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Un projet pilote de six ans montre que la diversification des cultures est triplement gagnante : moins d’émissions, plus de revenus, plus de rendements

Selon une nouvelle étude, le simple fait d’ajouter trois cultures – patates douces, arachides et soja –, à la rotation habituelle de blé et de maïs dans la grande plaine de Chine du Nord permettrait de compenser les émissions de ce pays de près de 6 %.

Par Emma Bryce (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

La rotation des cultures avec un éventail de plantes pourrait augmenter les rendements agricoles de près de 40 %, emprisonner près de 10 % de carbone en plus dans le sol et réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de plus de 90 %.

Ces conclusions spectaculaires proviennent d’une ambitieuse expérience menée pendant six ans (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) dans la plaine de Chine du Nord, une région qui abrite 70 % des terres arables du pays et produit 23 % de ses céréales. C’est l’un des endroits où les cultures sont les plus intensives au monde. Il s’agit donc d’un environnement idéal pour tester les retombées potentielles de nouvelles pratiques agricoles. 

L’équipe de recherche a voulu changer la rotation habituelle qui consiste à cultiver du blé en hiver et du maïs en été en introduisant d’autres cultures (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour voir si ce changement est avantageux sur les plans du rendement agricole et de l’environnement. 

Parmi ces nouvelles cultures, il y avait la patate douce – une culture commerciale –, et des légumineuses, comme l’arachide et le soja, qui ont la propriété de fixer l’azote dans le sol. L’équipe de recherche a réduit la quantité d’engrais synthétique épandue habituellement sur ces terres pour voir l’effet sur leur rendement. Ensuite, sur chacune des parcelles en rotation, on a mesuré certains indicateurs clés liés aux avantages économiques et environnementaux : changements dans les rendements et les revenus des agriculteurs, émissions de gaz à effet de serre et santé des sols. Ces données ont été comparées à celles provenant des parcelles conventionnelles de blé et de maïs. 

Résultat remarquable : les parcelles avec une rotation de patates douces, de blé et de maïs ont enregistré une augmentation des rendements (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) de 38 % par rapport à la rotation conventionnelle blé-maïs. À cette augmentation, associée à une plus grande diversification dans les rotations, s’est ajouté un accroissement des revenus des agriculteurs, à savoir 60 % pour les parcelles avec des rotations de patates douces et de 13 % à 22 % pour celles avec des arachides et du soja. 

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Les rendements et les revenus ne sont pas les seuls domaines où l’équipe de recherche a noté des gains. Elle a également constaté de grandes différences entre les parcelles pilotes et conventionnelles quant aux émissions d’oxyde de diazote (N2O), au niveau de phosphore (tous deux associés à l’utilisation des engrais) et aux émissions de méthane.

Pour les parcelles où on a fait pousser des arachides, du soja et des patates douces, les émissions de N2O étaient inférieures d’une proportion de 40 % à 50 % par rapport à celles des parcelles contrôles blé-maïs. Les niveaux de phosphore dans le sol étaient également moindres. Ce n’est pas si surprenant, puisqu’on a utilisé moins d’engrais synthétiques sur les parcelles pilotes. Retenons en revanche que cette réduction n’a manifestement pas nui aux rendements : au contraire, les plantes qui fixent l’azote (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ont apparemment assaini le sol pour les cultures suivantes.

On a aussi observé que toutes les parcelles pilotes étaient des puits nets de méthane atmosphérique, dont l’efficacité était de 33 % à 76 % supérieurs pour les rotations diversifiées de cultures. 

Ces profils d’émissions plus prometteurs peuvent s’expliquer par la santé générale du sol dans les parcelles où l’on cultive davantage de types de plantes. À la fin de cette formidable expérience qui a duré six ans, l’équipe de recherche a comparé, pour les sites pilotes, plusieurs indicateurs de la fertilité du sol, comme la quantité de carbone organique et la diversité de la vie microscopique. Elle a ainsi relevé que, pour les rotations diversifiées, non seulement le carbone organique du sol était plus élevé, mais aussi la diversité microbienne, d’environ 10 %, par rapport aux parcelles conventionnelles. Comme les microbes contribuent à piéger le méthane atmosphérique et à séquestrer le carbone dans le sol, cela pourrait expliquer en partie les émissions plus limitées des parcelles diversifiées. 

Enfin, l’équipe de recherche a utilisé une équation pour extrapoler ces résultats localisés à l’ensemble des terres agricoles de la plaine de Chine du Nord. Elle a ainsi pu dresser un portrait des avantages potentiellement transformateurs de cette technique. 

La diversification dans la rotation des cultures (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) permettrait d’augmenter la production céréalière de 32 % dans la région. De plus, on pourrait y réduire la quantité d’engrais synthétiques employée de 3,6 millions de tonnes en introduisant des légumineuses qui fixent l’azote.

C’est la principale raison pour laquelle on a conclu qu’une diversification accrue des cultures dans la plaine du Nord de la Chine permettrait à elle seule de compenser près de 6 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre du pays – un chiffre impressionnant si on considère qu’il s’agit d’une seule des nombreuses régions agricoles de la Chine. Les exploitants, quant à eux, verraient leurs revenus annuels augmenter de 20 %, une hausse qui totaliserait 11,6 milliards de dollars. 

Selon l’équipe de recherche, la Chine se trouve à un moment charnière. Elle met en place plusieurs politiques pour atteindre ses objectifs climatiques et environnementaux, notamment celles visant à rendre son secteur agricole carboneutre d’ici 2060. Ces données viennent confirmer le rôle important de la diversification et des cultures intercalaires dans l’atteinte de ces objectifs, d’autant plus qu’elles améliorent les rendements et la situation financière des exploitants. 

« Nous recommandons que le développement et l’adoption de systèmes de cultures diversifiées soient une priorité dans la définition de la politique agricole et dans la prise de décisions au sein des exploitations », écrivent (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) les auteurs. 

Yang et. coll. « Diversifying crop rotation increases food production, reduces net greenhouse gas emissions and improves soil health (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». Nature Communications. 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/01/in-a-6-year-trial-diverse-cropping-was-a-triple-win-less-emissions-more-income-more-yields/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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