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La toute première analyse planétaire montre que les efforts de conservation ont une incidence mesurable

L’argent et les efforts consacrés à la conservation de la biodiversité sont souvent sous-estimés, bien des gens estimant qu’ils ne valent guère mieux que le statu quo, mais une équipe de recherche a constaté que les résultats sont en réalité beaucoup plus importants.

Par Warren Cornwall (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Il est facile de penser que les efforts pour sauver la richesse des espèces de notre planète sont déployés en vain. Pendant que les scientifiques, les défenseurs de l’environnement et les gouvernements consacrent des milliards de dollars et le travail de toute une vie à enrayer la perte de biodiversité, la liste des espèces menacées et des habitats ravagés ne cesse de s’allonger.

C’est donc une bonne nouvelle d’apprendre que tout cet argent et tous ces efforts changent véritablement la donne à l’échelle mondiale. C’est là ce qui ressort de la première analyse scientifique jamais réalisée à l’échelle de la planète pour déterminer si les programmes de conservation, qui vont des réserves naturelles à l’élimination des espèces envahissantes, atteignent leurs objectifs.

« Si l’on ne considère que la tendance au déclin des espèces, il serait facile de penser que nous ne parvenons pas à protéger la biodiversité, mais ce serait là une vue très restreinte de la situation, affirme Penny Langhammer (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), vice-présidente générale du groupe de conservation Re:wild (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui a participé à la nouvelle étude. Ce que nous montrons avec cet article, c’est que la conservation est, en fait, efficace. »

La nouvelle étude présente quelques constats encourageants, ainsi que des renseignements plus détaillés sur les stratégies qui donnent de bons résultats et celles qui devraient être évitées. 

Vous avez peut-être eu comme réaction : « Est-ce vraiment la première fois que l’on étudie si toutes ces mesures de conservation sont vraiment efficaces? » Lorsqu’il s’agit de résumer les principales stratégies de conservation à l’échelle de la planète, la réponse courte est « oui ».

Les scientifiques ont tenté d’évaluer les résultats d’initiatives individuelles ou d’une série de mesures semblables. J’en ai présenté une la semaine dernière (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) : des chercheurs avaient découvert que l’abattage de loups financé par le gouvernement avait aidé à ralentir le déclin des caribous des bois dans l’Ouest canadien. Mais personne n’a essayé de résumer l’efficacité combinée de toutes ces différentes initiatives. Personne… jusqu’à maintenant. 

Grâce au financement de l’Union internationale pour la conservation de la nature (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) – une alliance de gouvernements et d’ONG qui forment l’une des principales organisations internationales de suivi de la biodiversité – 33 scientifiques affiliés à des universités, à des gouvernements et à des groupes de conservation se sont réunis pour examiner minutieusement le bilan des initiatives de protection de la nature.

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Cet examen a lieu à un moment important dans le monde de la conservation. Différents pays ont récemment pris de nouveaux engagements importants pour tenter d’enrayer la perte de biodiversité. En 2022, 196 nations ont convenu du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui comprend des engagements visant à protéger 30 % des terres et des océans de la planète, de restaurer 30 % des écosystèmes dégradés et d’enrayer l’extinction des espèces d’ici à 2030. Le bilan mondial n’est cependant pas des plus rayonnants. Une étude de 2019 (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) a révélé des progrès modérés ou satisfaisants pour moins de la moitié des objectifs fixés pour 2020 dans le cadre d’un accord international antérieur.

Pour déterminer si les différentes mesures de conservation étaient efficaces, l’équipe de recherche a examiné les résultats de 186 études analysant différentes stratégies et les comparant à des situations où aucune mesure n’avait été prise. Au total, 665 paramètres ont été utilisés pour évaluer les résultats, car chaque étude pouvait comporter plusieurs mesures pour évaluer l’effet sur la biodiversité (par exemple, l’évolution des populations de plusieurs espèces).

Selon un article dans la revue Science paru la semaine dernière (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), les chercheurs ont constaté que 45 % de ces mesures montraient une amélioration de la biodiversité et que 21 % indiquaient qu’une intervention avait à tout le moins ralenti le déclin.

« Notre étude montre que, lorsque les mesures de conservation sont efficaces, elles le sont réellement. Autrement dit, elles aboutissent souvent à des résultats pour la biodiversité qui ne sont pas seulement un peu mieux que si l’on ne faisait rien du tout, mais bien plus importants », déclare Jake Bicknell (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), un scientifique spécialiste de la conservation à l’Université du Kent, au Royaume-Uni, qui a participé à l’étude.

Dans l’ensemble, c’est le ciblage des espèces envahissantes et « problématiques » qui a eu le plus d’effet. Par exemple, en déplaçant les ratons laveurs et les cochons sauvages qui se nourrissaient d’œufs de tortues et d’oiseaux, il a été possible de réaliser d’importants gains (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) pour les tortues caouannes et les sternes naines dans deux îles de la Floride. La restauration des habitats et l’arrêt de leur disparition ont généralement obtenu de bons résultats. Il en va de même pour les tentatives de gestion durable des écosystèmes, telles que la mise en place de plans de gestion forestière (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) dans les contrats d’exploitation forestière dans le bassin du Congo, en Afrique. 

La création de zones protégées a eu des effets bénéfiques, quoique moindres. Par ailleurs, les mesures visant à encourager la gestion durable des espèces, telles que la chasse réglementée, ont montré des signes de progrès, mais ceux-ci n’étaient pas statistiquement significatifs.

Les scientifiques ont également trouvé leur part d’échecs. Dans plus de 20 % des cas, les tentatives de conservation semblaient faire plus de mal que de bien. Et dans un autre 12 %, les choses se sont améliorées davantage sans intervention humaine. En Inde, par exemple, les efforts déployés pour lutter contre une algue envahissante ont échoué (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) du fait que, lorsque les gens ont saisi l’algue, elle s’est brisée en petits morceaux, se propageant encore davantage.

Étant donné les résultats généralement positifs, les chercheurs estiment que l’un des principaux obstacles à la réussite, c’est l’élargissement des travaux à une échelle qui répond aux besoins. Selon les estimations des scientifiques, cela pourrait se traduire par des dépenses annuelles de 178 à 524 milliards de dollars pour la protection de la biodiversité, contre des dépenses récentes s’élevant à environ 120 milliards de dollars (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

« Nous devons investir davantage dans la nature et continuer à le faire de manière soutenue, conclut Claude Gascon (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), coauteur de l’étude avec le Fonds pour l’environnement mondial (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui finance les efforts de conservation dans les pays en développement. Cette étude arrive à un moment crucial où le monde s’est entendu sur des objectifs mondiaux ambitieux et nécessaires en matière de biodiversité, qui nécessiteront des mesures de conservation à une échelle entièrement nouvelle. »

Il reste à voir si les dirigeants mondiaux, en particulier ceux des pays les plus riches, sont prêts à tenir leurs promesses cette fois-ci.

Langhammer et coll. « The positive impact of conservation action »,Science, 25 avril 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/05/first-ever-planet-wide-analysis-shows-conservation-work-is-making-a-measurable-difference/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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