gênée… Mais moins que si je m’étais levée de mon bureau, car je portais ce jour là un magnifique collant de yoga à fleurs, sous un vieux short de pyjama à carreaux ! La French fashion dans toute sa splendeur !
Pour les interviews de patineurs individuels, couples et danseurs (et parfois entraîneurs), deux cas de figure : nous connaissons déjà les intéressés, disposons de leurs coordonnées, et pouvons organiser les rencontres par nous-mêmes, en les planifiant avant, pendant, ou après la compétition. Si ce n’est pas le cas, l’I.S.U. a créé une application (non publique) accessible par un mot de passe qui nous est remis avec notre accréditation, ou qui est affiché en salle de presse. Cette application récapitule toutes les informations concernant la compétition : horaires, participants, ordres de départs, contenus techniques des programmes, biographies, résultats en temps réel, Quick Notes. Mais aussi un formulaire dédié aux demandes d’interviews. Une fois rempli, il est remis aux chefs d’équipe des intéressés, et nous recevons leur réponse par SMS ou mail. A noter que l’I.S.U. est dans une démarche louable de protection environnementale. Ce qui grignotait auparavant des tonnes de papier, est maintenant disponible sur l’appli. De même, les chasubles des photographes, au lieu de leur être laissées en souvenir (sans grand intérêt puisqu’elles ne sont pas nominatives, et ne comportent que les noms des sponsors, pas celui de la compétition), sont récupérées pour être réutilisées lors des évènements futurs. Les interviews de patineurs se déroulent sur le lieu de leur choix, salle de presse, de conférence, salons de leur hôtel, tout endroit assez tranquille pour qu’on s’entende parler ! En fonction de leur notoriété et des demandes auxquelles ils doivent faire face, la durée de l’interview peut être très strictement limitée. J’ai ainsi un jour interviewé Nathan Chen, surveillée par son chef d’équipe qui tenait un chronomètre à la main ! Sept minutes, pas une seconde de plus, en raison du nombre très important de media demandeurs.
Parmi les questions qui m’ont déjà été posées, figure aussi celle des vestiaires. L’entrée en est gardée par des cerbères qui ne plaisantent pas avec la sécurité. L’accès à ces vestiaires est interdit à toute autre personne que les patineurs. Les coaches, officiels et soigneurs restent à l’extérieur. Hommes et femmes sont séparés, danseurs et couples compris. Ces lieux, en général spartiates et plutôt laids, comportent bien sûr des douches, mais les toilettes sont souvent dans le couloir et nous les partageons avec eux. A Grenoble, on nous en a rapidement barré l’accès, faute de place pour tout le monde. Mais il n’y a guère de place non plus dans les toilettes des tribunes publiques. Il n’y a que quatre blocs de cinq boxes pour plusieurs milliers de sièges. Lorsque la patinoire est pleine à craquer comme pendant cette Finale (phénomène assez rare pour être signalé), la file d’attente est interminable et bloque la circulation des coursives. Nous sommes tous égaux devant l’envie de faire pipi et notre badge media ne nous assure pas la priorité ! La solution est d’aller chez les messieurs, puisque, comme partout, ils sont plus rapides et apparemment restent étanches plus longtemps que nous ! Les vestiaires disposent parfois de cabines individuelles, mais la plupart du temps, les patineurs se préparent devant leurs concurrents. Les dames maquillent leurs partenaires de danse et de couple dans les couloirs ou dans la salle d’échauffement. Malgré la présence des vigiles, et pour éviter les vols, la plupart des patineurs utilisent des valises et des sacs qui peuvent être cadenassés. La crainte la plus répandue n’est d’ailleurs pas le vol, mais le sabotage du matériel. Oui, c’est déjà arrivé. Lacets coupés, lames endommagées. Non, le patinage n’est pas le pays de Candie. Comme tous les sports de compétition, il a parfois des petites allures de jungle…
