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Une nouvelle technique de radiographie des plantes pourrait aider les agriculteurs à piéger davantage de carbone dans le sol

La comparaison des traces chimiques dans les feuilles et le sol permet de déterminer la longueur des racines d’une plante, ce qui ouvre de stimulantes possibilités pour la sélection des espèces et la lutte au changement climatique.

Par Emma Bryce (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les chercheurs peuvent désormais pointer un appareil de radiographie portatif sur une plante et déterminer à quelle profondeur ses racines s’enfoncent dans le sol. Cette technique rapide et pratique permet de connaître la quantité de nutriments que les plantes tirent de la terre, voire la quantité de carbone qu’elles y stockent.

Cet outil agricole sophistiqué est le fruit d’un long travail : depuis six ans, une équipe de recherche de l’Université d’État de la Pennsylvanie s’affaire à mettre au point ce dispositif portatif et à le tester sur des cultures de maïs aux États-Unis. Grâce à lui, les scientifiques pourront sélectionner de nouvelles cultures à racines profondes en vue de leur reproduction (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et vérifier si les plantes expérimentales qui en résultent plongent effectivement leurs racines à des profondeurs jamais vues.

Ces dernières années, de nombreuses recherches (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ont été menées sur les racines des plantes, car les cultures à enracinement profond sont considérées comme une panacée pour plusieurs problèmes liés au changement climatique. Ce type de culture peut en effet accéder à une plus grande quantité d’eau dans le sol, ce qui lui permet de se protéger contre les effets débilitants de la sécheresse. Les racines longues peuvent également atténuer le changement climatique, car elles sont capables d’absorber une plus grande quantité d’engrais azoté (lequel peut être polluant si l’excédent reste inutilisé dans le sol) et de déposer une plus grande quantité de carbone dans le sol, où celui-ci restera séquestré.

Compte tenu des avantages considérables qu’offrent les racines profondes, les auteurs d’une récente étude parue dans Crop Science ont entrepris de mettre au point un nouvel outil de mesure. Celui-ci repose sur un postulat intéressant, à savoir que les feuilles des plantes cultivées contiennent des indices révélateurs sur les nutriments qu’elles tirent du sol, et que ces nutriments varient en fonction de la profondeur.

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Les travaux ont débuté en 2018 avec 30 souches génétiques distinctes de maïs – dont certaines finiraient par produire des racines plus profondes que d’autres – que les chercheurs ont plantées et cultivées sur quatre terrains de recherche répartis sur un territoire formé par la Pennsylvanie, le Colorado et le Wisconsin, aux États-Unis, afin de s’assurer que l’expérience se déroulait dans des conditions de sol variées. Les tests sur le terrain comprenaient aussi des carottages pour connaître les éléments chimiques contenus dans le sol à diverses profondeurs sur les différents sites. Pour tester le principe de leur idée, les membres de l’équipe ont également mené une autre série d’expériences en serre, où ils ont fait pousser des cultures dans un sol où l’on avait injecté un élément chimique appelé strontium à certaines profondeurs.

Ils ont ensuite prélevé des échantillons de feuilles des différentes cultures et ont mis à l’essai leur nouvel outil, baptisé Leaf Elemental Accumulation from Deep Roots (LEADER). L’appareil fait appel à la spectroscopie de fluorescence des rayons X, qui s’appuie sur l’interaction des rayons X avec les constituants d’un matériau pour en déterminer la composition chimique. Lorsque les rayons X interagissent avec le calcium, par exemple, ils produisent un motif unique. « De cette manière, les feuilles peuvent servir d’indicateurs ou de capteurs de l’emplacement des racines dans le sol », expliquent les chercheurs dans un communiqué de presse (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

En combinant ces données sur les feuilles avec les échantillons de sol connexes prélevés dans les différents terrains, les chercheurs ont constaté que, sur deux des terrains, ils pouvaient établir avec précision la profondeur des racines des plantes en comparant le profil chimique des feuilles à celui du sol, qui contenait une variété d’éléments lisibles, notamment le silicium, le potassium, le cuivre et le phosphore. Cette découverte a été confirmée par l’expérience en serre recourant au strontium, qui a montré que les cultures dont les feuilles contenaient du strontium poussaient effectivement jusqu’aux profondeurs où ce produit chimique avait été injecté dans le sol.

Cette nouvelle technique de balayage des feuilles pourrait simplifier considérablement le processus d’identification des cultures à racines profondes, qui nécessite habituellement des méthodes invasives telles que l’extraction des cultures du sol pour mesurer leurs racines. « Pour sélectionner des cultures à racines profondes, il faut examiner des milliers de plantes. Les déterrer est coûteux et chronophage, car certaines de ces racines descendent à deux mètres ou plus. Tout le monde veut des cultures à racines profondes, mais jusqu’à présent, nous ne savions pas comment les obtenir », expliquent les chercheurs.

Grâce au nouvel appareil de radiographie, les scientifiques, les sélectionneurs de plantes et les agriculteurs devraient être en mesure d’examiner des dizaines de plantes pour obtenir les preuves dont ils ont besoin. Les chercheurs de Pennsylvanie ont d’ailleurs déposé une demande de brevet pour leur technologie, et bien qu’elle ait été testée sur des cultures de maïs, elle pourrait être appliquée à n’importe quel type de plante, selon eux.

 L’équipe souligne (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) que la sélection des plantes pourrait s’en trouver accélérée, ce qui est susceptible d’avoir des retombées substantielles sur l’empreinte climatique de l’agriculture. Les calculs effectués pour les États-Unis montrent en effet que les cultures à racines profondes peuvent « compenser des années de nos émissions totales de carbone, ce qui est considérable lorsqu’on pense à toutes les surfaces cultivées en Amérique. Si ces racines poussent juste un peu plus profondément, nous stockerons d’énormes quantités de carbone plus bas dans le sol ».

Hanlon et coll. « LEADER (Leaf Element Accumulation from Deep Roots) : A nondestructive phenotyping platform to estimate rooting depth in the field (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) ». Crop Science. 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2024/03/how-a-novel-plant-x-ray-could-help-farmers-lock-up-more-soil-carbon/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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