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Une équipe de recherche jette les bases d’une culture adaptée au climat en créant une pomme de terre résistante à la chaleur

L’équipe de recherche a d’abord résolu un problème qui ralentissait la photosynthèse des plantes, puis elle a réussi à accélérer de 30 % la croissance des pommes de terre.

Par Emma Bryce (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

Les changements climatiques ont peut-être été un sujet chaud autour de la table lors des célébrations de fin d’année. Or, voici qu’une équipe de recherche vient de mettre au point sa propre « patate chaude » qui résiste mieux aux changements climatiques : en effet, ces tubercules peuvent atteindre une taille de 30 % supérieure à la normale à la suite d'une canicule. La découverte repose sur un processus appelé photorespiration, une caractéristique problématique de la photosynthèse des plantes. La photorespiration se produit lorsque la carboxydismutase (ou RuBISCO), une enzyme clé de la photosynthèse, réagit en présence de molécules d’oxygène au lieu de réagir au dioxyde de carbone comme c’est le cas normalement. La fusion entre la carboxydismutase et l’oxygène génère un sous-produit toxique appelé glycolate, que la plante doit ensuite s’efforcer de métaboliser et d’éliminer de ses tissus – un processus très exigeant qui détourne les ressources de la fixation de carbone nécessaire à la croissance de la plante. De fait, ce phénomène peut entraîner une réduction de 20 à 50 % de la quantité de carbone fixée par la plante.

Si cette permutation CO2-O2 se produit dans environ 25 % des cas au cours de la photosynthèse, il est intéressant de noter qu’elle se produit plus souvent à des températures élevées. En effet, lorsqu’il fait chaud, l’affinité de la carboxydismutase pour l’oxygène s’accroît. Pour l’équipe de recherche, la photorespiration constitue donc un élément clé dans la recherche de cultures résistantes aux changements climatiques.

Des travaux antérieurs réalisés dans le cadre du projet de recherche auquel elle participe – une initiative appelée RIPE qui étudie les moyens d’accroître l’efficacité de la photosynthèse aux fins de la production alimentaire – ont révélé que deux gènes particuliers, la glycolate déshydrogénase et la malate synthase, pourraient contribuer à réduire ce dérèglement de la photorespiration. L’une des fonctions de ces deux gènes est de métaboliser le sous-produit toxique du glycolate dans le chloroplaste de la feuille, là où se produit la photosynthèse, créant ainsi un « raccourci » qui empêche le glycolate de se répandre dans le reste de la cellule, où il déclenche la réaction métabolique en cascade nécessitant une grande quantité d’énergie.

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La recherche précédente a montré que les deux gènes pouvaient être introduits dans des plants de tabac types. Mais cette nouvelle étude est la première à expérimenter cette idée sur une plante comestible comme la pomme de terre. Afin de tester deux types de pommes de terre – celles qui ont été sélectionnées pour contenir les deux gènes et celles qui ne les contiennent pas – l’équipe a planté les spécimens en plein champ pendant deux saisons de croissance, l’une en 2020 et l’autre en 2022. Au cours de ces périodes de croissance, elle a examiné la masse, le poids et la valeur nutritionnelle des cultures exposées à des conditions climatiques changeantes. À au moins deux occasions au cours de l’étude, une vague de chaleur s’est abattue sur la nouvelle culture de pommes de terre pendant près d’une semaine, ce qui a permis à l’équipe de vérifier si ces jeunes plants vulnérables allaient devenir aussi robustes qu’elle l’espérait.

La réponse a été oui – à un degré spectaculaire. Comparativement aux témoins, les pommes de terre exposées à la chaleur ont présenté une activité photosynthétique accrue et une plus grande fixation du carbone. Qui plus est, ce phénomène a visiblement entraîné une augmentation de la taille des légumes : sur l’ensemble du site d’étude, au cours des deux années, les pommes de terre génétiquement modifiées ont enregistré une hausse de 9 à 30 % de leur biomasse.

Autre élément crucial, lorsque l’équipe a examiné le contenu nutritionnel des plantes, elle a constaté que cette croissance accrue n’avait pas d’incidence sur la qualité ou la valeur nutritive des tubercules. Les pommes de terre n’ont présenté aucune variation sur le plan de la teneur totale en fibres, en vitamine C ou en protéines par rapport aux témoins.

On a ainsi pu appliquer les résultats des études précédentes à une culture réelle, et le choix de la pomme de terre n’est pas le fruit du hasard. Il s’agit de la culture non céréalière la plus importante au monde sur le plan de la production, et elle est comparable au riz et au maïs pour ce qui est de la quantité de calories qu’elle génère par superficie agricole. Les tubercules riches en amidon constituent un ingrédient essentiel de la sécurité alimentaire mondiale, et cette nouvelle découverte pourrait leur fournir une protection cruciale contre les changements climatiques.

La prochaine étape consistera à reproduire les résultats de l’étude dans plusieurs régions du monde, et éventuellement à tester l’idée sur d’autres tubercules, comme le manioc, qui sont essentiels à la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions.

« Nous devons produire des cultures capables de résister à des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses », affirme l’équipe de recherche (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), qui estime que sa découverte ouvre la voie à des « cultures adaptées aux changements climatiques ».

Ort et coll., « Shortcutting Photorespiration Protects PotatoPhotosynthesis and Tuber Yield Against Heatwave Stress (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) », Global Change Biology, 2024.

Article original en anglais : https://www.anthropocenemagazine.org/2025/01/researchers-pave-the-way-for-climate-ready-crops-with-potatoes-that-thrive-in-heat/ (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre)

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Anthropocène est la version française d’Anthropocene Magazine (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre). La traduction française des articles est réalisée par le Service de traduction de l’Université Concordia (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre), la Durabilité à l’Ère Numérique (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre) et le pôle canadien de Future Earth (S'ouvre dans une nouvelle fenêtre).

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