L’entourage des patineurs : c’est, après le personnel technique et avec celui de l’I.S.U., la plus grande “population” des compétitions. Aux patineurs eux-mêmes s’ajoutent leurs coaches, chorégraphes, chefs d’équipes, chaperons, agents de promotion pour ceux qui en ont un/e, parfois un préparateur physique, un/e psychologue sportif, un médecin attachés à leur équipe, en sus du personnel médical fourni par la patinoire (services d’urgences tels que pompiers et/ou secouristes) et des médecins et kinésithérapeutes délégués par le pays et la fédération hôtes. Leur nombre a beau être limité par l’I.S.U. pour des raisons évidentes de place, il y a quand même beaucoup de monde ! Les vestes ornées de logos et drapeaux nationaux sont partout. Vous les croisez dans les coursives, vous les voyez dans les tribunes en train d’encourager leurs compatriotes. A cet effet, une tribune est toujours réservée aux équipes. Nous les croisons aussi dans les couloirs d’hôtel et au petit déjeuner quand l’hôtel officiel des patineurs et des media est le même. L’ISU conclut des accords avec des chaînes hôtelières un peu partout dans le monde, et offre aussi la possibilité aux media d’avoir des tarifs réduits dans un hôtel spécifique. Ce sont en général des étoilés cossus situés en centre-ville. A Grenoble, beaucoup d’entre nous avons fait le choix de séjourner au plus près de Pôlesud, plutôt qu’au centre-ville où se trouvent les hôtels retenus par l’ISU. Un peu moins de confort, mais une proximité immédiate de notre lieu de travail éphémère, moins de trois minutes à pieds, un luxe ! L’I.S.U. affrète également des bus/navettes pour conduire patineurs, officiels, juges et presse de leur lieu d’hébergement à la patinoire. Lors des championnats d’Europe en Biélorussie, nous avions même des bus à intervalle régulier pour aller de l’aéroport à nos hôtels, ce qui nous a permis de voyager sur une brève distance en compagnie des juges. Car si nous croisons les juges dans les couloirs, nous leur parlons en général peu, l’ensemble de leur travail étant confidentiel. Nous nous contentons de les saluer. Ils sont toujours nombreux : la Finale du Grand Prix en a requis vingt-quatre, ainsi que deux juges-arbitres, cinq contrôleurs techniques, et huit spécialistes techniques (dont Vanessa Gusmeroli), pour seize épreuves différentes. Un opérateur de données et un opérateur de replay ont tenu la console I.S.U. du jury pendant ces seize épreuves. Les journées ont dû leur paraître longues.
Certains patineurs viennent avec leur chien ! De petite taille afin de ne pas être mis en soute lorsqu’ils voyagent par les airs. Par le passé, nous avons souvent vu Ksenia Stolbova et Marina Zoueva se promener avec la tête de leurs yorkshires respectifs dépassant de leur sac à main ! Lorsqu’ils sont accompagnés de leurs parents et/ou de leur conjoint (les patineurs, pas leurs animaux domestiques), ceux-ci paient leurs transports, hébergements et entrées à la patinoire, mais le tout est parfois organisé et facturé par les fédérations elles-mêmes. Tout ceci représente une logistique très compliquée et très chronophage. Les secrétaires de fédérations sont aussi, de fait, des agents de voyages ! Sur place, les salariés I.S.U., le personnel de la patinoire, les bénévoles, répondent aux demandes spécifiques de tout le monde. Et il y en a beaucoup, depuis les menus végétariens au mess des officiels et patineurs, aux stocks de kleenex à alimenter, en passant par les informations sur la ville hôte à visiter.
Comme vous le voyez, l’organisation d’une compétition internationale est une entreprise, longue, complexe, extrêmement coûteuse, qui se prépare en amont pendant de longs mois et de longues semaines, pour une durée effective dans le temps particulièrement réduite. Un championnat international, un Grand Prix, un Challenger Serie sont autant de fourmilières dans lesquelles les divers participants ne cessent de courir, avant, pendant et après, pris par une multitude de tâches à effectuer. Vu de l’extérieur, tout semble couler de source avec facilité. Mais derrière les rideaux de ces grands moments festifs, la somme de travail abattu est gigantesque. J’ai trouvé logique de, pour une fois, en parler en détail.
Kate Royan