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Si vous plantez des arbres pour ralentir les changements climatiques, ne plantez pas toujours la même essence

Une expérience menée sur une période de 16 ans a montré que les zones reboisées avec cinq essences d’arbres stockaient 36 % de carbone de plus que les monocultures.

Par Warren Cornwall (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

On plante beaucoup d’arbres dans l’espoir de ralentir les changements climatiques, mais il s’avère que cela fonctionnera mieux si on ne plante pas toujours la même essence.

Tous les arbres absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère et le transforment en tissu végétal. Mais selon une nouvelle étude, l’ajout d’un peu de variété présente toutes sortes d’avantages en matière de reboisement, notamment en ce qui concerne la quantité de carbone absorbé.

Des indices donnaient déjà à penser qu’une forêt composée d’un mélange d’essences peut stocker davantage de carbone, mais les données expérimentales solides demeuraient rares. Or, des travaux menés sur près de vingt ans offrent aujourd’hui une analyse rigoureuse et détaillée de tout le carbone présent dans une jungle panaméenne replantée.

Cette recherche montre qu’une forêt composée de cinq types d’arbres différents peut stocker environ 36 % de carbone total en plus dans les troncs et les branches que les monocultures souvent déployées dans le cadre d’initiatives de plantation d’arbres.

« Les programmes de restauration doivent privilégier les forêts plantées mixtes plutôt que monospécifiques », conclut l’équipe de recherche, dans un article (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) de la revue Global Change Biology datant du 25 février.

Ces nouvelles connaissances proviennent de l’une des plus anciennes forêts expérimentales d’un réseau mondial conçu pour aider à mieux comprendre le rôle de la diversité des arbres dans les forêts. L’expérience de Sardinilla (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) se déroule dans une ancienne jungle du Panama qui a été exploitée au début des années 1950, puis transformée en pâturage plus tard au 20e siècle. À compter de 2001, les scientifiques ont planté sur 24 parcelles carrées (chacune d’une taille équivalant à la moitié d’un terrain de football américain) entre une et six espèces différentes d’arbres tropicaux. Les scientifiques ont sélectionné les espèces de manière à couvrir un éventail de caractéristiques différentes. Certaines espèces ont poussé rapidement et d’autres, plus lentement. Certaines ont eu besoin de beaucoup de soleil et d’autres se sont épanouies à l’ombre.

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Depuis plus de vingt ans, les scientifiques suivent le flux de carbone entrant et sortant de chaque parcelle d’arbre. La mesure du carbone dans une forêt n’est pas une mince tâche. Il faut mesurer le dioxyde de carbone « inspiré et expiré » lorsqu’il est absorbé par les plantes et libéré par la végétation en décomposition. Il faut également tenir compte du carbone contenu dans les parties des arbres situées au-dessus du sol, dans les feuilles et les branches mortes qui jonchent le tapis forestier, dans les racines situées sous terre, et dans le carbone organique qui se décompose en carbone inorganique dans le sol.

En observant la croissance des forêts entre 2001 et 2017, l’équipe de recherche a constaté que plus il y avait d’espèces d’arbres, plus la quantité de carbone stockée dans la partie des arbres poussant au-dessus du sol était importante. Seize ans plus tard, les arbres contenaient près de 36 tonnes de carbone par hectare dans les endroits comptant cinq espèces d’arbres, contre un peu moins de 23 tonnes là où il n’y en avait qu’une seule.

D’autres avantages ont aussi été observés. Les forêts à essences multiples ont été plus à même de maintenir des quantités régulières et croissantes de séquestration du carbone face à une série de stress environnementaux – un temps exceptionnellement humide en 2010, suivi d’une grave sécheresse, puis de l’ouragan Otto en 2016.

« C’est important », souligne Florian Schnabel, scientifique spécialiste des forêts à l’Université allemande de Fribourg, qui a dirigé l’expérience de Sardinilla, « car dans un contexte de changements climatiques, le bilan carbone à long terme des forêts dépend en grande partie de leur stabilité face aux perturbations. Les forêts diversifiées présentent une plus grande stabilité écologique et le risque que le carbone stocké soit libéré dans l’atmosphère est plus faible que dans les monocultures. »

Dans de nombreux systèmes naturels, la diversité présente des avantages. Les forêts comptant le plus grand nombre d’arbres ont généralement connu une croissance plus importante; leurs branches poussent plus vigoureusement, car les arbres « rivalisent » pour trouver leur place dans la canopée et profiter de la précieuse lumière du soleil. Le mélange d’espèces rend également les forêts moins vulnérables aux fluctuations de croissance ou aux déclins pouvant frapper durement une ou deux espèces.

Malgré tous ces avantages, l’équipe de recherche rappelle qu’il ne faut pas surestimer les éventuels bienfaits de la reforestation, même dans une jungle tropicale. Elle estime que pour compenser un seul vol de Francfort jusqu’au Panama, il faudrait que des arbres poussent pendant un an sur onze hectares de forêts plantées.

Autrement dit : peu importe le nombre d’espèces plantées, les arbres ne suffiront pas pour lutter contre le réchauffement climatique.

Schnabel et coll. « Tree Diversity Increases Carbon Stocks and Fluxes Above—But Not Belowground in a Tropical Forest Experiment ». Global Change Biology. 25 février 2025.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/03/when-planting-trees-to-slow-climate-change-dont-plant-the-same-tree-all-the-time/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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