L’IA peut-elle aider l’agriculture intérieure à éviter les énormes dépenses énergétiques?
Des chercheurs ont entraîné l’IA à trouver le point idéal pour l’éclairage et la ventilation intérieurs – réduisant ainsi de 33 % la consommation d’énergie sans incidence sur la croissance des cultures.
Par Emma Bryce (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Beaucoup sont d’avis qu’une façon de nourrir le monde consiste à déplacer nos cultures à l’intérieur (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), où elles seront protégées des aléas climatiques, des ravageurs et des maladies. Or, ce type d’agriculture demande d’énormes quantités d’énergie pour éclairer et ventiler les plantes de façon artificielle. Est-il possible d’échapper à cette contrainte?
Les chercheurs d’une nouvelle étude pensent que de l’intelligence artificielle pourrait permettre d’y arriver en partie. Leur étude parue dans Nature Food montre que l’IA peut optimiser les conditions de culture en serre pour réduire du tiers la consommation d’énergie.
Aux fins de l’étude, les chercheurs ont conçu un modèle informatique d’« usine de plantes avec éclairage artificiel » (PFAL – Plant Factory with Artificial Lighting) type. Le modèle intègre des renseignements sur les facteurs environnementaux intérieurs, y compris la température, le degré d’humidité et la concentration en CO2 (dont les plantes ont besoin pour la photosynthèse), et simule des changements influençant la photosynthèse et la croissance des plantes. Il a ensuite été combiné à un cadre d’IA entraîné avec les données pour trouver les conditions de croissance optimales pour les plantes à l’intérieur. Une partie de son rôle consistait à déterminer s’il était possible de maintenir les taux de croissance avec une consommation moindre d’énergie.
Les chercheurs ont utilisé de la laitue comme culture de contrôle et ont simulé le fonctionnement d’une PFAL dans 10 endroits différents, de Reykjavík à Dubaï, parce que même si les PFAL sont relativement confinées, la consommation d’énergie peut être influencée par les températures extérieures. Les chercheurs voulaient s’assurer que leur étude tienne compte de cette variabilité.
Ce qui est remarquable, c’est que les dix simulations ont toutes révélé que l’IA était capable de réduire la consommation d’énergie sans altérer la croissance des cultures. Ces résultats ont été obtenus en réduisant tant l’éclairage artificiel nécessaire pour la photosynthèse que la ventilation qui sert à gérer l’humidité et la chaleur. Dans l’ensemble, ces systèmes optimisés ont permis de réaliser une impressionnante économie d’énergie de 32,34 % en moyenne comparativement aux expériences de contrôle; au minimum, l’IA a permis de réduire de 23,6 % la consommation d’énergie.
Parce que l’IA a pu faire des observations et ajuster les paramètres en fonction de l’interaction unique entre les plantes et les facteurs environnementaux de chaque emplacement, elle s’est avérée efficace pour trouver le point idéal de chacun d’eux et déterminer, par exemple, quand la diminution de l’intensité de l’éclairage pendant certaines périodes ne réduit pas le rendement de la laitue. La ventilation pose un défi à cet égard, car elle est étroitement liée aux conditions locales. Dans les emplacements plus chauds en particulier, la ventilation est essentielle pour rafraîchir les cultures, mais une utilisation intense peut avoir pour effet de perturber la concentration de CO2 qui favorise la photosynthèse. Or, l’IA a aussi trouvé un point idéal dans ces emplacements en réduisant la ventilation durant la période d’éclairage, lorsque les plantes ont besoin de photosynthèse, et en l’augmentant pendant la période d’obscurité, lorsque les concentrations de CO2 sont moins importantes.
Même si les besoins en ventilation dans les emplacements chauds ont entraîné une plus grande consommation d’énergie, les économies réalisées de façon générale ont tout de même été considérables dans l’ensemble des emplacements. Les ajustements apportés par l’IA ont réussi à réduire la consommation d’énergie de 9,5 à 10,5 kilowattheures par kilo de laitue dans une PFAL ordinaire à 6,42 kilowattheures dans des climats frais et à 7,26 kilowattheures dans des climats chauds.
Les chercheurs indiquent que des questions demeurent quant à savoir si ces économies d’énergie pourraient être reproduites dans de vastes exploitations agricoles intérieures de style entrepôt – et si ces résultats peuvent être transposés dans des exploitations agricoles réelles. À tout le moins, leur étude suggère que l’innovation agricole n’a pas à se faire au prix d’un énorme compromis environnemental : nous disposons d’outils pour nous permettre d’innover sans cette contrainte.
You et coll. Artificial intelligence can regulate light and climate systems to reduce energy use in plant factories and support sustainable food production (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). Nature Food. 2024.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/09/can-ai-help-indoor-agriculture-escape-the-crush-of-huge-energy-loads/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).