Des matériaux de construction conçus pour stocker le CO2 pourraient permettre d’atteindre les cibles climatiques mondiales
Au lieu de recourir à des stratégies coûteuses et risquées pour stocker le carbone, des chercheuses et chercheurs ont examiné le potentiel de stockage de l’environnement bâti et sont parvenus à des conclusions impressionnantes.
Par Sarah DeWeerdt (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Selon une récente analyse, de nouvelles versions de matériaux de construction répandus tels que les briques et le béton, conçues pour stocker le dioxyde de carbone, pourraient constituer une solution efficace au problème du changement climatique.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat estime qu’en plus de la décarbonation à grande échelle de l’économie mondiale, entre 2 et 15 milliards de tonnes métriques – ou gigatonnes – de dioxyde de carbone devront être retirés de l’atmosphère chaque année pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement planétaire à 2 °C ou, de préférence, à 1,5 °C.
Ce carbone devra être stocké de manière plus ou moins permanente, ce que certains ont proposé de faire en l’injectant sous terre ou dans les profondeurs de l’océan, par exemple. Au lieu de ces stratégies complexes, coûteuses et risquées, les responsables de la nouvelle étude se sont tournés vers une solution tout à fait banale : l’environnement bâti.
« Les matériaux de construction peuvent représenter une bonne option pour le stockage du carbone, étant donné la quantité massive de matériaux produits chaque année, ainsi que la longue durée de vie et la durabilité de ces matériaux », explique Elisabeth Van Roijen (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), chercheuse au National Renewable Energy Laboratory du Department of Energy des États-Unis, qui a mené ses travaux en tant qu’étudiante aux cycles supérieurs à l’Université de la Californie à Davis.
Mme Van Roijen et ses collaborateurs ont calculé la quantité de carbone qui pourrait être séquestrée dans divers matériaux de construction – béton (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), briques, asphalte, plastique et bois – conçus à cette fin. Il pourrait s’agir, par exemple, d’ajouter au béton du biocharbon, un matériau produit en chauffant des déchets de biomasse, d’incorporer des fibres de biomasse dans les briques ou d’utiliser des roches artificiellement chargées en carbone comme agrégats dans le béton et l’asphalte.
Le remplacement de tous les matériaux de construction classiques par des versions séquestrant le carbone pourrait permettre de stocker jusqu’à 16,6 gigatonnes de dioxyde de carbone chaque année, rapporte l’équipe de recherche dans la revue Science.
« L’ampleur du potentiel de stockage du carbone est assez impressionnante », affirme Elisabeth Van Roijen, puisque le total équivaut à environ la moitié de toutes les émissions de carbone d’origine humaine en 2021.
L’équipe a constaté que les matériaux les plus performants sont le béton, l’asphalte et les briques, en raison de leur énorme volume de production. Même si ces matériaux ne pouvaient stocker qu’une petite quantité de carbone en termes de poids, toutes ces petites quantités s’accumuleraient. Le simple fait de remplacer le ciment et les agrégats de béton classiques par des versions stockant du carbone permettrait d’éliminer 13,1 gigatonnes de dioxyde de carbone de l’atmosphère chaque année.
Certaines des technologies examinées dans l’étude font encore l’objet de projets pilotes, tandis que d’autres sont prêtes à être déployées à grande échelle. L’utilisation de ces technologies à grande échelle nécessiterait probablement une réorganisation de diverses industries (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). Par exemple, il existe une grande quantité de biomasse provenant des déchets agricoles pour répondre à la demande d’huile biosourcée, de bioplastiques et de biocharbon pour le ciment. La production de biocharbon devrait toutefois être massivement augmentée, passant de 0,4 million de tonnes métriques (mégatonnes) produites en 2021 à 600 mégatonnes.
La recherche de minéraux qui réagissent avec le dioxyde de carbone atmosphérique afin de former des carbonates pour le ciment et les agrégats d’asphalte pourrait poser des problèmes d’approvisionnement. Les déchets industriels tels que le laitier de haut fourneau, le laitier d’acier, les résidus miniers et les cendres de charbon pourraient être utilisés pour produire du béton carboné, mais certains de ces matériaux pourraient devenir moins disponibles à mesure que les industries dont ils sont issus s’écologisent.
Cela dit, même le potentiel des ressources les plus faciles à exploiter s’avère considérable. « Nous avons constaté que si nous effectuons la transition vers des matériaux à faible teneur en carbone d’ici 2045, même si nous nous contentons d’utiliser les ressources actuellement disponibles, nous pourrions rester en deçà des cibles médianes pour un réchauffement de 1,5 °C », explique Mme Van Roijen.
L’une des principales préoccupations en matière de stockage du carbone est de s’assurer que le carbone reste effectivement hors de l’atmosphère à long terme (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). Or, les matériaux de construction sont probablement à la hauteur de la tâche, selon Elisabeth Van Roijen. « La principale source de stockage du carbone examinée dans l’étude, soit les agrégats à base de carbonate, permet une forme extrêmement stable de stockage, affirme-t-elle. Par conséquent, même si les agrégats ne sont utilisés que dans un bâtiment d’une durée de vie de 70 ans, ils continueront probablement à stocker du carbone après avoir été démolis et recyclés ou mis en décharge. » Toutefois, elle ajoute que des réglementations strictes en matière de recyclage ou de fin de vie seront nécessaires pour garantir que les matériaux de construction en plastique et en bois biosourcés stockent le carbone de manière durable.
Source : Elisabeth Van Roijen et coll., « Building materials could store more than 16 billion tonnes of CO2 annually (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) », Science, 2025.
Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/building-materials-designed-to-store-co2-could-be-the-key-to-meeting-global-climate-targets/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)
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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).